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1948 T.16 Bis - 2e Série.pdf

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— - 16<br />

il n'est pas un chef mais simplement un primus inter pares, c'est Vamin<br />

appelé cheikh dans toutes les tribus arabophones de Kabylie Orien<br />

tale (1).<br />

La réunion de ce cheikh avec les personnages les plus importants<br />

de la djemaâ constitue une sorte de conseil restreint, de comité exécutif<br />

qui est la voix de la djemaâ.<br />

Car si, dans cette assemblée, l'égalité des droits règne en principe<br />

(ce qui a permis à beaucoup de sociologues de vanter la forme républi<br />

caine des institutions berbères), en fait, tout repose sur les inégalités<br />

sociales. Tous les membres de la djemaâ n'ont pas les mêmes droits à<br />

la parole. Une telle importance est attribuée à l'influence de l'âge ou<br />

de la fortune, de la naissance ou de la profession, que le village est en<br />

réalité gouverné, non par tous les hommes adultes, mais par une petite<br />

poignée de notables. C'est ainsi que les personnes âgées, riches d'expé<br />

rience, sont plus écoutées que les jeunes gens ; un homme jouissant<br />

d'une aisance relative, sera réputé supérieur à un homme sans fortune ;<br />

l'avis du guerrier brave prévaudra sur celui du simple fellah, ou sur les<br />

paroles d'un boucher, d'un forgeron, d'un danseur, dont les professions<br />

sont considérées comme méprisables. Les marabouts, grâce à leur nais<br />

sance privilégiée, ont droit à une grande déférence.<br />

Cette assemblée fonctionne régulièrement : elle se réunit une fois<br />

par semaine, généralement le jour du marché ou le lendemain, pour<br />

avoir la possibilité de délibérer sur les nouvelles apprises. Son lieu de<br />

réunion varie, soit en plein air près du marché, soit dans une maison<br />

commune,<br />

très'<br />

souvent aussi dans la mosquée.<br />

C'est la djemaâ qui détient tous les pouvoirs, législatif, exécutif et<br />

judiciaire. Sa compétence est illimitée. Elle a le droit d'édicter, c'est-à-<br />

dire de faire des règlements nouveaux, ou bien d'abroger ou de modifier<br />

les anciens. Elle décide de la paix ou de la guerre ; vote les impôts, en<br />

fixe la quotité, le mode de répartition et l'emploi. Les agents se char<br />

gent de l'exécution des décisions de l'assemblée. Elle a aussi l'exercice<br />

du pouvoir judiciaire. " Tribunal criminel, correctionnel et de simple<br />

police, elle connaît des crimes, délits et contraventions, prononce la<br />

peine de mort, et punit d'amende les moindres infractions aux règle<br />

ments de voirie municipale.<br />

« Appelée à s'occuper, comme juge, des affaires civiles, elle statue<br />

elle-même ou délègue ses pouvoirs à des juges-arbitres ; dans tous les<br />

cas elle se réserve l'exécution et joue un rôle prépondérant...<br />

» (2).<br />

Ces actions se font suivant une règle résultant de Yâda ou coutume.<br />

Celle-ci s'est constituée, progressivement, de tous les faits particuliers<br />

observés, et s'enrichit constamment. En accord avec elle, la djemaâ<br />

formule certaines prescriptions qui sont bien plus souvent des interdits<br />

(1) Souvent, les djemaâ des villages d'une même tribu éprouvent le besoin<br />

de se réunir en une seule assemblée, la djemaâ de la tribu, où s'impose le cheikh<br />

du village le plus important.<br />

(2) Ha.noteau et<br />

1893, tome II, p. 25.<br />

Letourneux : La Kabylie et les coutumes kabyles, Paris

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