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LIBERTE COULEUR D'HOMME - Les amis d'André Laude

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LIBERTÉ Couleur D’HOMME<br />

autres encore. D’autres continuent de résister tel Armando Valladares emprisonné depuis 1960 au<br />

fond d’un puits de ciment. Valladares a subi de nombreuses tortures. En 1977, il n’avait reçu aucune<br />

visite depuis neuf ans. « Deux mètres d’angoisse sur un mètre de torture » a–t–il écrit dans un<br />

recueil de poèmes dont la traduction française a paru, il y a quelques mois, aux Éditions Grasset<br />

sous le titre «Prisonnier de Castro ». Prisonnier de Mao, Prisonnier de Castro, Prisonnier de<br />

Brejnev, Prisonnier de Schmidt… Le « Prisonnier » est la grande figure du XX e siècle. La<br />

« multinationale des goulags » dénoncée par le dissident russe Leonid Pliouchtch, ne se repose<br />

jamais, elle œuvre vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sur tous les continents. Valladares a<br />

aujourd’hui quarante–deux ans. À son entrée dans l’enfer, il avait vingt–trois ans. Exilée, sa femme<br />

se bat chaque jour pour le tirer vivant si possible d’un « lider maximo » devenu un vulgaire<br />

caudillo.<br />

Au fil des années, et très rapidement, la « fête cubaine » a viré au cauchemar. <strong>Les</strong><br />

« révolutionnaires » des années 60 sont devenus les <strong>amis</strong> et protecteurs de certains tyrans. Quelle<br />

honte ineffaçable !<br />

Le « lider », lui, marche toujours sur ses deux jambes. Valladares se traîne sur les genoux dans<br />

son puits infâme.<br />

Durant de longues années les indécrottables intellectuels occidentaux rendus aveugles par un<br />

billet d’avion gratuit, tressèrent les louanges du socialisme cubain. Ils n’étaient pas dans l’île pour<br />

voir la vérité mais pour voir ce qu’ils désiraient voir : une révolution victorieuse qui leur permettait,<br />

à leur retour, de venir pérorer devant de vastes assemblées dans la grande salle de la Mutualité,<br />

trompant ainsi de jeunes esprits mal armés et soucieux de posséder la conviction qu’il y avait au<br />

moins, quelque part sur la planète douloureuse, une révolution « vraie » qui éclairait le monde.<br />

Aujourd’hui le « cuba libre » a un goût amer de bouillon d’onze heures. Depuis la « défête<br />

cubaine » je me suis juré de ne jamais plus m’abandonner à l’illusion lyrique, de ne plus me laisser<br />

emporter par des proclamations enflammées, des prophéties grandioses. Je me suis promis, toujours<br />

et partout d’exiger qu’on me montrât l’envers du décor, qu’on m’ouvrit les portes, toutes les portes.<br />

Quand un pays n’a pas de camps de travail, de goulag à cacher, il ne peut craindre un œil<br />

investigateur. Mais tous les pays ont des goulags à cacher. C’est pourquoi le visiteur doit toujours,<br />

d’une façon ou d’une autre, se signaler aux autorités.<br />

Quand l’Algérie arracha enfin son indépendance après tant d’années jonchées de cadavres,<br />

malheureusement, j’étais encore disponible pour l’illusion lyrique. J’étais à l’époque en rupture<br />

d’Europe. Je souhaitais quitter le vieux continent pour ne plus jamais revenir. J’entendais l’appel<br />

d’Aden Arabie comme l’avait entendu Paul Nizan.<br />

Mon fils venait de naître. Mais sa mère m’avait quitté avant sa naissance. Cette femme ne<br />

désirait pas vivre avec moi, c’était son droit. Quand mon fils naquit ce fut un drame : il était<br />

épileptique. Sa mère se dévoua corps et âme pour lui. Elle fut admirable. De ce bébé frappé par<br />

l’adversité elle a fait – avec l’aide des thérapeutes cela va de soi – un jeune homme qui s’apprête<br />

actuellement à devenir berger, un garçon plein de vitalité, passionné de musique et de poèmes de<br />

Prévert. Mon fils !<br />

Accablé par l’ennui qui était le mien en France, je décidais donc de rejoindre l’Algérie<br />

indépendante. J’avais assisté aux journées bouleversantes qui avaient suivi la proclamation de<br />

l’indépendance. J’avais été témoin pour la première fois de ma vie d’une catharsis géante. Pendant<br />

ces trois jours les tabous s’effondrèrent chez ce peuple musulman. <strong>Les</strong> femmes arrachaient leurs<br />

voiles. Elles offraient leurs visages aux rayons du soleil nouveau. <strong>Les</strong> hommes aussi se libérèrent<br />

durant ces heures ardentes des carcans traditionnels. Pendant trois jours, ivre, j’avais sillonné cette<br />

ville en proie au délire, à l’enthousiasme, à la fièvre érotique, sexuelle. <strong>Les</strong> soldats de l’ALN<br />

tiraient en l’air, déchirant de salves les nuits orageuses. C’était un spectacle bouleversant que<br />

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