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Les yeux de Leilan

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La charrette précédant les quatre amis avait passé la vérification <strong>de</strong>s gar<strong>de</strong>s. Lentement,<br />

le conducteur fit avancer les chevaux sur les planches <strong>de</strong> bois. Une soudaine lueur rouge<br />

illumina l’eau et, brusquement, une centaine <strong>de</strong> tentacules menaçants jaillirent. Ils<br />

dressèrent violemment leur peau d’un violet diaphane tout le long <strong>de</strong> la passerelle comme<br />

une haie d’honneur <strong>de</strong> dix-sept pieds <strong>de</strong> haut. On entendit comme un cri <strong>de</strong> rage et ils<br />

disparurent aussitôt dans les flots.<br />

Éléa calmait sa respiration et caressait son bracelet d’amalyses <strong>de</strong>venu instantanément<br />

noir. La frayeur avait été trop intense pour tout le mon<strong>de</strong> et la panique avait envahi les<br />

esprits. Même les chevaux étaient affolés et ceux <strong>de</strong> la charrette, sur la passerelle, n’étaient<br />

plus contrôlables. Ils se cabrèrent, hennissant toute leur peur, et culbutèrent leurs passagers<br />

sur le pont. La charrette se brisa sous leurs coups <strong>de</strong> sabots, mais au lieu <strong>de</strong> les libérer, leurs<br />

mouvements confus et désordonnés les déséquilibrèrent : ils tombèrent dans les douves,<br />

disparaissant comme les sariclès dans quelques remous.<br />

<strong>Les</strong> quatre amis restèrent glacés par la scène. Ils ne s’étaient pas attendus à ce genre<br />

d’inci<strong>de</strong>nt. En plus, les chevaux ne réapparaissaient pas. <strong>Les</strong> sariclès <strong>de</strong>vaient toujours être<br />

là. De nature <strong>de</strong>structrice, ils avaient écrasé la boule <strong>de</strong> verre projetée dans l’eau, mais le<br />

produit libéré n’avait pas dû suffire à les écarter <strong>de</strong>s lieux. <strong>Les</strong> habitants <strong>de</strong> la Forêt Interdite<br />

avalaient leur salive avec difficulté. Chacun d’eux priait pour que les chevaux se soient noyés<br />

à cause du poids <strong>de</strong> la charrette.<br />

<strong>Les</strong> gar<strong>de</strong>s emmenaient avec violence les pauvres victimes imprévues du complot. Ils<br />

criaient leur innocence mais pour les soldats, la réaction <strong>de</strong>s sariclès était dirigée contre eux.<br />

Trois personnes <strong>de</strong> plus à sortir <strong>de</strong>s cachots du château.<br />

— Vous tentez toujours vot’chance ? <strong>de</strong>manda sournoisement un <strong>de</strong>s gar<strong>de</strong>s à l’adresse<br />

du nain et <strong>de</strong> ses trois compagnes.<br />

— Ben, j’vois pas c’qu’elles nous reproch’raient, ces p’tites bêtes ! répondit Erwan tout<br />

goguenard en modifiant son langage et son accent.<br />

Un soldat monta dans le chariot pour vérifier l’absence d’arme.<br />

— À part mes clochettes, y a rien en acier ! dit-il encore, suivi d’un rire forcé et niais.<br />

Le soldat le toisa et se dirigea vers les trois corps féminins, une lame pointée vers<br />

Virgine.<br />

— Que dissimulent ces personnes ? Pourquoi se cachent-elles ?<br />

— C’est pour la beauté du spectacle, la surprise, le saisissement <strong>de</strong> Sa Majesté ! Elles<br />

sont trois, comme il le désire, et chacune est plus belle que l’autre ! argumenta le nain avec<br />

passion.<br />

Il tournait autour du gar<strong>de</strong>, faisant beaucoup <strong>de</strong> gestes et <strong>de</strong> courbettes, jouant <strong>de</strong> ses<br />

clochettes. Mais sa petitesse et son ridicule n’attirèrent pas l’attention du gar<strong>de</strong>.<br />

— Mesd’moiselles, accor<strong>de</strong>z donc à ce gar<strong>de</strong> un soupçon <strong>de</strong> votre somptuosité, proposa-til<br />

sans innocence.<br />

Toutes trois, dans un ensemble <strong>de</strong> grâce, écartèrent leur cape dévoilant leur corps<br />

recouvert <strong>de</strong> voiles que le vent souleva un peu. Leur peau constellée <strong>de</strong> paillettes dorées<br />

luisait <strong>de</strong> mille feux. Le soldat en resta bouche bée.<br />

Il s’avança vers Virgine et, <strong>de</strong> la pointe <strong>de</strong> son épée, releva la capuche <strong>de</strong> celle-ci. Elle se<br />

laissa faire avec un doux sourire. Il souleva <strong>de</strong> même celui d’Ophélie et finit par Éléa. Cette<br />

<strong>de</strong>rnière l’intrigua : elle portait un fin tissu sur les paupières.<br />

Erwan passa <strong>de</strong>vant le gar<strong>de</strong> et, simulant toujours sa jovialité, il expliqua ce détail :

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