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<strong>de</strong> la forte tête et du fron<strong>de</strong>ur.<br />
<strong>Les</strong> <strong>de</strong>ux hommes étaient remontés sur leurs chevaux et s’apprêtaient à partir. Axel ne<br />
disait rien. Le village ne se trouvait pas sur sa route ; au contraire il lui fallait rebrousser<br />
chemin dans la plaine pour l’atteindre. Quelques heures auparavant, il s’était persuadé d’aller<br />
au château le plus vite possible ! Était-ce raisonnable ? Il fit ses comptes : il lui restait encore<br />
cinq jours pour porter le message. S’il n’était pas passé par les Brumes Infernales, il n’aurait<br />
pas encore atteint Leïlan.<br />
— À dans trois heures, jeune étranger, lança Sten en s’en allant.<br />
Ceban fit <strong>de</strong> même et San partit à leur suite à toutes pattes. La poussière soulevée par<br />
les chevaux s’éloignait <strong>de</strong> plus en plus. Axel se retrouva isolé, un peu malheureux tout <strong>de</strong><br />
même <strong>de</strong> perdre la compagnie étrange du loup. Mais il avait retrouvé Nis !<br />
Trois heures. C’était largement suffisant pour arriver au village et ne pas manquer la Filleaux-<strong>yeux</strong>-bleus.<br />
Axel reprit son sac en bandoulière, raccrocha la bri<strong>de</strong>-licol <strong>de</strong> sa jument et<br />
monta sur son dos. Tout en la flattant et en la complimentant, il pressa son trot dans la<br />
direction donnée.<br />
Dans la Gran<strong>de</strong> Plaine, le soleil inondait un ciel bleu d’une insolente pureté. Axel avait<br />
gardé <strong>de</strong>s séquelles <strong>de</strong> ses récentes traversées <strong>de</strong> glaciers : il <strong>de</strong>vait porter sa main au<strong>de</strong>ssus<br />
<strong>de</strong> ses <strong>yeux</strong> pour voir dans quelle direction aller. Curieusement, une bribe <strong>de</strong> phrase<br />
<strong>de</strong> Ceban résonnait dans sa tête : Elle ramènera la paix dans son pays.<br />
Il ne la sortait plus <strong>de</strong> son esprit.<br />
Soudain, il arrêta sa monture. Il venait <strong>de</strong> faire le rapprochement avec la petite fille <strong>de</strong><br />
son rêve. Son cœur se brisa. Il avait tellement voulu oublier cette histoire ! Pourquoi lui étaitelle<br />
revenue ? Une mélancolie l’envahit en repensant à une image <strong>de</strong> sa vie : une enfant au<br />
bord d’une falaise, face au vent, les <strong>yeux</strong> perdus loin dans la mer. Tout lui revenait.<br />
Il venait d’avoir onze ans à l’époque. C’était le temps où il ignorait encore la prophétie<br />
<strong>de</strong>s Trois Fées, le temps où il vivait à la cour <strong>de</strong> Pandème, le temps où il acceptait son rôle<br />
insignifiant <strong>de</strong> Troisième Prince. C’était avant qu’il ne manque <strong>de</strong> mourir <strong>de</strong>s Fièvres Folles<br />
dans les Pays Noirs, et qu’il n’ait l’idée <strong>de</strong> laisser diffuser l’annonce <strong>de</strong> sa mort.<br />
Il se trouvait avec son père dans les Pays d’Oye pour perfectionner sa connaissance <strong>de</strong>s<br />
armes. Le plus grand <strong>de</strong>s Maîtres y habitait et formait l’élite <strong>de</strong>s Mon<strong>de</strong>s. Veyk enseignait<br />
force et sagesse.<br />
Toutefois, Axel se souvenait que lors <strong>de</strong> leur première rencontre, le Maître d’armes était<br />
agité. Perché sur une caisse en bois, il regardait avec la fébrilité d’un enfant la gran<strong>de</strong> place<br />
<strong>de</strong> la ville par son soupirail. Oubliant même <strong>de</strong> saluer le robuste roi Frédérik <strong>de</strong> Pandème, il<br />
avait pris le jeune prince près <strong>de</strong> lui pour lui montrer l’objet <strong>de</strong> tant <strong>de</strong> passion : une petite<br />
fille <strong>de</strong> neuf ans chantait et dansait avec légèreté sur un rond <strong>de</strong> pavés <strong>de</strong> mosaïques<br />
mauves et grises. On aurait dit un petit animal sauvage, provoquant et indomptable. Ses<br />
cheveux d’un doré plus foncé que sa peau s’écoulaient sur son corsage <strong>de</strong> <strong>de</strong>ntelle.<br />
Flamboyante dans une jupe <strong>de</strong> cretonne rouge, elle envoûtait les badauds <strong>de</strong> ses paroles et<br />
<strong>de</strong> ses pas, une souris blanche sur la main.<br />
— Regar<strong>de</strong>-la, lui avait dit le Grand Veyk. Elle est fantastique. C’est ma meilleure élève,<br />
je n’en ai jamais eu <strong>de</strong> plus avi<strong>de</strong> <strong>de</strong> connaissance. Jour et nuit, en seulement un an, je lui ai<br />
appris plus qu’en trois chez d’autres élèves. Et moi, j’ignore presque tout d’elle, même son<br />
prénom. Depuis qu’elle a eu six ans, elle parcourt les Mon<strong>de</strong>s et apprend une maîtrise du