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Les yeux de Leilan

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Renaissance<br />

<strong>Les</strong> sabots <strong>de</strong> Nis foulèrent la terre sèche. Emporté par son voyage dans le passé, Axel en<br />

avait oublié le présent. Le paysage tout autour <strong>de</strong> lui avait changé. <strong>Les</strong> vertes prairies, les<br />

champs foisonnants, les ombrages <strong>de</strong>s chênes et les claires rivières avaient laissé place à<br />

une terre sableuse, <strong>de</strong>s troncs décharnés et <strong>de</strong>s lits <strong>de</strong> ruisseaux asséchés. La belle terre<br />

fertile n’était plus qu’un désert. Plus un bruit ne se faisait entendre, tous les animaux avaient<br />

fui cette contrée.<br />

Le jeune homme s’approchait d’Aces. Sa joie <strong>de</strong>s instants précé<strong>de</strong>nts se changeait en<br />

inquiétu<strong>de</strong>. Le village se trouvait juste à l’intérieur <strong>de</strong> la gran<strong>de</strong> colline qu’il grimpait. Cette<br />

<strong>de</strong>rnière était presque réduite à l’état d’un immense monticule <strong>de</strong> terre noire. Le peu d’herbe<br />

paraissait flétri, <strong>de</strong>sséché ou d’un vert étrange, comme si une maladie subite avait dévasté<br />

l’endroit.<br />

Dans quel état se trouvait le village ? La réponse ne tarda pas ; Axel était arrivé au<br />

sommet <strong>de</strong> la colline.<br />

En <strong>de</strong>ssous, à moins <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux cents pas, se développait la misère. Tassées dans un coin<br />

du vaste creux <strong>de</strong> colline, les maisons ne tenaient presque plus <strong>de</strong>bout. La terre craquelée<br />

<strong>de</strong>s rues se soulevait, et vieillards, enfants, hommes et femmes erraient en silence au milieu<br />

<strong>de</strong> cette poussière <strong>de</strong> ruine. De vieilles fripes sur le dos, le visage noir, ils <strong>de</strong>vaient être à<br />

moitié morts <strong>de</strong> faim. <strong>Les</strong> enfants ne jouaient plus et restaient prostrés dans les coins,<br />

résignés comme <strong>de</strong>s animaux attendant une fin inéluctable.<br />

La vue <strong>de</strong> ce village était éprouvante. Axel se rendait compte une fois encore à quel point<br />

son peuple était privilégié.<br />

Il posa pied à terre et <strong>de</strong>scendit dans la Colline Creuse lentement. Il y avait une trentaine<br />

<strong>de</strong> maisons délabrées <strong>de</strong> couleur indéfinissable. La moitié <strong>de</strong>s chaumes manquait,<br />

démasquant <strong>de</strong>s soupentes instables. Par endroit, les murs en torchis étaient tombés ou<br />

menaçaient <strong>de</strong> le faire. Une étable n’existait plus d’ailleurs que par ses vestiges : le toit<br />

s’était effondré.<br />

Il n’y avait pas un seul animal. Pas une vache, un cheval, un chien ou ne serait-ce qu’une<br />

poule ! Comment survivaient-ils ?<br />

Il arriva au centre du village. Là, <strong>de</strong>vant lui, se trouvait une fontaine. Cassée <strong>de</strong> toutes<br />

parts, elle ne remplissait plus sa fonction. Elle semblait bouchée et laissait ses villageois dans<br />

la crasse et la soif. Axel se souvenait d’avoir croisé le <strong>de</strong>rnier point d’eau à une bonne lieue<br />

<strong>de</strong> là. Ils <strong>de</strong>vaient faire le trajet plusieurs fois par jour. Pourquoi ne pas plutôt la réparer ?<br />

Mais plus il cherchait du regard, et moins il trouvait les outils nécessaires à ce genre<br />

d’entreprise : les Acéens manquaient <strong>de</strong> tout !<br />

Il se sentit faible et impuissant <strong>de</strong>vant cette pauvreté, un sentiment <strong>de</strong> culpabilité lui<br />

serra la poitrine quand il repensa aux belles et riches prairies <strong>de</strong> Pandème où l’on n’entendait<br />

que <strong>de</strong>s rires jo<strong>yeux</strong>. C’était peut-être la crainte <strong>de</strong> voir tout ceci qui l’avait empêché <strong>de</strong><br />

traverser la frontière avant, et non les Fées. Il en avait trop souvent vu.<br />

Pire ! Il n’avait rien sur lui pour faire… Faire quoi ? Que pouvait-il tenter face à un tel<br />

dénuement ? Il fallait un matériel énorme pour remettre en état ce village et l’argent<br />

nécessaire était introuvable, cela se voyait !

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