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Les yeux de Leilan

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sombre et nauséabond pour éviter les soldats ? Et combien <strong>de</strong> fois leurs cœurs s’étaient<br />

arrêtés alors qu’ils croyaient être pris ? Axel s’en moquait. Il avait aimé cette escapa<strong>de</strong>, il<br />

avait eu <strong>de</strong>s frissons à chaque fois qu’elle s’était blottie contre lui : il s’était senti important,<br />

fort, invincible même ! Malgré l’endroit lugubre, les gémissements <strong>de</strong>s torturés agonisants<br />

qui se faisaient entendre, et l’insécurité <strong>de</strong> leur situation, il n’avait pu s’empêcher <strong>de</strong><br />

l’admirer. Elle avait été son rayon <strong>de</strong> soleil. Leurs mains ne s’étaient jamais lâchées et bon<br />

nombre <strong>de</strong> ses sourires ou <strong>de</strong>s regards <strong>de</strong> ses <strong>yeux</strong> gris lui avaient prouvé qu’elle était<br />

heureuse qu’il soit venu.<br />

Passant par un soupirail <strong>de</strong>scellé, ils étaient parvenus à sortir du palais. Toujours unis, ils<br />

avaient couru à en perdre haleine dans la forêt jusqu’à une falaise surplombant la mer. Le<br />

sentiment qu’Axel avait éprouvé à ce moment-là le faisait encore fermer les <strong>yeux</strong> à présent.<br />

Il aurait pu s’envoler, sûr <strong>de</strong> pouvoir y arriver.<br />

<strong>Les</strong> <strong>de</strong>ux enfants s’étaient allongés dans les hautes herbes et avaient ri, heureux <strong>de</strong> vivre<br />

ce moment <strong>de</strong> liberté ensemble. Mais, la curiosité d’Axel avait tout gâché.<br />

La fillette n’avait pas voulu répondre à la plupart <strong>de</strong> ses questions. Et plus il avait essayé<br />

d’en savoir, plus il l’avait réduite au silence et l’avait rendue triste. Elle avait fini par se lever<br />

pour regar<strong>de</strong>r la mer, laissant le vent soulever délicatement ses cheveux.<br />

— Je ne peux pas te suivre à Pandème. Mon pays m’attend au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> cette mer. J’ai été<br />

choisie par les Trois Fées <strong>de</strong> l’Est pour lui redonner la paix… Je dois tout faire pour y arriver.<br />

Cela fait trois ans que je n’ai pas vu ma famille, et je ne la reverrai pas avant d’avoir treize<br />

ans… Mon Maître m’a dit qu’il fallait d’abord parfaire mon éducation. Mais je ne sais pas si un<br />

jour je pourrai combattre <strong>de</strong>s hommes entraînés. C’est si lourd, une épée. Tu penses que<br />

c’est <strong>de</strong> la folie d’y croire ?<br />

Ce n’étaient pas les paroles d’une enfant, mais elles sortaient bien <strong>de</strong> la bouche d’une<br />

fillette <strong>de</strong> neuf ans.<br />

— J’aurais aimé rester avec toi, continua-t-elle avec regret, mais je dois partir pour les<br />

Pays Noirs. Je n’ai plus <strong>de</strong> bateau puisque l’empereur d’Oye m’a trahie, mais on a d’autres<br />

moyens… Je dois obéir.<br />

<strong>Les</strong> Mon<strong>de</strong>s s’étaient écroulés sur ses épaules en même temps qu’elle s’était agenouillée.<br />

Des larmes étaient nées au bord <strong>de</strong> ses <strong>yeux</strong>. C’était une fillette qui n’avait jamais eu le luxe<br />

<strong>de</strong> pouvoir faire un caprice. Effondré, Axel lui avait cueilli une jolie syllis blanche, une fleur<br />

sauvage qu’il avait reconnue dans l’herbe. Il lui avait caressé le visage avec les doux et<br />

tendres pétales, comme sa mère l’avait fait plus d’une fois pour le consoler. En tant que<br />

prince, il connaissait ses <strong>de</strong>voirs et ses obligations, son père les lui rappelait tous les jours !<br />

Juchée sur l’épaule <strong>de</strong> la petite fille, la souris avait sauté dans l’herbe et s’était enfuie.<br />

Axel se remémora l’expression du visage <strong>de</strong> l’enfant au départ <strong>de</strong> son rongeur. Elle savait<br />

qu’ils allaient être séparés, <strong>de</strong>s milliers <strong>de</strong> décisions s’étaient bousculées <strong>de</strong>rrière cette figure<br />

<strong>de</strong> marbre. Elle avait précipitamment regardé autour d’elle et avait dit tout bas :<br />

— Je gar<strong>de</strong>rai toujours cette fleur en souvenir <strong>de</strong> toi. Ne m’oublie pas, je t’en prie.<br />

Puis, d’un air décidé, elle avait rajouté, ses grands <strong>yeux</strong> foncés levés vers lui :<br />

— Je m’appelle Éléa.<br />

La suite avait été tellement rapi<strong>de</strong> ! Un homme était apparu à son prénom. Un véritable<br />

colosse en habits sombres ! Un immense chapeau <strong>de</strong> feutre et un voile cachaient son visage.<br />

Enveloppé dans une immense cape, il avait semblé jaillir <strong>de</strong>s ténèbres !<br />

Axel n’avait pas osé bouger. La petite Éléa, par contre, s’était dirigée vers l’individu d’un

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