L’enseignement au Québec et en France des questions controversées en histoire :tensions entre politique du passé et politique de la reconnaissance dans les curriculaQuébec 7 , se manifestait aussi dans le statut optionnel qu’acquit provisoirement lecours d’histoire. À l’issu d’un débat acrimonieux alimenté par le bouillonnementsocial et national d’alors 8 , la situation se renversa en 1974: son enseignementredevint obligatoire et était même étendu aux écoles anglo-protestantes.Le régime pédagogique promulgué en 1981 instaura des cours marqués par lavolonté d’amenuiser le double écart historiographique et pédagogique (Cardin, 2006).Le premier fut triplement comblé en s’attachant à la vie quotidienne, aux mentalitéset structures socioéconomiques; en étudiant le monde et la période contemporaine;en traquant les biais anti Irlandais, Noirs, femmes, ouvriers, Amérindiens (Laville,1984). L’autre fut colmaté par l’introduction de la pédagogie par objectifs et unemodification de l’habillage des cours (magistraux dialogués, usage de moyens audiovisuels,etc.) qui n’améliorèrent pas substantiellement l’enseignement (Coron, 1997;Éthier, 2006; Lenoir, 2002; Martineau, 1999).La crise économique mondiale et le ressac idéologique international des années1980 (Apple, 2004; Berthelot, 2006) se manifestèrent au Québec par des compressionsbudgétaires, puis une réforme ambivalente, à la fois constructiviste et traditionnelle(MÉQ, 1997; MÉQ, 2001), et confiant à l’histoire deux missions opposées.Celle-ci doit faire comprendre aux élèves les réalités sociales pour qu’ils« assume[nt leurs] responsabilités de citoyen[s] » (MÉQ, 2004, p. 297) et réalisent « lanécessité de fonder toute décision sur des bases critiques » (p. 298). Le cours doitdonc les préparer à se poser des questions sur la société contemporaine et à y répondreavec rigueur et nuance, en leur enseignant une démarche, des concepts etune attitude qui les amènent à douter, à se livrer à des enquêtes factuelles, à aller à lasource et à délibérer dans le respect et la tolérance plutôt qu’à céder aux préjugés,aux généralisations hâtives ou à l’interprétation d’autrui (p. 337-338, 344, 348). Cettevision de l’histoire, inspirée de Dewey (1933) et Dalongeville (2001), rejette le type desocialisation politique dont l’éducation historique se chargeait traditionnellement :« enseigner aux citoyens leur identité nationale ainsi que la validité de l’ordre socialet politique » (MÉQ, 2004, p. 337).Paradoxalement, l’école doit aussi jouer « […] un rôle d’agent de cohésion encontribuant […] au développement d’un sentiment d’appartenance à la collectivité »(MÉQ, 2001, p.3) et l’étude du passé doit soutenir ce rôle, puisqu’elle aide « […] à ladécouverte des fondements identitaires » (MÉQ, 2004, p. 348). L’histoire participe eneffet à « […] la structuration de l’identité de l’élève en lui donnant accès à des repèresqui lui permettent de saisir son appartenance à une collectivité qui partage desvaleurs communes, notamment celles qui sont associées à la démocratie » (p. 295).7. L’élection du gouvernement Lesage marque une rupture importante au Québec. Il institua en 1961 unecommission d’enquête sur l’éducation en vue de repenser le réseau scolaire québécois. Celle-ci recommandades réformes devant démocratiser l’accès au système scolaire, surtout pour les femmes et les résidents desrégions excentrées. Le gouvernement, poussé par les centrales syndicales, se conforma, malgré l’oppositionépiscopale, à ces recommandations, instituant un cours secondaire commun de cinq ans, introduisant lamixité et étendant la gratuité scolaire à toutes les écoles publiques, etc.8. La période 1966-1986 est celle durant laquelle les luttes sociales ont été les plus vives (en termes de jour degrève per capita) dans l’histoire du Québec, avec un pic en 1976, suivi par un affaissement graduel. Cetteeffervescence coïncidait avec l’intensification et le succès des luttes étudiantes, syndicales, nationales, révolutionnairesou pour les droits civils aux États-Unis, en France, en Algérie, à Cuba, au Chili, au Vietnam, etc.volume XXXVI:1, printemps 200874www.<strong>acelf</strong>.ca
L’enseignement au Québec et en France des questions controversées en histoire :tensions entre politique du passé et politique de la reconnaissance dans les curriculaCar si les élèves doivent déterminer eux-mêmes les racines historiques de leur identitésociale (p. 341), ils ne doivent pas pour autant développer n’importe quellesvaleurs 9 , mais bien celles qui sont désignées comme fondant la société québécoise etqui les disposent à exercer leur « […] rôle de citoyen[s], dans [leur] milieu immédiat,l’école, et au sein d’une plus grande communauté » (p. 295-296). C’est donc une missiond’intégration sociale que le cours d’histoire doit accomplir. Ainsi, « les disciplinesde l’univers social offrent de multiples possibilités d’enrichir les activitésintéressant le développement de la compétence “S’intégrer à la société québécoise” »que les élèves immigrants doivent développer (p. 150). L’école doit leur expliquerqu’il faut respecter les valeurs démocratiques et les institutions dont elles seraient àl’origine, comme la mixité des lieux publics, etc. (p. 156-157).Tous les élèves devraient conséquemment s’identifier aux institutionspubliques provinciales et aux valeurs démocratiques qu’elles incarnent 10 . Cettecaractéristique différencie le type de reproduction sociale à l’œuvre dans ce programmeet dans les précédents : c’est l’État (ou son territoire) qu’on respecte, pasl’origine culturelle (ni le sang). Cela renvoie indirectement à Habermas (Dufour,2001) et au patriotisme politico-juridique 11 , voire au modèle libéral constitutionnaliste,fondé sur la croyance en la neutralité de l’État par rapport aux conceptions individuellesou communautaires (Rawls, 1995/1993). Toutes les mémoires peuvent ainsiconfluer vers la « communauté politique imaginaire » (Anderson, 1996/1991) québécoise,définie à partir des institutions démocratiques québécoises, car cette communautéémane d’une conception de l’État de droit destiné exclusivement à protégerdes libertés individuelles abstraites de monades liées seulement par leur intérêtrespectif à conserver leur personne et leurs propriétés (Marx, 1968/1843).En somme, l’histoire se limite à transmettre des valeurs libérales communes(Lefrançois, 2007). Si les citoyens y adhèrent, cela devrait leur suffire pour sepercevoir comme parties d’un contrat social, prétendument juste, et être motivés àassumer leurs responsabilités de participation sociale éclairée (MÉQ, 2004, p. 338).S’identifier à l’ethnie canadienne-française devient alors facultatif pour s’intégrer àla nation québécoise.9. Notamment, on peut lire: « […] les défis qu’il faut relever, dans le cadre d’un société pluraliste, sont ceux dela recherche de valeurs communes fondées sur des raisons communes […] » (MÉQ, 1997, p. 33). Il faut doncinsister « sur la promotion d’un ensemble de valeurs partagées et sur le développement d’un sentimentd’appartenance » (MÉQ, 2004, p. 28).10. Le Groupe de travail sur la réforme du curriculum (MÉQ, 1997, p. 34) a énuméré ces valeurs (égalité, justice,liberté, tolérance, civilité, solidarité, responsabilité, respect des lois et des institutions), ratifiées ensuite par leConseil supérieur de l’éducation (1998, p. 24).11. L’un des principaux axes québécois de représentation identitaire étant relié à des options constitutionnellesantinomiques, il nous a paru plus sage d’éviter l’expression consacrée (patriotisme constitutionnel) que l’onpourrait, en contexte québécois, confondre avec l’idéologie favorable au statu quo constitutionnel fédéral etdéfavorable à la souveraineté québécoise. Par ailleurs, dans le langage courant, le terme patriotisme est souventassocié à l’amour de la mère patrie, pour laquelle les patriotes sont prêts à se sacrifier, alors qu’il s’agitplutôt pour le programme, un peu comme pour Habermas, d’intégrer et de promouvoir les principes politiquesuniversels et immanents de justice propres aux institutions démocratiques et de participer à celles-cipour les rendre plus rationnelles.volume XXXVI:1, printemps 200875www.<strong>acelf</strong>.ca
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