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LIBERTE COULEUR D'HOMME - Les amis d'André Laude

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LIBERTÉ Couleur D’HOMME<br />

banque.<br />

Je louais une chambre dans un hôtel plus proche de mon lieu de travail. Quelques jours plus tard,<br />

grâce à une de mes collègues, je trouvais à louer une modeste chambre de bonne, dans un vieil<br />

immeuble du neuvième arrondissement.<br />

Je repris contact avec Michel D. Il m’annonça la prochaine création d’une « Fédération Communiste<br />

Libertaire » (FCL). Une majorité de la vieille « Fédération anarchiste », écœurée par l’archaïsme<br />

de l’organisation, ses discours simplistes, complètement décrochés de la réalité, son pathos<br />

lyrique mais flou, son incapacité à établir une analyse correcte de la situation française et internationale<br />

du moment, son impuissance à proposer des méthodes et des plans de lutte en relation étroite<br />

avec les « masses laborieuses », avaient décidé de faire rupture. Je m’estimais suffisamment<br />

instruit, et sûr de mes convictions, et fît savoir à Michel D. que je souhaitais vivement m’intégrer à<br />

la nouvelle organisation. Il en fut très content. Ses yeux brillèrent de sympathie. Quelque temps plus<br />

tard, il devait mourir bêtement, si j’ose dire. L’ayant rencontré par hasard dans la rue nous nous<br />

attardâmes assez longtemps dans une conversation animée. Il avait un rendez-vous important.<br />

Michel était un homme ponctuel. Plus d’une demi–heure était passée quand il se décida à quitter la<br />

table de café où nous étions installés. Je le vis regagner son automobile. Il démarra sur les chapeaux<br />

de roues. Une vague angoisse me saisit que je rejetai aussitôt. Le soir même, j’appris les<br />

circonstances du drame. Quelques minutes après m’avoir quitté, Michel D., d’ordinaire<br />

extrêmement prudent et calme, avait, l’esprit ailleurs sans doute, « brûlé » un feu rouge. Son<br />

véhicule fut fauché de plein fouet par un autre véhicule qui circulait à très grande vitesse, lui aussi.<br />

Le choc fut au dire des témoins, terrifiant. D’un affreux amas de ferrailles tordues, brûlées, on retira<br />

le cadavre de Michel qui avait été tué sur le coup.<br />

Je fus malade plusieurs jours. Je me reprochais cette mort absurde qui m’enlevait un ami de<br />

lumière et privait les rangs révolutionnaires d’un homme d’action, d’un esprit fécond, d’une<br />

intelligence aiguë. Si je ne l’avais pas retenu, il n’aurait pas commis cette faute. Sa compagne me<br />

gronda tendrement. Michel fut enterré, entouré de la présence bouleversée, tendue, des camarades.<br />

Il tombait une petite pluie glacée, sinistre. Après que la dernière pelletée de terre eut recouvert son<br />

cercueil, après une ultime méditation face à sa tombe, nous nous réfugiâmes, transis, vidés,<br />

mélancoliques, dans un petit café proche du cimetière. Nous noyâmes notre chagrin, une poignée de<br />

compagnons, dans le rhum et le vin. Puis chacun s’éloigna du côté où les choses de la vie – et de la<br />

mort – l’appelaient.<br />

Il m’arrive, parfois, contemplant au cœur de la nuit, les étoiles lointaines, de retrouver le visage<br />

de Michel. Un visage que j’invente à coup sûr, tant le temps et ses violences ont creusé en moi une<br />

vallée d’oubli. Il m’arrive de lui parler, de lui demander conseil comme s’il était là près de moi,<br />

vivant, tout feu tout flamme.<br />

C’est peu après la mort de Michel D. que je rencontrais Josée. Nous étions, un groupe d’<strong>amis</strong>,<br />

attablés à la terrasse d’un café, Place du Tertre, à Montmartre. La soirée était douce, lumineuse.<br />

Nous étions à la fin de l’été. Des grappes de touristes américains erraient à travers les rues du<br />

quartier, en quête d’émotions culturelles, ou plus simplement en quête de plaisirs nocturnes.<br />

Elle arriva soudainement. Elle connaissait plusieurs personnes de notre petit groupe. On me<br />

présenta. Quelqu’un glissa une chaise vers elle. Elle se retrouva à mes côtés. Nous commençâmes<br />

classiquement la conversation en parlant de la pluie et du beau temps. Le garçon de café renouvelait<br />

les bouteilles à un rythme assez redoutable. <strong>Les</strong> esprits s’échauffaient. Plusieurs conversations<br />

animaient la table. Josée m’apprit qu’elle était modèle de peintre. Elle posait assez souvent pour<br />

Foujita. C’était une femme très séduisante. De taille moyenne, une chevelure brune, des yeux<br />

pétillants de malice. Une bouche remarquablement dessinée. Quand elle était arrivée, j’avais noté<br />

l’harmonie de ses formes. Sa poitrine était ni menue ni lourde. Sa voix était mélodieuse, avec un<br />

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