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Souvenirs<br />
<strong>Les</strong> rayons du soleil commençaient à poindre. Axel avait l’impression d’être observé et<br />
encerclé. Sortant <strong>de</strong>s brumes <strong>de</strong> son sommeil, il posa sa main <strong>de</strong>rrière lui pour se redresser.<br />
Ses <strong>yeux</strong> s’ouvrirent sur une quinzaine <strong>de</strong> loups qui l’entouraient et le fixaient. Sur <strong>de</strong>s<br />
pelages blancs, gris, noirs et fauves, les regards <strong>de</strong> feu et les crocs d’acier étincelèrent dans<br />
la lumière timi<strong>de</strong>. Axel eut un sursaut <strong>de</strong> peur et recula brusquement contre le rocher. Tous<br />
les <strong>yeux</strong> sauvages s’enfuirent. Seul un loup resta : celui qui trônait au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong>s autres sur<br />
la souche, celui à la tache frontale blanche. La gueule <strong>de</strong> l’animal se fendit un peu plus, à<br />
l’instar d’un sourire.<br />
Axel crut encore rêver à cette expression. Il <strong>de</strong>vait trop humaniser le loup. Pourtant, les<br />
<strong>yeux</strong> obliques luisaient <strong>de</strong> malice. Sans y croire vraiment, le jeune homme lui lança en<br />
reproche :<br />
— Et tu trouves ça drôle, <strong>de</strong> bon matin ? !<br />
L’animal cligna <strong>de</strong>s paupières sans bouger. Il avait l’air satisfait. Axel se rassit en passant<br />
la main dans ses cheveux. Pour une fois, il n’avait pas eu <strong>de</strong> mal à ouvrir son esprit à la<br />
journée ! Mais resterait-il longtemps rationnel en Leïlan ?<br />
Il se leva, encore mal à l’aise, et essaya <strong>de</strong> remettre ses idées en place. La veille, il était<br />
parti vers l’ouest dans sa course et avait traversé presque toute la forêt en largeur. Un peu<br />
plus à l’ouest encore, à guère plus d’un quart <strong>de</strong> lieue, <strong>de</strong>vait se trouver la Mer Intérieure.<br />
Emportant avec lui quelques beignets pour le petit déjeuner, le jeune homme partit voir le<br />
lever <strong>de</strong> soleil sur la gran<strong>de</strong> étendue bleue, pour se réveiller plus calmement.<br />
<strong>Les</strong> longues falaises <strong>de</strong> calcaire s’élevaient en puissants remparts inébranlables, d’où<br />
quelques cours d’eau perdus se jetaient en fines casca<strong>de</strong>s. Préférant pour l’heure ronronner à<br />
leur pied, la mer s’allongeait à l’infini et scintillait dans les premiers rayons du matin.<br />
Parfumée d’io<strong>de</strong> et <strong>de</strong> sel, elle appelait voluptueusement les âmes vagabon<strong>de</strong>s à tous les<br />
désirs <strong>de</strong> liberté et <strong>de</strong> voyages. Ses promesses <strong>de</strong> voiles s’étiraient déjà dans les nuages<br />
s’éloignant aussi mollement que <strong>de</strong> grands navires vers l’horizon.<br />
Devant la beauté et la gran<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> la vue, Axel plongea <strong>de</strong> nouveau dans ses rêves. La<br />
chaleur du soleil lui chauffait lentement les épaules. Il ne pensait pas à son amour, mais au<br />
songe <strong>de</strong> sa nuit qui lui revenait. Tout était vague ; néanmoins il se souvenait <strong>de</strong> la présence<br />
d’une petite fille. Malgré le calme que provoquait le va-et-vient <strong>de</strong>s lames <strong>de</strong> vagues grises<br />
et rosées sur les hauts rochers teintés d’orange, il n’arrivait pas à retenir ce rêve qui<br />
s’échappait peu à peu <strong>de</strong> son esprit.<br />
Il n’eut pas le temps <strong>de</strong> se concentrer plus longtemps, le loup vint le chercher en<br />
déposant le bout <strong>de</strong> chemise noire près <strong>de</strong> lui. Il s’éloigna <strong>de</strong> trois pas.<br />
— Oh non ! Je ne l’oublie pas, soupira Axel.<br />
Mais sa mission <strong>de</strong>vait passer en premier. Il ramassa la chemise et prit le chemin <strong>de</strong> la<br />
clairière. Il <strong>de</strong>vait aller le plus vite possible au château pour se débarrasser <strong>de</strong> la lettre <strong>de</strong><br />
son roi. Le mieux serait <strong>de</strong> suivre le bord <strong>de</strong> la forêt pour retrouver sa jument. Nis ne <strong>de</strong>vait<br />
pas être bien loin.<br />
Brutalement, le loup lui fonça <strong>de</strong>ssus par <strong>de</strong>rrière et lui happa la cheville. Déséquilibré,<br />
Axel s’écroula <strong>de</strong> tout son long et se fit voler le morceau <strong>de</strong> chemise.