1948 T.16 Bis - 2e Série.pdf
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PRÉFACE<br />
De nos jours la science historique, tout comme les vieux atlas, a<br />
ses taches blanches, où Von est fâché d'inscrire : « Terra incognita ».<br />
En Algérie elles sont encore de dimensions<br />
impressionnantes. Des<br />
récits militaires, comme en géographie les notes des voyageurs pres<br />
sés, nous aident mal à dissimuler notre ignorance. Dans ces zones vier<br />
ges, j'ai lancé, ces dernières années,<br />
une équipe de jeunes et hardis<br />
chercheurs. Mademoiselle Zurcher a le mérite d'être la première à<br />
pouvoir nous livrer le résultat de ses travaux.<br />
L'objet de ses investigations est un grand pâté montagneux, re<br />
douté par tous les maîtres du Maghreb, y compris les Turcs, et où, mê<br />
me de nos jours, les couteaux sortent faoilemeiit de leurs gaines et les<br />
balles des fusils. Grand problème que celui de la nécessité de la péné<br />
tration dans ce pittoresque et inquiétant domaine et des méthodes<br />
employées pour y affermir notre prestige et organiser la mise en va<br />
leur.<br />
Lorsqu'il étudie une conquête coloniale, l'historien est aussitôt<br />
disposé à lui attribuer une cause économique. La Kabylie orientale<br />
avait-elle des richesses assez importantes pour tenter la cupidité des<br />
nouveaux venus ?<br />
Ses ressources n'étaient pas inexistantes. L'un des meilleurs ob<br />
servateurs de l'Algérie, l'officier du génie Richard, les avait étudiées<br />
dès 18k2 (1), et son rapport, fondé sur l'interrogatoire des indigènes<br />
plutôt que sur une enquête directe (car il est peu probable qu'il ait pu<br />
quitter Bougie)<br />
pouvait provoquer des appétits. Il montrait que la<br />
partie occidentale de la Kabylie était la seule région industrielle de<br />
l'Algérie. Les Béni Soliman "possédaient deux mines de fer en pleine<br />
exploitation,<br />
dont ils livraient le produit en barres ou en lames aux<br />
Béni Ougrelis et aux Béni Mohali, tribus de forgerons. La montagne<br />
de Toudja, au-delà de laquelle l'oued Grir arrosait de beaux jardins,<br />
contenait du cuivre encore non exploité. Le plomb se trouvait chez les<br />
Béni Chebana. Surtout il présentait la tribu des Béni Abbès, sur le<br />
contrefort du Djurdjura comme « l'immense atelier de l'industrie ka<br />
byle », avec un grand centre, Kolla, où l'on fabriquait des fusils, des<br />
pistolets et aussi une grande quantité de fausses monnaies, imitant<br />
très bien les pièces de Tunis et d'Alger. Il attribuait le développement<br />
de cette vie industrielle à la présence, dans ces montagnes, de fer, de<br />
(1) Archives Nationales, F. 80, 16«4.