LIBERTE COULEUR D'HOMME - Les amis d'André Laude
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LIBERTÉ Couleur D’HOMME<br />
L’Humanité évoqua, à l’unisson avec les journaux « bourgeois », des activités de « bandes de<br />
rebelles », à priori sans avenir. Le Parti Communiste était en faveur de l’Union française. Le Parti<br />
qui avait revendiqué, à côté des bourgeois, le drapeau bleu–blanc–rouge se retrouvait complètement<br />
à côté de la plaque. <strong>Les</strong> « bandes de rebelles » ne furent pas écrasées. Au contraire, l’insurrection se<br />
développa. Il y eut d’intenses discussions au sein de la FCL mais, en définitive, nous nous portâmes<br />
du côté de la nouvelle organisation.<br />
<strong>Les</strong> discussions étaient d’autant plus âpres au sein de la FCL que la « direction » était accusée de<br />
tendances léninistes, le pire des péchés. Une fois de plus nous affrontions la question de la nature,<br />
de la structure d’une organisation se proclamant anti-autoritaire. On sait quel usage on fait dans les<br />
médias et dans les conversations banales quotidiennes du mot « anarchie ». Voilà un mot détourné<br />
de son sens authentique. Je crois même que c’est le mot le plus dénaturé. Anarchie ne saurait<br />
signifier chaos, désordre au sens classique du terme puisqu’il veut dire « sans pouvoir ». <strong>Les</strong><br />
anarchistes combattent pour un monde sans Pouvoir et sans pouvoirs. Mais les anarchistes sont<br />
aussi des citoyens du vieux monde. <strong>Les</strong> individus ont une nette tendance à chercher des chefs, à<br />
quêter des leaders, à réclamer des ordres. <strong>Les</strong> individus pour la plupart ont peur de la liberté. La<br />
liberté épuise. Elle exige des choix, des décisions. La liberté questionne. Elle est source de<br />
tourments, de vertiges, d’angoisses, de crises internes. C’est ainsi que l’Histoire est devenue une<br />
succession de révoltes de gens exigeant la liberté et craignant comme la peste de s’en saisir.<br />
<strong>Les</strong> peuples ont préféré de tous temps l’esclavage agrémenté de loisirs : la pêche, la chasse, les<br />
jeux modernes tels que le loto et le tiercé. La religion n’est sans doute pas l’opium du peuple le plus<br />
néfaste aujourd’hui. L’opium le plus néfaste c’est la non–croyance des êtres en la dignité humaine<br />
qui implique qu’on ne doive en aucun cas s’en remettre à d’autres pour organiser l’existence<br />
humaine.<br />
Toutes les tentatives révolutionnaires meurent de cette lèpre / Robespierre enterre les Enragés,<br />
Lénine enterre les prolétaires des Conseils d’ouvriers, de paysans et de soldats, Castro enterre la<br />
« fête cubaine ». De temps à autre, un éclair troue le ciel de l’implacable mal : et c’est Cronstadt, et<br />
c’est Berlin Spartakiste, c’est la Catalogne révolutionnaire, libertaire et c’est Budapest 1956, c’est<br />
un certain Mai 68 et c’est peut–être à l’heure où j’écris le Nicaragua.<br />
Comme questionne Marcuse : qu’y a-t-il dans la nature anthropologique de l’homme qui le<br />
pousse vers la soumission, l’esclavage, l’obéissance passive ? Dures, atroces questions.<br />
La FCL allait mourir, non vraiment des coups que le Pouvoir allait lui porter, mais de cette lèpre<br />
intime. Car, pour son honneur, la FCL fut l’organisation la plus traquée, la plus frappée durant la<br />
Guerre d’Algérie. Dès le déclenchement de l’insurrection nous étions prêts à faire face à une<br />
activité de type clandestine. Mais nous agissions aussi et surtout au grand jour. Ainsi, nous<br />
décidâmes de tenter d’entraîner hors des rails traditionnels la manifestation du 1 er mai 1955. Ce fut<br />
une bataille sanglante. Nos militants s’étaient éparpillés dans les rangs du meeting public. Nous ne<br />
cessions de couvrir les insipides déclarations des leaders de la CGT de nos slogans qui dénonçaient<br />
violemment la répression, affirmaient le droit du peuple algérien à se séparer de la France et de<br />
l’Union française pour vivre son propre destin. Nos militants furent violemment agressés par les<br />
« gros bras » du syndicat. Qui dira la misère de ces « gros bras » qui, à plus de vingt ans de<br />
distance, se ressemblent, hier comme aujourd’hui : des gueules de brutes incultes seulement<br />
capables de cogner : « On peut cogner chef ! ». Nous étions préparés au combat. Nous étions<br />
nombreux. À l’époque l’organisation pouvait aligner jusqu’à vingt mille militants aguerris. <strong>Les</strong><br />
coups pleuvaient de partout. Nos rangs étaient brisés par des charges renouvelées. Des camarades<br />
ensanglantés continuaient à faire face. Nous étions fous de rage de voir un « parti prolétarien »<br />
réprimer de la sorte des travailleurs révoltés. Nous entraînâmes plusieurs milliers de militants et de<br />
sympathisants cégétistes. Nous occupâmes les grands boulevards durant plusieurs heures. Peu à<br />
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