L’enseignement au Québec et en France des questions controversées en histoire :tensions entre politique du passé et politique de la reconnaissance dans les curriculaleurs droits en relation avec leur appartenance communautaire, selon une logiqueque l’on pourrait qualifier, suivant les travaux de philosophie et de sociologie politique,de communautarienne 3 . L’articulation avec la logique républicaine « classique» imprégnée d’un certain libéralisme (Gautherin, 2005) se fait avec difficulté.L’émergence d’une nouvelle conception de la justice entre en effet en conflit avec lalogique républicaine universaliste, construite dans l’enseignement dans une relativeindifférence aux différences, surtout à propos de l’histoire nationale. Le rôle del’enseignement de l’histoire comme « propédeutique du social » (Prost, 1996, p.26)forgeant un sentiment d’appartenance à une collectivité référée à l’État-nation peuten être transformé, comme le montre une enquête conduite à partir de l’analyse desprogrammes de lycée depuis 1923, d’un corpus de 73 manuels de lycée publiés entre1937 et 2004 et d’une vingtaine d’entretiens approfondis avec des enseignantsd’histoire (collège et lycée) de différentes générations (Lantheaume, 2007).D’un enseignement patrimonial à un enseignement critiqueL’enseignement de l’histoire en France constituait, dès le XIX e siècle, un outil desocialisation politique des générations successives. Le projet consistait à fabriquerdes Français par l’inculcation, au moyen d’un récit historique public scolarisé, devaleurs politiques associées aux idées de démocratie, de liberté, d’égalité, mais ausside respect de l’ordre établi. Ainsi était développé un sentiment d’appartenance à unecommunauté définie par sa forme politique (République parlementaire) et sonespace de référence (l’État-nation, élargi à l’empire jusqu’aux années 1960). De laconquête au XIX e siècle aux années 1970, le récit de la période coloniale diffusé parl’enseignement s’insérait dans celui d’un État-nation dont il illustrait la grandeur et,après la décolonisation, la décadence relative sur la scène mondiale (Lantheaume,2002). Des ajustements successifs des contenus d’enseignement de l’histoire de lapériode coloniale ont abouti à une réinterprétation par le curriculum formel desressources produites par les sciences sociales et par le débat public, en fonction deses propres enjeux et des principes politiques auxquels se réfère le curriculumd’histoire (Lantheaume, 2003a). Ainsi, l’intégration de la critique d’une histoire scolaireétroitement politique et euro-centrée a produit une approche plus relativiste àpartir des années 1980. La grille de lecture des droits de l’Homme en a été un desinstruments, permettant d’aborder les questions les plus conflictuelles jusqu’alorssouvent ignorées par l’enseignement, tout en contribuant à les décontextualiser et àenvisager les questions les plus « chaudes » sous l’angle de la morale plutôt que del’histoire. La façon dont les manuels scolaires français traitent la séquence de la3. La distinction entre républicanisme et communautarisme s’opère en des termes différents en France et enAmérique du Nord. Le discours anglo-américain, selon Kymlicka (2002, p. 284-326), désigne parfois le républicanismecomme une forme de communautarisme: « […]il peut être vu comme un type de communautarismede second ordre. Suivant la position communautarienne traditionnelle d’une “politique du biencommun”, les personnes entrent dans la sphère politique dans le but de promouvoir certains desseinspartagés préexistants, basés sur une fidélité commune ou un mode de vie traditionnel » (p. 298).volume XXXVI:1, printemps 200870www.<strong>acelf</strong>.ca
L’enseignement au Québec et en France des questions controversées en histoire :tensions entre politique du passé et politique de la reconnaissance dans les curriculaconquête coloniale ou l’usage de la torture pendant la « guerre d’Algérie », est significativede cette tendance (Lantheaume, 2003b, 2007). Dans cette logique, la référencen’est plus l’État-nation et la République à l’universalisme revendiqué, mais lapatrie imaginaire des droits de l’Homme. L’utilisation de cette nouvelle grille de lecturede l’histoire a contribué à résoudre les problèmes posés par la tension entre ladouble prescription patrimoniale et critique pour l’enseignement. Elle a cependanteu pour conséquence de solliciter plus volontiers l’indignation morale ou la compassionpour les victimes que l’analyse historique. Et finalement, c’est une approchemarquée par la relativisation associée à une pratique de la critique de dénonciationqui domine. En pâtit, la critique fondée sur une confrontation de points de vue situéshistoriquement et socialement. L’imprégnation progressive du curriculum par unecritique transformée en propositions assertives (éventuellement dénonciatrices) agêné le projet de constitution d’une mémoire commune : entre compassion et abstraction,le récit commun de l’histoire coloniale n’est pas construit faute, notamment,d’analyse historique des questions les plus délicates. Ce problème s’est enveniméalors que plus de groupes se reconnaissant dans une expérience historique communerevendiquent l’enseignement de la mémoire et du récit partagé de cette expérience.D’un enseignement critique à un enseignement soucieuxde la diversité des mémoiresUne controverse récente, significative de la montée des revendicationsmémorielles et de leur instrumentalisation politique, concerne l’histoire de la colonisationfrançaise de l’Algérie. Les protestataires ne s’exprimaient plus au nom d’unecritique dénonçant « l’impérialisme » de l’enseignement et revendiquant un internationalismeporteur de progrès et de justice sociale, mais au nom du respect desmémoires des différents groupes d’acteurs.Les perspectives historiographiques nouvelles sur la question télescopant la« résurgence des mémoires » (Dulucq et Zytnicki, 2005), l’enseignement de l’histoirese trouve pris entre deux feux. Le déclencheur de la crise a été la Loi du 23 février2005, votée par une large majorité des députés de droite et de gauche. Cette loi avaitpour principal objectif d’offrir une réparation, sous forme d’aides sociales, aux harkis(Algériens combattant pour l’armée française). Mais elle prévoyait aussi, dans sonarticle 4, que: « les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positifde la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, et accordent àl’histoire et aux sacrifices des combattants de l’armée française issus de ces territoiresla place éminente à laquelle ils ont droit ».De fait, cette loi prescrivait, au nom du « droit », l’enseignement d’une mémoireparticulière, celle des harkis, des soldats, et des pieds-noirs (Français de métropole,pour la plupart, installés en Algérie puis rapatriés en 1962 à l’issue de la guerre). Or,en France, le Parlement ne décide pas des contenus d’enseignement. Le ministre del’Éducation nationale arrête les programmes après une concertation (souventlongue) impliquant historiens, inspecteurs et enseignants. Les éditeurs de manuelsvolume XXXVI:1, printemps 200871www.<strong>acelf</strong>.ca
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