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— Sors ! Sors et n’interviens surtout pas ! ordonna-t-elle en le repoussant.<br />
Axel monta sur la berge. La jeune fille faisait face à l’être étrange, les bras ouverts. Elle<br />
allait être ensevelie ! Axel ne pouvait pas rester là sans rien faire ! Elle n’était pas une<br />
illusion, elle l’avait touché. De sa botte, il tira sa longue dague et voulut se ruer sur la chose.<br />
Mais il fut arrêté dans son élan : contre toute attente, la jeune fille se mettait à chanter.<br />
Semblant aussi surprise qu’Axel, la masse s’arrêta <strong>de</strong> progresser à quelques pouces du<br />
beau visage. La voix n’était pas exceptionnelle mais troublante. Son chant remplit la clairière<br />
<strong>de</strong> douces notes prenant au corps. La créature changea immédiatement <strong>de</strong> couleur, virant du<br />
noir au vert foncé, reprenant ses reflets transluci<strong>de</strong>s. Axel reconnut cette même matière<br />
inconnue.<br />
La chose, manifestement douée <strong>de</strong> vie, se mit à glisser sur le corps <strong>de</strong> la jeune fille<br />
comme si elle appréciait le chant et acceptait la danse. Elle s’enroula tout autour <strong>de</strong> sa taille<br />
nue et se divisa en plusieurs expansions. Au gré <strong>de</strong> la mélodie, chacune fila sur les cuisses<br />
jusqu’aux genoux <strong>de</strong> la charmeuse, flirta avec l’eau puis remonta en faisant varier ses reflets.<br />
Elles prenaient n’importe quelle forme, épousant celles <strong>de</strong> la belle enfant, l’envahissant,<br />
s’appropriant son être.<br />
Axel s’appuya contre un tronc ; il en oubliait complètement son bras blessé. Il ne pouvait<br />
quitter <strong>de</strong>s <strong>yeux</strong> ce spectacle extraordinaire ! Il reconnaissait l’ancienne langue <strong>de</strong> Leïlan.<br />
C’était un chant d’amour. Il trouva regrettable <strong>de</strong> n’en comprendre que quelques mots, mais<br />
rien ne pouvait altérer la splen<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> cette danse avec la mort.<br />
En passant sur le corps <strong>de</strong> la jeune fille, la créature fusionnait avec celles qui s’y<br />
trouvaient déjà. Elle était maintenant presque aussi claire que les autres. Ce ne fut que<br />
lorsque sa couleur vira complètement que la jeune fille modéra son chant. L’agressive<br />
créature replongea lentement dans l’eau, calmée. Elle semblait avoir oublié l’insouciant qui<br />
l’avait dérangée. La jeune fille recula alors par petits pas pour sortir <strong>de</strong> la lagune et ses<br />
propres créatures reprirent leur place sur son corps.<br />
Le chant avait pris fin, Axel restait encore sous le choc et le charme <strong>de</strong> la scène : il avait<br />
bien cru que cette créature allait absorber la belle inconnue. Il avait encore la main serrée<br />
sur sa dague. L’étendue d’eau était calme. Au jugé, on ne pouvait croire qu’un tel monstre y<br />
habitait. Pourtant, il n’avait pas rêvé. Pas cette fois ! Qu’est-ce que c’était ?<br />
Il n’eut pas le temps <strong>de</strong> poser la question, la jeune fille répondait déjà :<br />
— C’est une amalyse, une plante tueuse en leïlannais. C’est un être excessivement<br />
susceptible qui n’aime pas être dérangé. Lorsqu’on la blesse, elle répond par la mort sans<br />
pitié.<br />
— Charmant. Il y en a beaucoup par ici ? ! laissa-t-il échapper avant même <strong>de</strong> se<br />
retourner vers elle.<br />
— C’est leur lieu <strong>de</strong> naissance ! Tu es à la Source aux Amalyses. Je ne comprends pas<br />
comment tu as pu venir jusqu’ici.<br />
Il y eut dans son sourire quelque chose <strong>de</strong> ravissant, mais son regard se montra encore<br />
bien plus renversant. Ses <strong>yeux</strong> étaient bleus mais pas d’un bleu habituel, clair ou délavé.<br />
C’était celui <strong>de</strong> la nuit, profond et mystérieux, un bleu marine scintillant d’étoiles et <strong>de</strong> rais<br />
<strong>de</strong> lumière, s’harmonisant parfaitement avec un visage aux traits purs. Elle était belle, trop<br />
pour accepter qu’elle soit réelle. <strong>Les</strong> mots ne sortaient plus <strong>de</strong> la bouche d’Axel tant il restait<br />
subjugué.<br />
Ce fut la douleur qui le ramena sur terre : son bras le faisait souffrir. Ses vêtements