1948 T.16 Bis - 2e Série.pdf
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l'intrigue ; c'est de là qu'il lançait enfin ses instructions pour révolter<br />
la Kabylie » (1). Il donne même à Bou Akkas la responsabilité d'avoir<br />
entraîné dans le mouvement le moqqadem du Zouagha, qui aurait<br />
« reçu le mot d'ordre dans la boutique du savonnier ». Louis Rinn (2)<br />
au contraire décharge Bou Akkas de presque toute responsabilité, et<br />
réduit son rôle dans les événements de 1864, à un simple consentement<br />
tacite, en rejetant toule la part active sur les Khouan. « Lui et les siens<br />
(dit l'auteur) ont toujours affirmé qu'il avait déconseillé cette levée de<br />
boucliers qu'il n'avait pas mission de dévoiler car, en dehors du Ferd<br />
jioua proprement dit, il ne pouvait plus être responsable d'un pays<br />
dont nous lui avions enlevé la direction effective,<br />
pour la confier à un<br />
de ses ennemis intimes (Ben Derradji). Il est vraisemblable en effet<br />
que la conspiration de Bou Akkas s'est bornée à laisser entendre qu'il<br />
verrait, sans déplaisir les Khouan susciter des embarras à son parent<br />
Derradji, et qu'il avait promis seulement le silence à condition que le<br />
Ferdjioua proprement dit ne soit pas troublé ».<br />
Ces opinions semblent toutes deux trop extrêmes chacune dans un<br />
sens opposé : il faut attribuer, avec Louis Rinn, un rôle important aux<br />
Khouan, complètement négligés par Féraud. Il est certain qu'ils ont eu<br />
l'initiative du mouvement, et que Bou Akkas s'y est engagé postérieu<br />
rement sur la demande de Mouley Mohammed car, nous le verrons,<br />
la chute du cheikh n'a pas entraîné le déclin de l'insurrection ; celle-ci<br />
au contraire a connu une ampleur croissante jusqu'en 1865. Mais L.<br />
Rinn semble aller trop loin, en attribuant, à Bou Akkas, un rôle pure<br />
ment passif, et en lui donnant pour tout motif la haine personnelle<br />
qu'il concevait pour son neveu Ben Derradji. Bou Akkas, au contraire,<br />
visait certainement bien plus haut et cherchait à reconquérir, dans son<br />
fief, ses anciens pouvoirs. Pour arriver à ce but, il joua sûrement un<br />
rôle actif dans le mouvement.<br />
Quoiqu'il en soit, la conspiration commença à prendre corps dès<br />
le début de 1864. Bou Akkas et Mouley Mohammed se mirent en rela<br />
tion avec un marabout de Mila, nommé El-Hadj-Hadjoudj, vieillard<br />
obèse et à demi-idiot, mais considéré comme un saint car son corps,<br />
couvert de pustules, faisait croire qu'il avait le don de prendre pour<br />
lui tous les maux de ceux qui l'approchaient et l'honoraient. Ce mara<br />
bout se mit à raconter à ses visiteurs ses prétendues visions : elles lui<br />
annonçaient, disait-il,<br />
que le moment était venu de recommencer le<br />
djehad (3) contre les chrétiens; et ces paroles trouvaient écho parmi<br />
les habitants du Zouagha. Ceux-ci étaient excités aussi par un vieux<br />
barde populaire de chez les Ouled-ab-en-Nour, nommé Bougrine, qui<br />
chantait des poèmes épiques,<br />
répandus partout. Ces poèmes disaient<br />
qu'« Ahmed Bou Akkas, sultan de la vallée, avait tout son monde<br />
groupé autour de lui et distribuait des burnous verts et bleus... les amis<br />
(1) Féraud : Ferdjioua et Zouagha, Revue Africaine, 1878, p. 167.<br />
(2) Louis Rinn : Histoire de l'Algérie (manuscrit). Livre XI, ch. 3, paragr. III.<br />
(3) Djehad : Guerre sainte.