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LIBERTE COULEUR D'HOMME - Les amis d'André Laude

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LIBERTÉ Couleur D’HOMME<br />

advenu de cette obsession.<br />

Mai 68 et les autres mouvements de l’époque ont fait surgir de nouvelles sensibilités politiques,<br />

de nouvelles approches de la lutte politique. Un thème à mes yeux capital est apparu : le refus du<br />

travail. Le mouvement marxiste classique ne sut pas, ainsi que le rappelle dans une interview de<br />

Libération Franco Piperno, un des ex-leaders de Potere Operiao, en Italie, saisir la signification<br />

« progressiste » contenue dans ce refus. Elle n’en vit que l’expression d’une jeunesse qui avait<br />

perdu tout critère moral. A une époque où la question de l’emploi redevenait brûlante, le<br />

mouvement marxiste classique ne pouvait comprendre que des jeunes gens proclamassent leur refus<br />

du travail. C’est ainsi que le PCI fut amené à se trouver, un jour, confronté au nom de la défense de<br />

l’emploi de ceux qui en possédaient un, à ceux qui n’en possédaient pas et ne souhaitaient guère en<br />

posséder. Cette confrontation donna la mesure de l’acceptation par le mouvement ouvrier officiel<br />

d’une valeur largement exploitée par la bourgeoisie et célébrée par les intellectuels « progressistes »<br />

qui n’ont pas l’habitude de connaître l’ennui des ateliers, les cadences infernales, la grisaille d’une<br />

existence vouée à la répétition quotidienne jusqu’à l’âge de la retraite ou de la mort, des mêmes<br />

gestes sans signification, puisque séparés d’une création libre, totale.<br />

On conçoit qu’à la fin du siècle dernier l’artisan qui réalisait un meuble du début à la fin puisse<br />

éprouver quelque satisfaction. <strong>Les</strong> conditions de son activité masquaient l’oppression réelle. Mais<br />

aujourd’hui, le Travail a pris, partout sur la planète et dans toutes les sociétés, les aspects d’une<br />

obligation réductrice, d’une véritable « perte de temps » qui n’est que « perte de vie ».<br />

D’autres refus, largement exprimés par la jeunesse en fièvre, n’ont jamais été vraiment intégrés<br />

aux projets, aux tactiques et stratégies des Partis de gauche et des syndicats, sinon au coup pour<br />

coup, et non sans une démagogie certaine : refus de la famille, du couple traditionnel, refus de la<br />

« marijuana qui tue », refus de limiter l’âge auquel un individu a légalement le droit de connaître les<br />

joies de l’amour charnel et spirituel, prise de conscience écologique, refus de la fonction<br />

traditionnelle, particulièrement oppressive de la « femme au foyer », refus de la « dictature »<br />

exercée sur les enfants, refus de l’École considérée notamment comme un relais de l’idéologie<br />

dominante. À ce propos n’oublions pas que ces chers instituteurs laïques – qu’un certain nombre de<br />

sociologues de « gauche » n’ont de cesse de célébrer dans leur humble condition – furent aussi ceux<br />

qui apprenaient de force aux petits occitans, aux petits bretons, la langue « nationale », ceux qui<br />

répandirent l’usage ignoble du « témoin », ceux qui apprirent aux élèves, indéracinablement liés à<br />

leurs langues natales, à s’entredénoncer.<br />

Ces refus se sont exprimés au sein de petits groupes, dans des publications aux tirages souvent<br />

limités. Ils n’ont jamais entamés les croyances de la grande masse des citoyens.<br />

L’échec des gauchismes, alimentés par l’extinction de la fièvre révolutionnaire en Amérique<br />

Latine, les oppositions franches entre les puissances « socialistes », l’indifférence des masses<br />

prolétariennes et prolétarisées, et l’orthodoxie de pensée, ne pouvaient que provoquer la<br />

« militarisation » de la contestation. L’Allemagne et l’Italie constituent deux terrains d’élection pour<br />

prendre la mesure de l’échec de cette « militarisation ». Celle–ci ne pouvait qu’isoler de plus en<br />

plus les individus qui avaient décidé de passer aux méthodes de violence. Elle ne pouvait, de plus,<br />

que dénaturer les objectifs proclamés. On ne peut pas sans risques prétendre fonder un royaume<br />

d’amour en recourant, de longues années, au fusil et à la bombe. <strong>Les</strong> débats des « mouvances »<br />

révolutionnaires italienne et allemande ont mis en lumière, il me semble, cette contradiction<br />

douloureuse. Par ailleurs, la « militarisation » forcenée de la contestation avait toute chance de<br />

rejeter, par un réflexe de peur, les masses ouvrières vers les Partis traditionnels ou, pire, l’État et ses<br />

forces de répression. Or, ces masses ne sont jamais constituées d’un bloc. On a pu s’en apercevoir<br />

lorsque en Italie, après le rapt de Moro, les militants de gauche attaquèrent violemment l’État. Il est<br />

sûr que dans ce pays, pour des raisons historiques aisément compréhensibles, l’État n’est pas<br />

« intériorisé » par les individus comme il l’est en Allemagne où la RAF trouva l’hostilité générale<br />

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