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LIBERTE COULEUR D'HOMME - Les amis d'André Laude

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LIBERTÉ Couleur D’HOMME<br />

durer une éternité. Je suffoquais presque. Mais je ne voulais absolument pas briser l’enchantement.<br />

Sans quitter ma bouche, elle arracha ses mains de ma nuque. Ses mains descendirent lentement le<br />

long de mon dos. Puis ses mains vinrent doucement se poser sur mon sexe invisible. Lentement, les<br />

doigts dénouèrent la ceinture, firent sauter les boutons de la braguette. Mon corps obéissait aux<br />

gestes de Josée. Avec la même lenteur, ses mains firent glisser le pantalon et le slip en même temps,<br />

sous les fesses, jusqu’aux genoux. J’avais fermé les yeux. Violemment. J’appartenais tout entier à<br />

l’incendie qui se propageait sous mes paupières closes. Ni Josée ni moi n’avions murmuré le<br />

moindre mot depuis de longues minutes. C’est alors qu’une sensation encore plus étonnante remplit<br />

soudain mon être. Une onde électrique douce et rugueuse à la fois. J’entrouvris les paupières. La<br />

chevelure de Josée semblait flamber. Sa bouche avait happé mon sexe tandis que sa main droite<br />

caressait la chair alentour. Une immense clarté se déployait des pieds à la racine des cheveux. La<br />

bouche de Josée savait tout de l’amour. L’inexpérience, l’excitation étaient telles qu’il me fut<br />

impossible de maîtriser mes réactions. J’éjaculais sans retenue, totalement saisi par la fièvre, une<br />

espèce de tremblement nerveux. Je proférais des mots sans suite. Mes mains fouillaient la chevelure<br />

de Josée dont les lèvres s’acharnaient. Elle buvait le sperme, infatigablement. Enfin, elle releva le<br />

visage. Il était magnifique, avec quelque chose de plus qu’humain. Transfiguré. C’était la splendeur<br />

du monde qui m’était enfin révélée. Elle se redressa et ses lèvres humides se posèrent sur les<br />

miennes. Comme pour me pacifier. Une lassitude sans nom s’abattit sur moi. Je m’effondrai,<br />

endormi. Quand je me réveillai, quelques heures plus tard, j’étais allongé nu, sur le divan. Josée,<br />

nue, reposait près de moi, pelotonnée contre ma hanche. Ce matin–là, la tête encore lourde, mais<br />

follement conscient, je lui fis l’amour. Ce fut un second éblouissement. Ce n’était que le premier<br />

d’une assez longue chaîne d’or. L’amour se confondit pour moi avec Liberté. J’aimais Josée, chair<br />

et esprit. Je ne voulais plus la quitter. Le matin, nous prîmes un copieux petit–déjeuner, en robes de<br />

chambre, sur le minuscule balcon. Josée semblait épanouie. Ses yeux distillaient une tendresse rare.<br />

Moi, je planais littéralement. Je contemplais les gens qui, dans la rue, marchaient vers les stations<br />

d’autobus, le métro. Ils me faisaient horreur, pitié. Et en même temps j’avais envie de les interpeller,<br />

de les prendre par le cou, de leur crier que l’amour n’était pas mort, que la terre était belle, que les<br />

monstres n’avaient plus d’avenir puisque Josée et moi nous étions capables d’allumer des myriades<br />

de soleils. J’avais envie de les détourner du droit chemin, de les entraîner sur les chemins verts de la<br />

fantaisie, de la beauté, de la réconciliation. Ce matin–là je décidai de ne pas aller au travail. A<br />

nouveau, un maillon de ma chaîne d’esclave se brisait. Je ne craignais ni dieu ni diable. Josée était<br />

vivante. Vivante. Immensément vivante. Elle était sentinelle de ce pays de cette immense contrée<br />

découverte par Apollinaire. Elle repoussait la mort qui mordait mes talons. Durant tout une saison,<br />

j’eus une respiration. Je tournoyais comme un oiseau enveloppé de pollen. Un jour nous quittâmes<br />

Paris à bord d’une petite auto prêtée par des <strong>amis</strong>. Nous roulâmes jusqu’à Fécamp. L’odeur de<br />

poisson, du sel rongeant les pontons du port provoqua en nous une émouvante ivresse. Josée riait à<br />

pleine gorge. Le soir, nous dévorâmes une assiette pleine de fruits de mer puis nous roulâmes le<br />

long des grèves du pays de Caux, tandis qu’au–dessus des falaises crayeuses, trouées, les mouettes<br />

faisaient d’immenses cercles en poussant des cris aigus. À la moindre occasion, à cause d’un reflet<br />

du soleil couchant dans l’océan, à cause de la beauté parfaite d’un galet, d’une racine tordue<br />

échouée sur les cailloux, d’un chien galopant le long de la frange d’écume j’embrassais<br />

passionnément Josée qui s’abandonnait alors entre mes bras, entre mes doigts, plante vivace et<br />

tumultueuse. Parfois, elle m’échappait des mains, elle courait vers l’immense masse liquide comme<br />

si elle allait se jeter dedans, dans une fanfare d’étincelles, mais elle s’immobilisait juste à l’endroit<br />

où l’eau venait doucement caresser les jambes, et elle demeurait immobile, de très longues minutes,<br />

contemplant un invisible paysage, situé au large de la ligne d’horizon. Ses yeux marrons–gris<br />

n’étaient plus que myriades de minuscules feux. L’étoffe qui tremblait contre son épaule avait des<br />

pâleurs de chair. J’aimais alors Josée de toute la force humaine possible. Elle coïncidait avec moi.<br />

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