1948 T.16 Bis - 2e Série.pdf
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au profit des ordres religieux. Hanotcau et Letourneux expliquent très<br />
bien, pour la Grande Kabylie, les raisons de ce changement, parfaite<br />
ment valables pour la Kabylie Orientale, puisqu'elles résident avant<br />
tout dans un fait psychologique. -<br />
Avant les guerres soutenues contre<br />
nous (disent les auteurs) les Kabyles avaient une très grande confiance<br />
dans un certain nombre de leurs marabouts ; ils croyaient surtout pou<br />
voir compter sur la protection efficace de quelques saints, enterrés<br />
dans leurs montagnes, que la crédulité populaire avait investis de la<br />
mission d'en défendre l'accès aux conquérants étrangers, et surtout<br />
aux infidèles. Plusieurs attaques malheureuses des Turcs avaient affer<br />
mi cette croyance, et la foi dans ces espèces de génies tutélaires était<br />
encore entière quand parurent nos premiers bataillons.<br />
« Tant que nos colonnes restèrent dans les vallées, les défaites<br />
successives des contingents envoyés contre elles produisirent peu d'ef<br />
fet ; les Turcs aussi avaient été les maîtres des plaines. On nous atten<br />
dait sur les montagnes, dans le rayon d'action immédiat des marabouts<br />
protecteurs. Les Français ne tardèrent pas à s'y montrer et la fortune<br />
des armes leur resta fidèle. Les « grandes capotes » comme les Kaby<br />
les appellent nos soldats, passaient sans s'émouvoir, près des sanc<br />
tuaires redoutables qui devaient les frapper de terreur, et lancer contre<br />
eux la foudre ; bientôt le pays tout entier fut réduit à s'avouer vaincu.<br />
Il fallait bien se rendre à l'évidence : les saints avaient complètement<br />
failli à leur mission. Les marabouts vivants qui, au nom de la Divinité,<br />
avaient fait des promesses téméraires, se trouvaient cruellement dé<br />
mentis par la conquête » (1).<br />
« Les événements de la guerre ayant ainsi ébranlé les croyances<br />
antiques qui, jusque là, avaient fait la force de la résistance, l'esprit<br />
patriotique, ne pouvant se résigner à une soumission sans réserve,<br />
chercha à ses espérances un nouveau point d'appui. Il croit l'avoir<br />
trouvé dans les sociétés secrètes dont l'organisation permet si facile<br />
ment de dérober, à notre vigilance, les menées politiques ».<br />
« D'autres circonstances encore favorisèrent cet entraînement. Les<br />
Kabyles étaient habitués à vivre dans des agitations continuelles ; les<br />
années qui précédèrent la conquête furent surtout pour eux une époque<br />
d'excitation fébrile. Une paix profonde venant à succéder à cet état<br />
de trouble devait produire nécessairement un vide pénible dans ces<br />
existences naguère si tourmentées, et disposer des esprits ardents à<br />
accepter tout mouvement qui offrirait un élément à leur activité » (2).<br />
Sous le concours de ces circonstances, l'ordre des Rahmanya prit,<br />
au cours de la conquête une extension croissante,<br />
et devint un organis<br />
me actif des menées politiques contre notre politique. Dès 1856, la ré<br />
volte de Grande Kabylie est fomentée par le Khalifa de l'ordre ; quel<br />
ques années plus tard, l'action de cette société secrète atteint la Kabylie<br />
(1) Hanoteau et Letourneux : op. cit., tome II, p. 102 et 103.<br />
(2) idem, p. 104.