LIBERTE COULEUR D'HOMME - Les amis d'André Laude
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LIBERTÉ Couleur D’HOMME<br />
rêver à l’ailleurs, là où il n’y a nulle trace de la Rome impériale, au royaume d’innocence où peut<br />
être fondée l’harmonie. Des siècles et des siècles après Spartacus I er , un autre Spartacus, lui aussi,<br />
parviendra à la tête de ses rebelles sous les murs de la Cité impériale. Il est barbu, jovial, une<br />
énergie inépuisable, un géant de l’action, un courage de fer, un romantisme fou aux lèvres. Il entrera<br />
dans la cité impériale. Il sera plébiscité. Il deviendra le « lider maximo ». Chef charismatique il<br />
déclenchera l’enthousiasme des foules, des petites gens, des pauvres, des poètes, des rêveurs, des<br />
faibles. Alors, la révolution est une fête. L’imagination est au pouvoir. Le délire pousse dans les rues<br />
sous la forme de grands arbres aux couleurs éclatantes. On pose son fusil et on fait l’amour. <strong>Les</strong><br />
négrillons dévorent des glaces en inventant des chansons savoureuses, ensoleillées. Mais l’homme<br />
ne vit pas seulement de poèmes. Il veut du pain, des médicaments, du travail, la sécurité, la<br />
satisfaction de ses besoins élémentaires. L’héritier de Spartacus est contraint au réalisme. On range<br />
dans les armoires les instruments de musique. On devient soupçonneux. On voit à chaque angle de<br />
rue des « ennemis de la révolution ». La crainte du peuple le pousse à fantasmer. <strong>Les</strong> poètes, les<br />
homosexuels, les amoureux de la liberté tout simplement sont dénoncés bientôt comme les membres<br />
d’une mystérieuse et éternelle « cinquième colonne ». La répression s’abat. Le Dieu–Productivité<br />
crache ses ordres, ses commandements et ses verdicts dans les micros, les haut–parleurs. L’héritier<br />
de Spartacus découvre avec ravissement les charmes de la condition de lider maximo. Il n’oublie<br />
jamais de paraître en public avec, épinglées au revers de sa vareuse soigneusement coupée, toutes<br />
les décorations que lui ont offertes d’autres « leaders », « chefs » et « sauveurs suprêmes ».<br />
De la Rome impériale de Spartacus à La Havane de Fidel Castro, la même implacable « fatalité »<br />
a joué.<br />
Lénine ? Bakounine ? Mao ? Che Guevara ? Gandhi ?<br />
Qui a la « voie » ?<br />
Qui connaît le chemin ?<br />
Rimbaud ? Saint-Jean-de-la-Croix, Staline ?<br />
Le sang des pauvres ne cesse de souiller la terre. Quelles semences mortelles féconde-t-il ? Qu’y<br />
a-t-il d’increvable dans l’espèce humaine qui la conduit régulièrement à se lever d’entre les morts, à<br />
casser, à briser les structures de l’oppression au nom d’une soif sacrée de libération, tout en<br />
fabriquant dans le même temps, tout en aidant à fabriquer de nouveaux outils d’esclavage. Question<br />
lancinante, à rendre fou, qui pervertit l’existence de celui à la peau duquel elle colle comme une<br />
blessure vrillante. Sera-ce donc toujours le même scénario : une poignée de rebelles authentiques,<br />
sachant au nom de quoi ils se sont rebellés, rejoints un jour par ces « masses » aux sentiments divers<br />
(souci de ne pas s’aliéner le vainqueur, instinct de survie, opportunisme, désir de se faire un<br />
« trou », une situation au sein du nouvel édifice…), désirant ardemment entraîner leur peuple sur la<br />
pente du « beau et du bien » et peu à peu amenés, au nom même de ce « beau et ce bien », à se<br />
métamorphoser en flics, puis en bourreaux, tandis que les foules divisées en clans multiples, les uns<br />
en proie au plus grand fanatisme, à la plus dangereuse paranoïa, les autres à l’effroi absolu,<br />
s’enfoncent derrière le nouveau tyran, vers des abysses de larmes et de sang, ou complotent<br />
mystérieusement sa chute.<br />
Guignol affreux de l’histoire qui se répète inlassablement. Et dans quelque chambre d’hôtel<br />
miteux, le « pur » met un terme à la contradiction en se tirant une balle dans la bouche, en avalant<br />
un poison violent. Tandis que derrière les murs des prisons nouvellement bâties, confondus en une<br />
mêlée confuse, « traîtres », et « contre–révolutionnaires » boivent leur propre urine. Pour faire un<br />
spectacle parfait, il ne manque jamais quelque idiot de village figurant parmi eux, idiot qui ne<br />
comprend rien à rien, qui ne comprend que la langue des oiseaux.<br />
Oui, comment rompre une fois pour toutes avec ces révolutions qui se dévorent elles–mêmes, et<br />
qui dévorent dans le même temps leurs propres enfants. L’humanité est–elle définitivement<br />
condamnée à errer « au large d’Eden » ? Exister ne se résumera-t-il, pour les plus lucides, les plus<br />
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