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LIBERTE COULEUR D'HOMME - Les amis d'André Laude

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LA REVOLTE S’APPELLE ESCLARMONDE<br />

LIBERTÉ Couleur D’HOMME<br />

C’est grâce à Serge, Jacques, Georges, Michel D. que je découvris très tôt, dans ma maison<br />

d’Aulnay–sous–bois, le surréalisme. J’en étais encore à écrire des poèmes qui n’étaient que des<br />

décalques des poèmes de Lamartine, de Musset, de Théophile Gautier, de Victor Hugo. J’écrivais<br />

chaque jour. J’étais persuadé qu’un seul jour sans un poème était un jour mort. Je barbouillais des<br />

cahiers d’écolier. J’étalais en longues strophes mon cœur meurtri. Je hurlais à l’amour et j’ignorais<br />

tout ou presque de l’amour. Je me croyais le plus malheureux de la planète. J’empilais des lieux–<br />

communs. Mon père furieux faisait la chasse à mes carnets qu’il déchirait rageusement après<br />

m’avoir traité de sale fainéant, de bon à rien. Je serrais les dents. Puis je recommençais.<br />

Quand j’eus intégré le « groupe » ce fut comme une marche forcée. La bibliothèque de Serge<br />

m’ouvrait des horizons insoupçonnés. Je me jetais voracement sur les livres, lisant pêle–mêle sans<br />

trop bien toujours comprendre, Freud, Nietzsche, Dostoïevski, Malraux, Bernanos, Michaux, Marx,<br />

Bakounine, Faulkner, Dos Passos, Rimbaud, Zola, Jules Vallès, Lao-Tseu, Lanza Del Vasto,<br />

Gurdjieff…<br />

Inévitablement, je ne pouvais pas ne pas rencontrer sur ma route chaotique, le surréalisme. Ce<br />

furent d’abord les deux Manifestes d’André Breton. Une lecture éblouissante qui me laissa sur le<br />

flanc. Quelqu’un disait tout haut ce que je pensais obscurément tout bas. Quelqu’un avait le pouvoir<br />

magique des mots, en sa possession la clef des aubes. Ce tumulte qui gémissait, flambait en moi,<br />

quelqu’un l’ordonnait, quelqu’un montrait du doigt la bête, quelqu’un désignait l’issue. Je sortis<br />

bouleversé de cette lecture. Bouleversé est un mot insuffisant d’ailleurs. Il y eut comme un<br />

tremblement de terre, comme un tremblement de ciel dans mes veines. Une métamorphose radicale<br />

s’opéra. Du jour au lendemain, Rimbaud, Lautréamont, Jacques Vaché remplacèrent dans mon<br />

panthéon intime Lamartine et Musset. J’étais définitivement marqué du signe du « fils du soleil ».<br />

Je commençais à écrire des poèmes sous l’influence de ces rencontres fabuleuses. Des poèmes<br />

dont le meilleur (?) devait s’intégrer à diverses plaquettes : Couleur végétale, Nomades du soleil,<br />

Pétales du Chant. J’avais trouvé ma vocation : changer la vie et transformer le monde. Dans mon<br />

être, dans mon sang, mes muscles, la Poésie et la Révolution ne faisaient plus qu’une seule et même<br />

chose. La poésie devenait un risque mortel. J’allais bientôt découvrir, grâce à Michel Leiris, qu’un<br />

authentique poète ne pouvait écrire qu’à « l’ombre de la corne du taureau ». L’écriture était une<br />

corrida. Je me fis taureau et matador.<br />

<strong>Les</strong> revendications énoncées par André Breton étaient les miennes. <strong>Les</strong> désaccords que je<br />

ressentais ne pesaient pas à côté de l’accord profond, fondamental. Avec les surréalistes je<br />

partageais la haine de la raison cartésienne, avec eux je haïssais l’ordre glacé de Versailles. Avec<br />

eux je frémissais aux fatrasies du moyen–âge, aux « Nursery Rhymes » anglaises, aux comptines<br />

débridées. Grâce à eux je compris à quel point le langage usuel faisait partie de l’arsenal oppressif<br />

du pouvoir. Libérer la langue de sa gangue de rationalité idiote c’était déjà commencer la lutte de<br />

libération. Couché sur les feuillets de braise de Fata Morgana, de Nadja, du Revolver à cheveux<br />

blanc, des Pas perdus, d’Arcane 17 d’André Breton, du Passager du Transatlantique, de Feu<br />

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