LIBERTE COULEUR D'HOMME - Les amis d'André Laude
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LIBERTÉ Couleur D’HOMME<br />
En 1959, quelques semaines après l’entrée des colonnes de Fidel Castro dans La Havane libre, je<br />
me retrouvais à Cuba. Je tombais immédiatement dans le piège de l’illusion lyrique. Je succombais<br />
à la beauté des femmes, à la grâce des miliciennes en uniformes vert olive. J’admirais<br />
l’extraordinaire éventail de couleurs des peaux qui allait du noir le plus sombre au brun le plus<br />
chaud. Je vibrais aux sourires des enfants. Le rêve était–il en train de s’incarner sous mes yeux ?<br />
Une révolution non autoritaire, chantante, folle, jeune allait–elle mûrir au soleil des Tropiques ?<br />
Après la nuit de la prison et de la guerre allais–je être ébloui par le socialisme de la patchanga ?<br />
Je retrouvais Nicolas Guillen que j’avais connu exilé à Paris. Sa chevelure de flamme blanche<br />
couronnait un visage exalté. Le poète de « Sorongo Cosongo » vibrait à l’unisson de son peuple. Je<br />
fis la connaissance de celui qui allait être célébré à travers le monde par des jeunesses enfiévrées :<br />
Che Guevara.<br />
Il me raconta sa vie aventureuse depuis son départ d’Argentine, sa participation à la résistance du<br />
gouvernement progressiste du Guatemala lors du fameux week–end sanglant, sa rencontre avec<br />
Fidel à Mexico, l’épopée de la Sierra Maestra. J’aimais cet homme dont je ne partageais pas<br />
exactement les conceptions politiques mais dont la joie, la combativité, le courage physique,<br />
l’humour m’exaltaient.<br />
J’assistais aux étonnants discours de Castro, des discours qui étaient comme des mises en scènes<br />
de théâtre, qui pouvaient durer des heures, qui se faisaient pédagogie vivante, poème, leçon<br />
politique.<br />
En dépit de mon profond « pessimisme » je n’étais pas loin de penser que ces jeunes<br />
« Commandantes » de vingt ans ne pouvaient pas créer un monde semblable à celui qu’ailleurs les<br />
vieillards régissaient. Alors que dans la plupart des cas, les vieillards dirigent les pays, c’était pour<br />
une fois la jeunesse ardente qui se retrouvait aux postes de commandes. Ces garçons « sains »,<br />
vigoureux, joyeux ne pouvaient pas remplacer une dictature par un ordre froid, criminel, broyeur<br />
d’âmes et de corps.<br />
Le « Che » s’enflammait à l’idée de la révolution cubaine embrasant toute l’Amérique latine<br />
jusqu’aux plus lointaines cahutes des indiens de l’Altiplano.<br />
Je l’écoutais émerveillé et incrédule. Noyé dans la fumée des gros cigares, je rêvais à mon tour.<br />
À l’appel de La Havane devenue comme une Mecque de la Libération, des milliers de Spartacus se<br />
dressaient sur leurs plaies, sur leurs terres arides et au cri sacré de « Patria o Muerte » faisaient<br />
tomber les murs de la cité d’injustice. Dans les rues je côtoyais une prodigieuse vitalité. Dans les<br />
grands hôtels du Varadedo transformés en hôtels d’accueil pour les invités étrangers, je croisais des<br />
jeunes hommes aux yeux de braises, des jeunes femmes aux poitrines épanouies.<br />
Mais la raison ne me quittait pas. Comment Cuba, entourée de pays hostiles, de dictatures<br />
farouches, peu éloignée de la plus grande puissance capitaliste mondiale, pouvait–elle mener à<br />
terme une authentique révolution. Il y avait un peuple à nourrir, une économie à inventer, des<br />
anciens privilégiés qui n’avaient pas renoncé et qui depuis Miami organisaient la revanche. Il y<br />
avait l’éternelle question : est–ce que l’homme peut se hisser jusqu’à la révolution ? Peut–il tuer en<br />
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