L’enseignement au Québec et en France des questions controversées en histoire :tensions entre politique du passé et politique de la reconnaissance dans les curriculaIntroductionL’histoire abonde en questions controversées, ces débats interprétatifs politiquementsensibles opposant mémoires 2 et intérêts divergents, attisant les émotionsde nombreuses personnes, concernant des sujets importants, complexes et d’actualité,mais insolubles par la seule épreuve des faits ou l’expérience (Evans & Saxe,1996; Wellington, 1986; Berg, Graeffe et Holden, 2003). Les efforts déployés par lesgroupes pour inclure leurs mémoires du passé dans la narration officielle et les variationsde l’interprétation de l’histoire par les élèves (selon l’âge, la classe sociale,l’ethnie, etc.) ou par les systèmes scolaires sont bien documentés (Audet, 2006;Barton, 2001, 2005; Barton et Levstik, 1998, 2004; Charland, 2003; Caouette, 2000;Epstein, 1997; Ferro, 2004; Julien, 2005; Laville, 2000; Lee, Ashby et Dickinson, 2001;Létourneau, 2006; Levstik, 2000, 2001; McCully et Barton, 2003; Sandwell, 2006;Seixas, 1993a, 1994, 1997; Tutiaux-Guillon et Nourrisson, 2003; Tutiaux-Guillon, N. etM.-J. Mousseau, 1998; Wertsch, 1999, 2002; Wineburg, 2001; Zimmerman, 2002), maisles controverses générées par ces différences sont moins étudiées. Dans la littératureanthropologique et didactique francophone, ce thème émerge comme objet d’étudeà la fin des années 1990, sous la forme de « questions vives » (Chevallard, 1997), puis« socialement vives » (Legardez et Simonneaux, 2006).Comparer le traitement scolaire des questions controversées renseigne sur leschoix exprimés par les curricula et sur ce qui pose problème. En France, il s’agit d’unpassé colonial constitutif de la construction nationale; au Québec, de la définition dela nation.2. Laville (2002, 2004) se réfère à Ben-Amos, Dilthey, Gadamer, Halbwachs et Lukacs, entre autres, pour définirla mémoire comme un construit social produit au moyen d’outils (qui, comme le langage, sont eux-mêmesdes construits sociaux) par des individus qui interagissent avec les groupes auxquels ils s’affilient et qui puiseson sens dans ces interactions. S’il souligne que les mémoires restent multiples, polymorphes et fluides, malgréles tentatives de contrôle dont elles font l’objet, il montre aussi que les historiens veulent s’en distinguerpar leur heuristique. De même, pour Dagenais et Laville (2007), même si les conventions régissant la pratiqueuniversitaire de l’histoire sont contingentes et même si c’est un individu situé dans le temps, l’espaceet la société qui fabrique la narration résultant de cette pratique sociale, celle-ci procède cependant «[…]d’une opération raisonnée visant à éclairer le passé, tandis que la mémoire relève plutôt de l’affect. Ellene retient du passé que les éléments servant à la nourrir en son état » (p. 527). En somme, bien que lamémoire et le discours historique soient deux figurations du passé pouvant l’une comme l’autre servir àlégitimer une propagande, elles s’opposent néanmoins presque par essence. La mémoire donne en effetl’illusion de reproduire sans médiation le passé tel qu’il était, ce dernier étant simplement porté par untémoin. Plus elle se distancie, moins elle est mémoire. À l’inverse, plus l’histoire savante admet (et chercheévidemment à contrôler) sa partialité et sa facticité, plus elle est fidèle à son essence (Éthier, 2001). Loin dese récuser en revendiquant son caractère médiat, elle perdrait au contraire sa scientificité en ne le revendiquantpas. Pomian fonde même la légitimité de ce champ académique sur la prétention des auteursd’histoires savantes de permettre (en général au moyen d’un appareil critique citant et expliquant le choix etle traitement de ses sources) à tout lecteur de débattre de la robustesse de leurs interprétations et des biaisinduits par leurs présupposés (Pomian, 1999, dans Éthier, 2001, p. 16-17).volume XXXVI:1, printemps 200868www.<strong>acelf</strong>.ca
L’enseignement au Québec et en France des questions controversées en histoire :tensions entre politique du passé et politique de la reconnaissance dans les curriculaEn France, de l’histoire aux histoires?Depuis une décennie, des débats récurrents agitent politiciens, historiens etenseignants, quant à l’enseignement de questions concernant l’histoire de la colonisation.L’enseignement de l’histoire, comme l’un des « usages politiques du passé »(Lavabre, 2000, p.49), subit de nouvelles critiques et connaît de nouveaux développementsqui en modifient le sens. Naguère enseignement visant la constructionnationale transmettant la mémoire des hauts faits et des malheurs édifiants desancêtres, il a progressivement intégré une dimension critique (Garcia et Leduc, 2003;Lantheaume, 2002). La nouveauté de la situation contemporaine de l’enseignement,qui considère la mémoire comme objet scientifique (Nora, 1984-1992), est sa confrontationà des prescriptions diversifiées, relativement aux mémoires, et à des revendicationsmémorielles, le plus souvent exprimées dans l’espace public politique etsocial au nom du « devoir de mémoire ». La valorisation par voie administrative decertaines mémoires satisfait des revendications mémorielles (Pervillé, 2006) et participed’une « politique de la mémoire » (Létourneau et Jewsiewicki, 2003) nourrissantune certaine « concurrence des victimes » (Chaumont, 1997, 2000). Les revendicationsmémorielles publiques s’expriment au moment où « la carte de l’espace publicest mise en question, dans une société multiculturelle, par les revendicationsindividuelles et communautaires » (Gautherin, 2005, p.137). Dans ce contexte,l’enseignement de l’histoire a la tâche délicate de construire un récit public en articulantles mémoires, les objectifs axiologiques de l’enseignement et les pratiquesenseignantes en contextes hétérogènes à un horizon de vérité scientifique. La questionde la politique du passé et de la « politique de la juste mémoire » (Ricœur, 2000,p. 648) se trouve ainsi au cœur des débats sur l’enseignement de l’histoire.Les controverses portent sur des sujets d’enseignement de l’histoire rencontrantla diversité des expériences historiques, des mémoires, des cultures. Transportées enclasse, elles atteignent les élèves particulièrement concernés, dans un contextenational de doute sur l’adéquation de la représentation nationale aux caractéristiquesd’une population désormais pluriculturelle et de crise socio-économiqueaffectant particulièrement la partie la plus pauvre de la population, parmi laquelle setrouvent la plupart des parents (ou grands-parents) immigrés ayant vécu la périodecoloniale et dont les enfants sont scolarisés dans l’école publique.Ces controverses peuvent être envisagées sous l’angle de la sélection des savoirsdans une « société critique » (Boltanski, 1990, p.130) conservant le projet de rendreles élèves membres de la société par le partage d’une culture et d’une mémoire communesen vue de faciliter leur adhésion à un bien commun référé à des principes dejustice conçus comme universels. Elles peuvent aussi être comprises comme un dessignes de l’interrogation de la société française sur le rôle de l’État républicain.Les évolutions et débats évoqués ici seront analysés en suivant l’hypothèseselon laquelle l’enseignement de l’histoire, pris comme analyseur, montre l’évolutiond’une conception redistributive de l’État républicain vers une conception selonlaquelle son rôle est d’abord d’assurer la reconnaissance des spécificités culturelles,historiques, d’individus ancrés dans des communautés diverses; reconnaissance devolume XXXVI:1, printemps 200869www.<strong>acelf</strong>.ca
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