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Numéro complet (pdf) - acelf

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L’enseignement au Québec et en France des questions controversées en histoire :tensions entre politique du passé et politique de la reconnaissance dans les curriculaCar si les élèves doivent déterminer eux-mêmes les racines historiques de leur identitésociale (p. 341), ils ne doivent pas pour autant développer n’importe quellesvaleurs 9 , mais bien celles qui sont désignées comme fondant la société québécoise etqui les disposent à exercer leur « […] rôle de citoyen[s], dans [leur] milieu immédiat,l’école, et au sein d’une plus grande communauté » (p. 295-296). C’est donc une missiond’intégration sociale que le cours d’histoire doit accomplir. Ainsi, « les disciplinesde l’univers social offrent de multiples possibilités d’enrichir les activitésintéressant le développement de la compétence “S’intégrer à la société québécoise” »que les élèves immigrants doivent développer (p. 150). L’école doit leur expliquerqu’il faut respecter les valeurs démocratiques et les institutions dont elles seraient àl’origine, comme la mixité des lieux publics, etc. (p. 156-157).Tous les élèves devraient conséquemment s’identifier aux institutionspubliques provinciales et aux valeurs démocratiques qu’elles incarnent 10 . Cettecaractéristique différencie le type de reproduction sociale à l’œuvre dans ce programmeet dans les précédents : c’est l’État (ou son territoire) qu’on respecte, pasl’origine culturelle (ni le sang). Cela renvoie indirectement à Habermas (Dufour,2001) et au patriotisme politico-juridique 11 , voire au modèle libéral constitutionnaliste,fondé sur la croyance en la neutralité de l’État par rapport aux conceptions individuellesou communautaires (Rawls, 1995/1993). Toutes les mémoires peuvent ainsiconfluer vers la « communauté politique imaginaire » (Anderson, 1996/1991) québécoise,définie à partir des institutions démocratiques québécoises, car cette communautéémane d’une conception de l’État de droit destiné exclusivement à protégerdes libertés individuelles abstraites de monades liées seulement par leur intérêtrespectif à conserver leur personne et leurs propriétés (Marx, 1968/1843).En somme, l’histoire se limite à transmettre des valeurs libérales communes(Lefrançois, 2007). Si les citoyens y adhèrent, cela devrait leur suffire pour sepercevoir comme parties d’un contrat social, prétendument juste, et être motivés àassumer leurs responsabilités de participation sociale éclairée (MÉQ, 2004, p. 338).S’identifier à l’ethnie canadienne-française devient alors facultatif pour s’intégrer àla nation québécoise.9. Notamment, on peut lire: « […] les défis qu’il faut relever, dans le cadre d’un société pluraliste, sont ceux dela recherche de valeurs communes fondées sur des raisons communes […] » (MÉQ, 1997, p. 33). Il faut doncinsister « sur la promotion d’un ensemble de valeurs partagées et sur le développement d’un sentimentd’appartenance » (MÉQ, 2004, p. 28).10. Le Groupe de travail sur la réforme du curriculum (MÉQ, 1997, p. 34) a énuméré ces valeurs (égalité, justice,liberté, tolérance, civilité, solidarité, responsabilité, respect des lois et des institutions), ratifiées ensuite par leConseil supérieur de l’éducation (1998, p. 24).11. L’un des principaux axes québécois de représentation identitaire étant relié à des options constitutionnellesantinomiques, il nous a paru plus sage d’éviter l’expression consacrée (patriotisme constitutionnel) que l’onpourrait, en contexte québécois, confondre avec l’idéologie favorable au statu quo constitutionnel fédéral etdéfavorable à la souveraineté québécoise. Par ailleurs, dans le langage courant, le terme patriotisme est souventassocié à l’amour de la mère patrie, pour laquelle les patriotes sont prêts à se sacrifier, alors qu’il s’agitplutôt pour le programme, un peu comme pour Habermas, d’intégrer et de promouvoir les principes politiquesuniversels et immanents de justice propres aux institutions démocratiques et de participer à celles-cipour les rendre plus rationnelles.volume XXXVI:1, printemps 200875www.<strong>acelf</strong>.ca

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