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fendirent ses joues. Il n’avait pas envie <strong>de</strong> se montrer susceptible aujourd’hui.<br />
La chambre était simple et agréable, et pour une fois ne sentait pas le moisi. Finalement,<br />
il ne regretterait pas <strong>de</strong> dormir sous un toit.<br />
Tout avait été refait récemment. En fait, plus Axel y réfléchissait, plus il était certain que<br />
le village entier avait été remis à neuf. Il avait l’impression d’être chez lui, à Pandème. <strong>Les</strong><br />
gens semblaient heureux et la vie aisée. Il ne comprenait pas. Il aurait dû trouver un peuple<br />
en désolation, si toutes les rumeurs <strong>de</strong> vandalisme filtrant le pays étaient fondées. Un grand<br />
bandit cruel et sanguinaire, dont le nom lui échappait, faisait la loi <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>ux ans. Il<br />
détroussait et tuait les nobles, pillait les villages et les commerçants ambulants. Aucun<br />
homme d’armes ne parvenait à l’arrêter. Axel ne comprenait plus. Ce pays conjuguait<br />
vraiment mystères et secrets.<br />
Il se déchaussa et posa ses bottes trempées près <strong>de</strong> la porte. Il était neuf heures du soir<br />
et déjà le froid se ressentait. L’été n’arriverait que dans un bon mois. Le temps était encore<br />
instable. Sa belle inconnue avait raison : ses affaires n’auraient pas eu le temps <strong>de</strong> sécher.<br />
Askia, la rousse aubergiste, entra pour lui apporter <strong>de</strong> l’eau chau<strong>de</strong>. Ce garçon lui plaisait,<br />
sa jeunesse et son regard préoccupé étaient attendrissants. Beau jeune homme, bien fait et<br />
bien poli. Elle regretta <strong>de</strong> ne pas avoir vingt ans <strong>de</strong> moins lorsqu’elle le vit torse nu, et faillit<br />
s’évanouir <strong>de</strong>vant son sourire <strong>de</strong> remerciement tandis qu’elle emmenait ses affaires à laver.<br />
Elle lui promit en fermant la porte <strong>de</strong> lui apporter un excellent repas.<br />
L’eau était à la température idéale. Oubliant sa blessure, Axel s’y plongea entièrement<br />
pour se remettre les idées en place. Parce qu’il <strong>de</strong>vait arrêter <strong>de</strong> rêver ! Une prophétie<br />
revenait hanter son esprit… Un mélange <strong>de</strong> dévotion et <strong>de</strong> révolte lui serra le cœur : il ne<br />
pouvait pas changer le choix <strong>de</strong>s Trois Fées, mais il ne se résoudrait jamais à l’accepter !<br />
Il ressortit violemment la tête <strong>de</strong> l’eau et passa les mains dans ses cheveux. <strong>Les</strong> <strong>yeux</strong><br />
fabuleux qu’il avait vus dans les Bois Obscurs rendaient plus amère la triste fatalité qui le<br />
frappait. Il était préférable qu’il les oublie. Il <strong>de</strong>vait se concentrer sur sa mission. Impossible,<br />
il le savait déjà. Le décor <strong>de</strong> la rencontre avait été trop magique.<br />
Quel était le <strong>de</strong>ssein <strong>de</strong>s Fées ? Pourquoi était-il la seule personne qu’elles fassent<br />
souffrir ?<br />
Askia pénétra une nouvelle fois dans la chambre avec <strong>de</strong>s vêtements propres. Elle préféra<br />
ne rien dire : Axel avait l’air si malheureux. Mais elle se jura en sortant <strong>de</strong> vraiment lui<br />
mitonner <strong>de</strong>s bons petits plats durant tout son séjour pour lui faire perdre cette morosité.<br />
La nouvelle d’un étranger logeant à l’auberge fit rapi<strong>de</strong>ment le tour du village. On se<br />
passa le mot pendant la veillée et, le len<strong>de</strong>main, il n’y eut pas d’autre sujet <strong>de</strong> conversation.<br />
D’autant qu’Axel ne trouva rien <strong>de</strong> mieux à faire que <strong>de</strong> passer l’après-midi à inspecter le<br />
village sous toutes les coutures !<br />
<strong>Les</strong> habitants d’Orée ne se montraient pas malveillants, toutes les bêtises qu’ils disaient,<br />
toutes les hypothèses qu’ils échafaudaient, n’étaient dues qu’à leur méfiance et à leur<br />
ignorance. La présence <strong>de</strong> l’étranger les inquiétait. Qui était-il ? D’où venait-il ? Comment<br />
avait-il évité tous les gar<strong>de</strong>s du royaume aux frontières ? Que savait-il <strong>de</strong> Leïlan ? La<br />
conclusion était toujours la même : il valait mieux tenir sa langue en sa présence.<br />
— Vous avez vu son cheval ? Belle bête ! lança un paysan nouvellement arrivé dans la<br />
gran<strong>de</strong> salle <strong>de</strong> l’auberge.<br />
Il rabattit sa cagoule brune sur les épaules et rejoignit le groupe <strong>de</strong> villageois autour <strong>de</strong> la