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Les yeux de Leilan

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la besace et passa la lanière autour <strong>de</strong> son cou.<br />

L’épée d’Axel était juchée un peu plus haut, au bord du vi<strong>de</strong>. La jeune fille observa un<br />

instant les <strong>de</strong>ux quillons en forme <strong>de</strong> rameaux <strong>de</strong> laurier recourbés vers la lame plus large<br />

que la normale. Son doigt passa sur l’acier effilé, allégé par <strong>de</strong>ux cannelures et orné <strong>de</strong> trois<br />

damasquinages près <strong>de</strong> la poignée. Elle semblait apprécier la beauté <strong>de</strong> cette arme ancienne<br />

et peu commune.<br />

Un <strong>de</strong>rnier brin d’escala<strong>de</strong>, aidée par ses harnais vivants, permit à la jeune fille <strong>de</strong> la<br />

saisir ; elle l’accrocha au sac. Par le même bond, elle retomba dans le prunier et commença à<br />

<strong>de</strong>scendre. Axel admirait son évolution <strong>de</strong>puis le début. Qui était-elle ?<br />

Elle avait parcouru la moitié <strong>de</strong> son trajet quand un craquement se fit entendre : elle<br />

avait surestimé la résistance <strong>de</strong> la branche qui la soutenait. Avant d’avoir pu faire quoi que<br />

ce soit, elle tombait dans le feuillage.<br />

Axel se rua sous l’arbre pour la rattraper, mais la chute s’arrêta net au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> lui. Il ne<br />

reçut dans les bras que son épée qui s’était décrochée, suivie d’une pluie <strong>de</strong> pétales blancs.<br />

Suspendue dans le vi<strong>de</strong>, la jeune fille avait les jambes nues et les plantes tueuses cerclant sa<br />

poitrine quelques instants plus tôt avaient disparu : elles s’étaient toutes réunies à sa taille<br />

pour la retenir à une branche. L’énorme liane la fit glisser tout doucement <strong>de</strong>vant Axel.<br />

Quand elle toucha le tapis neigeux <strong>de</strong> pétales, les amalyses serpentèrent sur son corps pour<br />

reprendre leur disposition initiale.<br />

— J’aurais préféré être le sauveur, grogna Axel, ne pouvant réprimer sa déception.<br />

Elle lui fit son plus beau sourire et lui tendit le sac. Pendant qu’il la remerciait, elle entra<br />

dans l’immense lagune.<br />

— Comment arrives-tu à les dompter ? ne put s’empêcher <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r Axel, étonné par<br />

tous ses mouvements. Tu leur as fait mal, et elles ne t’attaquent pas ?<br />

— Une eau légèrement salée les apaise et elles me connaissent. J’appartiens à la forêt,<br />

répondit la jeune fille en tournant dans l’eau. Elles auraient pu me tuer lorsque j’étais enfant<br />

mais au lieu d’en avoir peur, j’ai été fascinée par elles.<br />

Elle sortit <strong>de</strong> la lagune en se hissant avec souplesse, laissant les plantes tueuses se<br />

baigner. Ses vêtements collaient à sa peau. Axel la trouva idyllique.<br />

Elle s’assit à côté <strong>de</strong> lui et continua son explication sans gêne :<br />

— <strong>Les</strong> amalyses ne ressemblent à aucune autre créature. Elles ne réagissent pas à ce<br />

qu’elles voient mais à ce qu’elles ressentent. Tu peux prévoir leurs réactions à leurs<br />

couleurs : plus elles sont noires, plus elles sont dangereuses. Face à la haine et à la peur,<br />

elles <strong>de</strong>viennent très agressives et peuvent tuer. Face à l’amour, il n’y a pas d’êtres plus<br />

dociles et plus maniables. Ce sont <strong>de</strong>s armes <strong>de</strong> choix et <strong>de</strong>s alliées incomparables qui<br />

obéissent à la pensée.<br />

Bien que ravi, Axel n’en revenait pas qu’elle lui dise tout cela. Comme si aucune barrière,<br />

aucune frontière ne les séparait. N’avait-elle jamais peur <strong>de</strong> l’étranger ? Il sentait pourtant<br />

qu’elle le détaillait du coin <strong>de</strong> l’œil et jugeait ses vêtements et son allure. Il regrettait d’être<br />

aussi peu engageant avec son ample chemise <strong>de</strong> lin douteuse, sans col et maintenant<br />

déchirée, sa culotte usée <strong>de</strong> cuir noir, et ses cuissar<strong>de</strong>s épuisées par les lieues arpentées.<br />

Mais le fait qu’elle ne semble nullement importunée par sa barbe hirsute et ses pommettes<br />

brûlées allégeait son malaise. Le ciel pouvait s’écrouler ou s’évanouir comme les papillons<br />

aux ailes transparentes ; enivré par le parfum <strong>de</strong> l’infinie richesse florale du lieu et la caresse<br />

du vent marin, il n’aurait voulu être ailleurs pour rien en ces Mon<strong>de</strong>s.

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