LIBERTE COULEUR D'HOMME - Les amis d'André Laude
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LIBERTÉ Couleur D’HOMME<br />
complicité. La panne ne dura que quelques secondes. Quand la lumière revint aussi brusquement<br />
qu’elle était disparue je retirai précipitamment ma main mais pas assez rapidement pour empêcher<br />
Ali de voir le mouvement. J’étais mal à l’aise. Je m’éloignai d’Ava, m’intégrant à d’autres groupes.<br />
Un long moment passa. Soudain un indescriptible brouhaha s’éleva dans l’autre pièce. Je reconnus<br />
la voix d’ Ali puis celle de Pierre. J’allais rejoindre l’autre pièce lorsqu’ Ali surgit devant moi, son<br />
revolver au poing. Ali avait beaucoup bu depuis son arrivée et je savais qu’il supportait très mal<br />
l’alcool. Ses yeux flambaient de colère, de haine. Je compris aussitôt. Il était jaloux à cause d’Ava.<br />
Surpris, je n’avais pas prononcé une parole. La situation était absurde. Mais déjà Pierre et d’autres<br />
compagnons avaient agrippé Ali qui tentait de leur échapper. Son revolver tomba au sol, quelqu’un<br />
donna un coup de pied dedans. Le revolver disparut sous un meuble. Et brusquement Ali s’effondra<br />
en larmes. Avec beaucoup de ménagement, nous l’entraînâmes vers la salle de bains. Nous lui<br />
appliquâmes des linges humides sur le visage. Ali reprit peu à peu ses esprits. Il était profondément<br />
honteux. Il me demanda pardon, me fit mille excuses. Je lui répondis que tout cela n’était pas grave.<br />
La fête reprit son cours.<br />
Je revis Ava et bientôt nous vécûmes ensemble. J’étais amoureux fou d’elle. J’aimais son amour,<br />
ses exigences, sa liberté de femme. Ce furent quelques mois d’Eden. Ava était en liaison avec des<br />
groupes révolutionnaires indiens, les « naxalites. »<br />
Un matin, alors que nous venions de faire longuement l’amour et que nous étions allongés sur le<br />
balcon, au–dessus du port embrumé, Ava me dit qu’elle allait devoir s’absenter deux semaines pour<br />
une mission importante dans son pays. Elle partit le lendemain. J’étais en proie à une angoisse<br />
inexplicable. J’appréhendais quelque malheur. Ava m’avait promis de me tenir au courant. Je ne<br />
reçus jamais de ses nouvelles.<br />
Plusieurs mois plus tard, j’appris la vérité. Ava était morte en prison des suites de mauvais<br />
traitements. Elle avait été capturée deux jours après son arrivée. Longtemps, j’ai conservé un<br />
précieux cadeau d’elle, une bague qu’elle m’avait offerte pour sceller notre alliance. Cette bague<br />
devait m’être malheureusement dérobée, quelques années plus tard à Tanger, par une bande de<br />
voyous qui m’agressèrent dans une ruelle sombre. Je fus longtemps malade. Ava me manquait. Je<br />
me moquais bien du devenir de la révolution. La révolution n’était pas Ava. Je rentrais le moins<br />
possible chez moi, au-dessus du port. Je travaillais avec acharnement. J’acceptais des missions à<br />
l’étranger. Il s’agissait dans la plupart des cas de liaisons avec d’autres mouvements de libération.<br />
C’est au retour d’une de ces missions que je retrouvais à Alger Che Guevara qui, lui–même, se<br />
rendait incognito dans un pays d’Afrique en proie aux troubles et où couvait une révolte antiimpérialiste.<br />
Je lui fis part ouvertement de mes inquiétudes quant au cours de la « révolution<br />
cubaine ». J’avais à ma disposition de nombreux renseignements indiscutables qui témoignaient que<br />
la répression s’accentuait, que la mainmise de l’Union soviétique s’élargissait avec pour<br />
conséquence un durcissement général. Le « Che » répondit évasivement, détourna la conversation.<br />
Il me tendit une boîte de cigares qu’il avait apportée spécialement à mon intention. La rencontre<br />
avait lieu dans la maison d’un diplomate cubain en poste à Alger. Quand l’heure vint pour lui de se<br />
retirer, je l’étreignis longuement. Il me répondit par un vigoureux « abrazo ». Je ne devais plus<br />
revoir le « Che » vivant.<br />
L’appareil d’État, en dépit de nombreuses carences, continuait à déployer sa toile d’araignée.<br />
Apparemment Ben Bella jouissait toujours de la complète confiance du peuple, mais<br />
souterrainement, les choses commençaient à se détériorer. Je n’ignorais pas les antagonismes<br />
existant entre Ben Bella et Boumedienne. Ce dernier détestait les « pieds rouges », et les journaux à<br />
sa dévotion ne nous épargnaient pas. Un jour même, au cours d’un imbroglio confus, j’eus le<br />
privilège d’être arrêté par Sa police militaire. Je m’en tirais sans trop de mal. Mais j’étais devenu<br />
parfaitement conscient : les « clans » se disputaient âprement le pouvoir. En cas d’affrontements<br />
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