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Les yeux de Leilan

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contact : la chair visqueuse et gluante la brûlait !<br />

— La corne ! ordonna Jerry qui peinait pour ne pas être entraîné.<br />

Tanin cria aussi. Le temps d’un battement <strong>de</strong> paupières, l’esprit d’Éléa dut prendre sa<br />

décision : elle ne voulait pas cé<strong>de</strong>r, mais elle ne pouvait pas utiliser sa corne si elle ne lâchait<br />

pas le bijou. <strong>Les</strong> larmes <strong>de</strong> douleur remplirent ses <strong>yeux</strong>. Écartelée, elle ne pouvait pas lutter.<br />

— Pardonne-moi, Éline, murmura-t-elle <strong>de</strong>vant sa défaillance.<br />

Elle <strong>de</strong>sserrait ses doigts <strong>de</strong>s rubis quand les amalyses qui la suivaient glissèrent sur son<br />

corps et s’effondrèrent sur le sariclès. Le tentacule lâcha Éléa instantanément pour se ruer<br />

vers sa nouvelle proie moins fragile et <strong>de</strong> surcroît plus intéressante. <strong>Les</strong> amalyses quittèrent<br />

le poignet <strong>de</strong> la jeune fille sans que celle-ci leur en donne l’ordre ou puisse intervenir. Ce<br />

combat n’était pas le sien. La seule qui lui resta fut l’inoffensive, celle qui lui servait <strong>de</strong><br />

masque. Toutes les autres se mêlèrent au sariclès, dans un hurlement sourd.<br />

<strong>Les</strong> <strong>de</strong>ux monstres, d’égale soif <strong>de</strong> mort, se déchaînèrent dans une lutte effroyable. Des<br />

gerbes d’eau, étincelantes par le reflet <strong>de</strong>s étoiles, s’élevèrent. Elles remontèrent le long <strong>de</strong>s<br />

murs du donjon et éclaboussèrent cent pas à la ron<strong>de</strong> selon l’apparition ou la disparition<br />

sous-marine <strong>de</strong>s tentacules et <strong>de</strong>s filets d’amalyses. La couleur <strong>de</strong> l’eau s’anima d’éclairs <strong>de</strong><br />

lumière et <strong>de</strong> précipités noirs. Des bruits pouvant s’i<strong>de</strong>ntifier à <strong>de</strong>s cris se discernèrent au<br />

milieu <strong>de</strong> ce tumulte.<br />

Éléa avait réussi à remonter sur le dos <strong>de</strong> l’oiseau. Tanin s’était jeté dans ses bras et<br />

protégeait son jeune âge <strong>de</strong> cette vision apocalyptique. Jerry prenait <strong>de</strong> l’altitu<strong>de</strong> : le combat<br />

le laissait indifférent. La jeune fille regardait par contre ses amalyses avec peine. Il y en avait<br />

<strong>de</strong>ux, peut-être trois, qui étaient ses compagnes <strong>de</strong>puis quelques années. À part celle <strong>de</strong> son<br />

visage, elle n’avait jamais réussi à les discerner individuellement à cause <strong>de</strong> leur propriété <strong>de</strong><br />

fusion. Elle n’avait jamais su ce qu’elles ressentaient vraiment à ses chansons ou à ses<br />

propres sentiments, pourtant elle sentait comme une partie d’elle-même disparaître dans les<br />

flots.<br />

La <strong>de</strong>rnière image dans le noir fut une soudaine inertie <strong>de</strong>s douves. Quel était le<br />

vainqueur ? Le gardien du château, <strong>de</strong> toute évi<strong>de</strong>nce, sinon les autres sariclès seraient<br />

venus combattre l’amalyse à leur tour.<br />

Éléa serra ses doigts sur le collier d’Éline. Une petite douleur aiguë la surprit. Ce n’était<br />

pas le cercle <strong>de</strong> peau à vif tout autour <strong>de</strong> sa cheville qui la faisait souffrir. La blessure était<br />

tellement grave que son corps avait réagi en conséquence. Elle écarta les doigts : trois <strong>de</strong><br />

ses ongles avaient pénétré la chair <strong>de</strong> sa paume <strong>de</strong> main pour ne pas lâcher le précieux<br />

bijou. Le vœu <strong>de</strong> sa sœur avait pris une telle importance !<br />

Elle décrocha sa corne pour l’approcher <strong>de</strong> sa cheville et <strong>de</strong> sa main : elle <strong>de</strong>vait profiter<br />

<strong>de</strong> l’endormissement et <strong>de</strong>s défenses <strong>de</strong> son organisme. Tanin la regarda, horrifié à l’idée <strong>de</strong><br />

la souffrance qu’elle allait endurer, et se serra contre elle en signe d’encouragement, peutêtre<br />

plus pour lui que pour elle.<br />

— Soigne-toi en silence ! précisa Jerry froi<strong>de</strong>ment. Assume tes bêtises sentimentales,<br />

seule ! Et toi, Tanin, qu’as-tu cherché à prouver en désobéissant à Erwan ? !<br />

— Laisse-le ! Il a eu suffisamment peur pour se faire sa propre morale !<br />

Elle avait gardé encore un peu <strong>de</strong> rancœur à son égard. Elle avait bien <strong>de</strong>s remarques à<br />

faire à Tanin, mais elle ne voulait pas les faire <strong>de</strong>vant son Maître. L’oiseau se tut et d’un coup<br />

d’ailes plein <strong>de</strong> rogne, il rattrapa un nouveau courant d’air chaud pour planer entre les<br />

nuages jusqu’au village d’Ize.

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