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LIBERTE COULEUR D'HOMME - Les amis d'André Laude

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LIBERTÉ Couleur D’HOMME<br />

répression. Elle allait le payer cher ! Aujourd’hui encore, le drame n’est pas clos. Ces fusillades de<br />

Sétif furent la source d’une immense tragédie à laquelle ma génération devait se retrouver<br />

confronter à l’âge de vingt ans. De même, Madagascar n’allait pas tarder à entrer en turbulence.<br />

Pendant ce temps–là M. François Mitterrand, ministre de l’Intérieur, inaugurait le Festival du<br />

cinéma de Cannes.<br />

Moi, je « vivais ma vie », encore à l’écart. Mère 2 avait rencontré enfin, aimé, épousé mon père.<br />

Olga n’était plus qu’une lointaine blessure. Nous nous installâmes dans un petit appartement situé à<br />

un jet de pierre de la boutique de Grand-mère. C’était un logis modeste auquel on parvenait en<br />

traversant une minuscule cour, en longeant un court passage encastré entre nos murs et le mur de la<br />

maison voisine qui pouvait s’enorgueillir d’un grand jardin, un jardin qui aura joué un rôle<br />

important dans ma vie. Puis on parvenait à un escalier de bois qui débouchait sur un palier en plein<br />

air. Quatre appartements. Nous occupions le premier. Il était composé de trois pièces plutôt<br />

exiguës : une cuisine, une chambre–salle à manger que j’allais très vite partager avec mon demi–<br />

frère, enfin la chambre réservée aux parents.<br />

Mon père changea de vie. À la suite de désaccords politiques, de conflits obscurs, il quitta le<br />

« Parti » qu’il avait, de toutes ses convictions, servi. Au prix de sa propre dignité d’homme.<br />

L’appareil du Parti le broya, le rejeta comme on rejette un outil devenu inutilisable. Mon père<br />

redevint prolétaire anonyme, magasinier à la SNCF. Un travail sans joie, sans avenir. Une routine<br />

destructive. Mère 2 aidait Grand–mère au magasin d’alimentation. Comme il est de tradition, qu’on<br />

soit « rouge » ou non, je fis ma première communion. De cet événement il ne me reste que<br />

déceptions. La première, c’est que je portais des souliers qui me faisaient très mal, et j’étouffais<br />

dans mon habit raide. La seconde, plus terrible encore, c’est que lors des « répétitions » qui<br />

précédaient le jour solennel, le curé m’avait attribué, pour la sortie de l’église, une merveilleuse<br />

gamine dont j’étais aussitôt tombé amoureux. Très fier à l’idée de défiler dans l’église et dans la<br />

cour, devant les familles émues, aux côtés de cette charmante créature qui me faisait les yeux doux,<br />

je plaignais les autres garçons que le hasard, ou les choix du prêtre, n’avaient pas gâtés. Or, la veille<br />

du dimanche fatidique, une des communiantes tomba brusquement malade. <strong>Les</strong> garçons durent<br />

décaler d’un rang et je me retrouvai avec, comme partenaire, une fillette maigre, sèche, à lunettes,<br />

aux lèvres pincées qui ne daigna pas vérifier par le moindre mot si j’étais vivant ou si j’étais<br />

fantôme. Par-dessus l’épaule, je jetais des regards désespérés à mon amoureuse qui, visiblement,<br />

souffrait elle aussi. Le cadeau d’une belle montre – ma première – n’atténua même pas mon<br />

chagrin.<br />

Quelques temps plus tard, nous fîmes un voyage en Normandie. Une lointaine et vague petite<br />

cousine faisait sa première communion. Une table pantagruélique avait été dressée dans une grange.<br />

<strong>Les</strong> adultes festoyèrent. Ils firent ripaille. S’emplirent la panse. Vidèrent maintes chopines. Ils<br />

étaient encore à l’ouvrage alors que déjà la nuit tombait. Moi, peu soucieux de me mêler aux petits<br />

paysans moqueurs, agressifs, j’avais vidé subrepticement les fonds de verre. Pour tout dire et vu<br />

mon âge j’étais fin saoul. Je me glissai vers la grande chambre obscure où les adultes prévenants<br />

avaient regroupé les bambins. Je n’avais qu’une envie : dormir. Je m’effondrai sur l’immense lit<br />

peuplé de bébés… et tombai littéralement sur ma « lointaine et vague petite cousine » qui remua à<br />

peine. Elle semblait reposer, les yeux clos. Sa poitrine, mince, menue, battait très fort. J’étais<br />

énervé, je ne parvins pas à trouver le sommeil. Dans la pénombre, j’observais ma « cousine ». Je<br />

commençais à la trouver séduisante. Une bouffée obscure m’envahit. Une pulsion instinctive me fit<br />

soudain caresser d’une main que je voulais légère, quelque chose comme une aile d’oiseau, le tissu<br />

sous laquelle battait la jeune poitrine. J’étais quasiment inconscient. Je ne me rendais pas compte<br />

des gestes accomplis. Mes doigts glissèrent entre les boutons, s’infiltrèrent doucement sous le tissu,<br />

s’enfoncèrent. Elle ne bougeait pas. Enfin, mes doigts atteignirent un petit sein qu’ils pétrirent<br />

maladroitement. J’étais, au sens du terme, aux anges. Mais brusquement la porte s’ouvrit, un<br />

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