L’enseignement au Québec et en France des questions controversées en histoire :tensions entre politique du passé et politique de la reconnaissance dans les curriculaOr, nous l’avons vu avec le débat de 2006 et d’autres ensuite, les Québécoisd’origine canadienne-française ont en majorité considéré ce patriotisme politicojuridiqueinsuffisant, voire inconciliable avec leur identité nationale auto-assignée 12 .En effet, malgré la variété du territoire de référence 13 , les visions de l’identiténationale exprimées dans le débat d’avril 2006 semblent partager l’idée que la nationse compose des descendants des colons français, nonobstant leurs différencessociales actuelles 14 , et que toute mésestimation de cette essence canadiennefrançaisetémoigne d’une identité nationale fédéraliste, anti-québécoise.Pourtant, dans sa page web sur la souveraineté, le PQ [Parti québécois], pourfendeurautoproclamé du nationalisme fédéral, promeut une citoyenneté territoriale,incluant tous les habitants du territoire national (canadiens-français, anglophones,immigrants, etc.) 15 , avec des héros plus près, dans certains cas, du conquérantque du colonisé: « Les succès culturels du Cirque du Soleil, de Robert Lepage,de Céline Dion, de Marc-André Hamelin, de Denys Arcand, d’Arcade Fire […] sontune source de fierté et de rayonnement international pour notre peuple. […] Cetteculture dont nous sommes tous si fiers incarne notre identité nationale » (PQ, 2007).Certains attribuent l’équivoque à une tension entre des points de vue ethniques.Ainsi, quoique la province compte environ 700 000 allophones, 600 000 anglophoneset 6,4 millions de francophones, ceux-ci constituent une minorité, eu égard au rôlede l’anglais comme langue de promotion sociale en Amérique du Nord. D’autresl’attribuent à une tension entre des intérêts sociaux masqués par le discoursindépendantiste et social-démocrate 16 d’une fraction de l’élite francophone consolidéepar le renforcement de l’État québécois concomitant aux luttes sociales menées12. En 2006, la direction d’un gymnase de Montréal a accepté de givrer les fenêtres d’une salle d’exercice, à lademande et aux frais d’hassidim qui voulaient empêcher leurs jeunes garçons de voir des femmes en tenuesd’entraînement. La direction a par la suite changé d’avis, par respect pour le droit des femmes à l’égalité.Cela a néanmoins déclenché un débat à propos de l’immigration dans toutes les régions du Québec, débatprenant des tonalités de plus en plus xénophobes et racistes (surtout antimusulmanes) à mesure que lesmédias braquaient l’attention sur (et souvent déformaient) d’autres faits isolés du même type, certains politiciensimputaient même à l’émigration une hypothétique extinction des « Québécois de culture canadiennefrançaise». Sur fond préélectoral, le parti (le PLQ) alors au pouvoir à Québec déféra en février 2007 le dossierà une commission présidée par deux universitaires établis (Bouchard et Taylor) qu’il a chargés de diriger uneconsultation publique et de lui donner en 2008 un avis sur la place à accorder, dans la sphère publique, auxpratiques d’accommodements reliées aux différences culturelles, notamment aux « accommodementsraisonnables », ces arrangements relevant de la jurisprudence et visant à assouplir l’application d’une normeen faveur d’une personne menacée de discrimination en raison de particularités individuelles protégées parla loi (Baillargeon, 2007; Simms et Prairie, 2007, p. 5). Des experts embauchés par la commission qualifientde racistes ou négatifs un sixième des 1000 interventions qu’ils attribuent aux «Canadiens français» entendusdans les forums publics tenus par la commission à travers la province (Perreault, 2007, p.A3).13. La vision traditionnelle d’Henri Bourassa (1866-1952) —et, dans une moindre mesure, de Lionel Groulx(1878-1967)— considérait comme un peuple tous les descendants catholiques des colons français, où qu’ilshabitent sur le territoire canadien. Par la suite, le territoire de référence s’est réduit au Québec.14. Par ailleurs, selon les résultats d’une étude de Létourneau et Moisan (2004), les étudiants de la région deQuébec, lorsqu’ils narrent l’histoire du Québec, insistent —à l’instar de plusieurs historiens que Rudin(1995/1992) et Bouchard (2004) ont étudiés— sur le statut de victimes d’exploitation et d’oppression desCanadiens français.15. En 1970, le programme du PQ professait déjà une forme de nationalisme territorial, alors assorti de mesuresd’action affirmative (Lévesque et Parizeau, 2007/1970).16. Cette analyse suppose qu’une élite cherche normalement la stabilité de son hégémonie et non la justicesociale, mais que cette stabilité serait mieux garantie dans une « communauté » politique cohésive et quecette cohésion serait à son tour mieux assurée quand, comme Bourdieu l’a montré, nul ne se rend compteque l’école promeut une cohésion et que celle-ci favorise l’injustice (Éthier et Lefrançois, 2007).volume XXXVI:1, printemps 200876www.<strong>acelf</strong>.ca
L’enseignement au Québec et en France des questions controversées en histoire :tensions entre politique du passé et politique de la reconnaissance dans les curriculadans les années 1960-1970 pour améliorer le sort des francophones 17 . D’autresencore y voient l’effet de la représentation sociale de l’enseignement de l’histoirecomme transmission d’un récit patrimonial vrai qu’il conviendrait de savoir répéter(Laville, 1984). Cette représentation renvoie à son tour à l’attitude de l’élève qui, dansLa leçon d’Ionesco, mémorisait les résultats des opérations mathématiques plutôtque d’apprendre à exécuter les opérations elles-mêmes, comme s’il valait mieuxenseigner quoi penser qu’enseigner à penser.Des évolutions convergentes?Dans les deux cas,après avoir construitl’histoire scolaire sur unrécit partial au servicede la construction del’identité nationale etd’une forme politiquedonnée, les programmesse targuèrent dedévelopper l’espritcritique des élèves.Malgré les différences, la proximité des caractéristiques des objets de controverse,en résonance avec la question de l’identité nationale et avec un état instable dela société, est frappante. Dans les deux cas, après avoir construit l’histoire scolaire surun récit partial au service de la construction de l’identité nationale et d’une formepolitique donnée, les programmes se targuèrent de développer l’esprit critique desélèves. De même, le souci de faire porter par des contenus d’enseignement une viséede cohésion sociale à des sociétés pluralistes est manifeste. Les porte-parole dugroupe culturel minoritaire (à l’échelle fédérale), dans le cas du Québec, et de laculture majoritaire, dans le cas de la France, tentent de reconsidérer leurs récits fondateursrespectifs pour intégrer les revendications mémorielles en leur donnant uneforme scolaire.Quoiqu’aucun contenu contesté par la recherche historique ne soit enseignabledans l’un ou l’autre pays, d’autres critères émergent en pratique, à travers les injonctionsdiverses au « devoir de mémoire », et en fonction des contextes locaux. EnFrance, la prise en compte de mémoires communautaires s’introduit par la bande,processus correspondant à l’évolution habituelle des programmes d’histoire français(Lantheaume, 2003). Au Québec, la volonté de « renouveau pédagogique » passe parune référence à une logique délibérative. Il incombe à l’histoire « de contribuer à formerdes citoyens capables d’une participation sociale ouverte et éclairée, conformémentaux principes et aux valeurs démocratiques » (MÉQ, 2004, p.337-338). Pareilénoncé dénie implicitement tout projet de transformer la société québécoise en17. Le revenu personnel moyen au Québec était très inférieur à celui de l’Ontario dans les années 1960,même s’il augmentait significativement, et même si sa progression était très inégale. En effet, les régionsde l’Abitibi et de la Gaspésie demeuraient fort pauvres et le revenu moyen variait considérablement dansl’ensemble du Québec selon l’origine ethnique. Encore en 1961, le revenu moyen des Amérindiens, desimmigrants italiens et des Canadiens français représentait de 42 à 64 % du revenu moyen des Canadiensanglais. En outre, 6,7 % des 985 hommes qui composaient la grande bourgeoisie canadienne étaient desfrancophones, alors qu’environ 25 % de la population canadienne était formée de francophones. Ces proportionsont changé depuis (dans les années 1980-1990, la différentiation sociale intraethique s’est accélérée etune aile franco-québécoise de la bourgeoisie canadienne s’est affirmée). Le salaire hebdomadaire moyenpassa au Québec de 31 $ à 122 $ de 1945 à 1972, tandis que le prix moyen des biens de consommationdoublait. De même, le nombre de familles dont le logement disposait de l’eau courante, d’une toilette avecchasse d’eau, d’une baignoire ou d’une douche, du chauffage central, d’un réfrigérateur, etc. augmentaitsensiblement, alors que les inégalités régionales et sociales se réduisaient, sans toutefois disparaître, certainesse recreusant même à la faveur des déroutes syndicales des années 1980-1990 (Linteau, Durocher,Robert et Ricard, 1989, passim; Éthier, 1998, p. 159-176).volume XXXVI:1, printemps 200877www.<strong>acelf</strong>.ca
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