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mourir en même temps que les <strong>de</strong>rnières braises.<br />
La douleur et la surprise avaient projeté la jeune fille sur le sol, mais elle n’avait pas<br />
encore perdu connaissance. L’une <strong>de</strong>s flèches avait traversé <strong>de</strong> part en part son bras droit,<br />
l’autre était fichée au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> sa hanche droite, assez profondément pour l’empêcher <strong>de</strong><br />
courir. Le visage tendu, elle réussit à se mettre à genoux. Le bruit <strong>de</strong>s pas <strong>de</strong>s soldats lui<br />
donnait la force d’oublier la douleur, l’instinct <strong>de</strong> survie la relevait. Elle rampa dans les<br />
buissons en haletant.<br />
Dans sa tête, ses pensées défilaient pour trouver une solution : elle perdait beaucoup <strong>de</strong><br />
sang et <strong>de</strong> force, elle ne pourrait jamais se sauver ! Elle porta sa main à son cou, se rendant<br />
<strong>de</strong> nouveau compte que son pen<strong>de</strong>ntif était resté dans l’herbe. Elle poussa un cri <strong>de</strong><br />
désespoir.<br />
Des larmes coulaient sur son visage. Elle se sentait perdue. Une <strong>de</strong>rnière énergie la<br />
rappela à l’ordre : elle ne se donnait pas le droit d’abandonner, elle ne pouvait pas ! La<br />
douleur <strong>de</strong>venait <strong>de</strong> plus en plus forte, elle n’arrivait presque plus à respirer. Serrant les<br />
<strong>de</strong>nts, elle s’adossa à un arbre. Après une secon<strong>de</strong> <strong>de</strong> réflexion, elle prit un grand bol d’air,<br />
cassa l’empenne <strong>de</strong> la flèche qui lui perçait le bras et tira d’un coup sec la pointe.<br />
Ses traits se crispèrent en emprisonnant ses larmes. Elle glissa lentement sur le côté sans<br />
un cri, le visage soudain détendu : elle s’était évanouie.<br />
Korta et ses hommes se ruaient vers la forêt. Le duc avait la certitu<strong>de</strong> que son ennemie<br />
était morte ou se mourait. Il oubliait la cicatrice sur sa joue, il ne ressentait plus tous les<br />
coups qu’elle lui avait portés aujourd’hui : il avait gagné et allait rapporter sa tête au roi !<br />
Un seul détail le gênait : c’était une femme ou, plutôt, une gamine ! Muht l’avait senti<br />
<strong>de</strong>rrière le masque et l’avait bien vu dans tous les esprits <strong>de</strong>s villageois. Cependant elle<br />
n’était pas l’amante, la fille ou la sorcière du Masque, mais le Masque lui-même ! Korta pensa<br />
que toute la cour allait lui rire au nez quand il montrerait le corps <strong>de</strong> celle qui faisait trembler<br />
le pays <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>ux ans, et que l’armée royale ne pouvait arrêter. Dire que tout ce temps<br />
une simple donzelle lui avait tenu tête, à lui ! Avec ses propres armes !<br />
Où et par qui avait-elle appris à se battre <strong>de</strong> la sorte ? Autant d’un homme cela ne<br />
l’étonnait qu’à moitié, mais d’une femme ! Il ne pouvait le concevoir. Et l’homme mûr que<br />
Muht et les siens avaient senti aussi dans son esprit ? ! Qui était-il ? Où se cachait-il ? Korta<br />
espérait trouver la solution dans le fin collier d’or qu’il avait ramassé. Serrant dans le creux<br />
<strong>de</strong> sa main un petit bijou en forme <strong>de</strong> corne d’abondance, il pénétra dans la forêt.<br />
Mais à sa gran<strong>de</strong> surprise, le corps avait disparu ! Il ne restait plus que <strong>de</strong>ux morceaux <strong>de</strong><br />
flèche couverts <strong>de</strong> sang.<br />
Korta n’arrivait pas à croire qu’elle ait réussi à fuir.<br />
— C’est impossible ! se répétait-il, entre incompréhension et folie.<br />
Maintenant, il serrait le pen<strong>de</strong>ntif dans sa paume avec la volonté <strong>de</strong> le broyer. Il était<br />
rouge <strong>de</strong> rage.<br />
— Comment ? ! Comment a-t-elle fait ? !<br />
Il se mit à frapper les hommes qui avaient tiré, les traitant d’incapables. Il <strong>de</strong>vint fou et<br />
arracha les buissons à coups d’épée pour la retrouver. Aucune trace. Où était-elle ?<br />
Quelques pieds au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> sa tête, caché par les lierres feuillus, Axel tenait la Fille-aux<strong>yeux</strong>-bleus<br />
dans ses bras. Il n’avait pas pu la laisser là. Son cœur avait crié trop fort en<br />
voyant les flèches transpercer son corps.<br />
Il étendit la jeune fille sur une large branche. Il tremblait encore d’émotion. Il fallait la