1948 T.16 Bis - 2e Série.pdf
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Pour acquérir le renom nécessaire,<br />
ces personnages employaient<br />
presque toujours des moyens bien précaires. Peu nombreux étaient<br />
ceux qui cherchaient à pratiquer une vie ascétique et vertueuse. Cette<br />
méthode, trop longue, ne convenait point aux impatients. La plupart<br />
préféraient le procédé! plus rapide et plus efficace du miracle. Avec un<br />
peu d'adresse et quelques compères dévoués, ils avaient vite fait de<br />
réaliser des événements merveilleux. Bou Baghla avait acquis beaucoup<br />
d'habileté dans la réalisation de ces subterfuges. Pour essayer de gagner<br />
l'appui des Béni Idjer, tribu de Grande Kabylie, il se présenta un jour<br />
en grande pompe sur leur marché, et prononça un discours. Alors se<br />
produisit une scène extraordinaire : un nègre aux traits hideux se<br />
précipite sur le chérif en niant qu'il soit l'envoyé de Dieu et décharge<br />
son énorme tromblon sur la poitrine de Bou Baghla qui, impassible<br />
ne bouge pas. Ce prétendu miracle n'était, en fait,<br />
qu'une vulgaire<br />
supercherie concertée par avance entre le nègre et lui. « C'est le vrai<br />
chérif o, criait-on de tous côtés. « Séance tenante ori fait la prière, la<br />
prise d'armes est ordonnée et la guerre contre les chrétiens décidée et<br />
combinée » (1).<br />
Un autre procédé souvent employé était celui des songes dans les<br />
quels l'Ange Gabriel, ou le Prophète, ou même un Saint,<br />
révélaient à<br />
l'intéressé sa mission providentielle. El-Hadj-Hadjoudj, le vieillard de<br />
Mila, agit de la sorte en 1864 pour soulever les habitants du Zouagha.<br />
Cette mission providentielle avait toujours, officiellement,<br />
un but<br />
religieux : il fallait défendre la religion de l'Islam contre les périls qui<br />
la menaçaient. Mais la Guerre Sainte n'était, en réalité, qu'un prétexte<br />
pour abriter les intentions politiques de leurs menées. Et pour entraî<br />
ner les populations, ils s'adressaient moins à leur foi religieuse qu'à leur<br />
sentiment d'indépendance, en leur montrant le danger de la proximité<br />
des Français qui s'apprêtaient à gravir leurs montagnes. Pour exciter<br />
l'ardeur guerrière des montagnards,<br />
ces faux-chérifs n'hésitaient pas<br />
à propager les nouvelles les plus fausses et les plus invraisemblables<br />
sur notre compte ; le moment était venu disaient-ils, de rejeter les<br />
Français à la mer, le pays était dégarni de troupes, et nous avions subi<br />
plusieurs défaites sur nos théâtres de guerre européens ; le sultan allait<br />
bientôt venir à leur aide, etc..<br />
Ces moyens, très grossiers,<br />
combat ces montagnards crédules,<br />
chefs de guerre.<br />
suffisaient pourtant à entraîner au<br />
qui faisaient de ces chérifs leurs<br />
Au cours de la conquête cependant, les Kabyles se voyant vaincus,<br />
perdirent confiance en ces personnes qui les avaient si souvent bernés,<br />
et reportèrent tous leurs espoirs vers l'idéal que leur offraient les so<br />
ciétés secrètes ; elles héritèrent du rôle patriotique des chérifs qui dis<br />
parurent. Les Khouan en effet, n'avaient aucun intérêt à en susciter<br />
parmi leurs membres : ils avaient déjà un chef, le supéTreur de l'ordre,<br />
(1) Féraud : Histoire de Bougie, Recueil des Notices et Mémoires de la<br />
Société Archéologique de Constantine, année 1869, p. 362.