FOCUS聚 焦Les Feuilll<strong>et</strong>ons les plus suivisSi l’on trouve d’innombrables séries sur les chaînes <strong>de</strong> télévision chinoises, un spectateur moyen n’en suitsérieusement qu’à peu près <strong>de</strong>ux par an. Mais comme chaque feuill<strong>et</strong>on a pour cible une tranche d’âgeou une catégorie socioprofessionnelle particulière, certaines productions très connues pour certainsgroupes seront pratiquement ignorées par d’autres. La popu<strong>la</strong>rité <strong>de</strong> ces fictions se chiffre précisémentsur Intern<strong>et</strong> : <strong>de</strong> plus en plus <strong>de</strong> spectateurs utilisent <strong>de</strong>s sites à <strong>la</strong> Youtube comme Youku ou Tudou poursuivre leurs histoires préférées à leur rythme.Maisons d’escargots ( 蜗 居 wōjū, enang<strong>la</strong>is Dwelling Narroness)C<strong>et</strong>te production est le phénomène télévisuel<strong>de</strong> <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> l’année 2009. Toutesles générations, toutes les c<strong>la</strong>sses socialesen ont au moins entendu parlé. Lesspectateurs chinois expliquent ce succèsexceptionnel par le « réalisme » dufeuill<strong>et</strong>on. Finies les références cryptéesà l’actualité enfouies dans <strong>de</strong>s dialoguesentre <strong>de</strong>ux fonctionnaires impériauxse caressant une moustache postiche :Maisons d’escargots traite <strong>de</strong>s difficultésactuelles d’accé<strong>de</strong>r au logement dansles gran<strong>de</strong>s villes <strong>et</strong> reflète directementles préoccupations quotidiennes.Deux sœurs incarnent les <strong>de</strong>ux visagesféminins <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Chine</strong> d’aujourd’hui :l’aînée est une femme <strong>de</strong> tête, mo<strong>de</strong>rne,<strong>la</strong>borieuse <strong>et</strong> autonome ; <strong>la</strong> ca<strong>de</strong>tte est<strong>la</strong> p<strong>et</strong>ite princesse choyée par sa famille<strong>et</strong> par les hommes, traditionnelle,« adorable » ( 可 爱 ) <strong>et</strong> dépendante. Lapremière parviendra à trouver un appartementdécent à force <strong>de</strong> travail.Elle passera par <strong>de</strong>s moments <strong>de</strong> dépression,tombera dans l’alcoolisme,sera repêchée psychologiquement parun ami occi<strong>de</strong>ntal, mais ne <strong>de</strong>vra cequ’elle aura obtenu qu’à elle-même. Lasecon<strong>de</strong> aura tout plus vite, <strong>et</strong> mieux,grâce à l’amour que lui porte un fonc-© Imagine Chinationnaire marié <strong>et</strong> dévoyé. Néanmoins,elle finira par perdre plus que ses gains :son amant mourra en route pour le tribunalqui al<strong>la</strong>it le juger pour corruption,son fœtus sera perdu sous les coups <strong>de</strong>l’épouse outragée. Le message est c<strong>la</strong>ir :<strong>la</strong> voie du succès durable passe parl’accomplissement individuel <strong>et</strong> non parles réseaux vénaux traditionnels.Cependant, les forums Intern<strong>et</strong> montrentque <strong>la</strong> morale du feuill<strong>et</strong>on n’estpas comprise par tous. La plupart <strong>de</strong>scommentatrices s’i<strong>de</strong>ntifient à <strong>la</strong> ca<strong>de</strong>tte,<strong>et</strong> espèrent rencontrer un amantaussi généreux. Pour elles, le dénouementfinal <strong>et</strong> le châtiment <strong>de</strong> <strong>la</strong> corruptionne peut être que <strong>de</strong> <strong>la</strong> fiction.L’histoire secrète <strong>de</strong> Yang Guifei ( 杨贵 妃 秘 史 yáng guìfēi mìshĭ)Le feuill<strong>et</strong>on aurait pu être croustil<strong>la</strong>nt,Yang Guifei étant l’une <strong>de</strong>s « quatrebeautés <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Chine</strong> c<strong>la</strong>ssique », quifaisait perdre <strong>la</strong> tête à l’empereur <strong>de</strong>sTang. Mais le personnage principal <strong>de</strong><strong>la</strong> série est une nunuche qui n’a quepeu en commun avec son inspiratricehistorique, passant le plus c<strong>la</strong>ir <strong>de</strong> sontemps à pleurnicher en réponse à toutesles avanies que le scénario lui fait subir.La neige ou <strong>de</strong>s pétales <strong>de</strong> fleurs tombent pendant les moments romantiques,les ralentis pendant les scènes© Imagine Chinad’action rappellent les techniques bonmarché <strong>de</strong>s nanards <strong>de</strong>s années 70, <strong>et</strong>les eff<strong>et</strong>s <strong>de</strong> zooms semblent tout droitsortis du feuil<strong>et</strong>on japonais Sankukai. Sic<strong>et</strong>te série a du succès, c’est en raisondu goût <strong>de</strong>s Chinois pour les histoiresc<strong>la</strong>ssiques en costume, dont elle estl’épitomé 2009.La voie <strong>de</strong>s hommes passe par <strong>la</strong>souffrance ( 人 间 正 道 是 沧 桑 rén jiānzhèngdào shì cāngsāng)Non, ce n’est pas un soutra bouddhistemais une citation <strong>de</strong> Mao Zedong, quisert <strong>de</strong> titre à une énième chronique familiale,se dérou<strong>la</strong>nt <strong>de</strong> 1923 à 1949. On yr<strong>et</strong>rouve les poncifs du genre : dialoguesinterminables, bons sentiments, gentilscommunistes <strong>et</strong> sempiternelles séances<strong>de</strong> pleurs. Cependant, l’image est esthétisante,presqu’à <strong>la</strong> Jeun<strong>et</strong>, le montageun rien plus dynamique que d’habitu<strong>de</strong>,<strong>et</strong> le propos ne s’enterre pas dans <strong>la</strong> propagan<strong>de</strong>.Des piques subversives se glissentdans les dialogues : l’épiso<strong>de</strong> tabou<strong>de</strong>s massacres <strong>de</strong> Yan’an (ordonnés parMao) est évoqué ; <strong>de</strong>s p<strong>et</strong>ites phrasespromeuvent <strong>la</strong> liberté d’expression ; un<strong>et</strong>ira<strong>de</strong> d’un personnage rep<strong>la</strong>cée dans lecontexte actuel exprime le regr<strong>et</strong> que leParti d’aujourd’hui n’ait toujours pas tiréles leçons du déclin <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> chute duGuomindang !© Imagine China10 Connexions / juill<strong>et</strong> 2010
Le Buzz chinois 中 国 掠 影Nouveautés 2010Le charme <strong>de</strong>s femmes mariées( 妻 子 的 诱 惑 qīz <strong>de</strong> yòuhuò)Ces 129 épiso<strong>de</strong>s produits en Corée<strong>et</strong> <strong>la</strong>rgement exportés dans le mon<strong>de</strong>asiatique sont noirs, chics <strong>et</strong> cruels.Viol, mariage contraint <strong>et</strong> donc assassinat,usurpation d’i<strong>de</strong>ntité, cruauté, suici<strong>de</strong>s…Les méchants sont <strong>de</strong>s orduresqui ne s’assument pas <strong>et</strong> qui ont recoursau crime pour concilier face <strong>et</strong> désir. Mais<strong>la</strong> gentille victime naïve <strong>et</strong> soumise s<strong>et</strong>ransforme en Némésis fatale. Beaucoupdétestent, beaucoup plus adorent, peuen tout cas sont indifférents à ce feuill<strong>et</strong>oncoréen. Jeu d’acteur <strong>de</strong>ux poils plussophistiqué que celui <strong>de</strong>s productionschinoises, mise en scène <strong>et</strong> montageplus légers, histoire moins convenue : cefeuill<strong>et</strong>on renouvelle le genre en <strong>Chine</strong>.Prochain arrêt, le bonheur ( 下 一 站 ,幸 福 xià yī zhàn , xìngfú)C<strong>et</strong>te série guimauve taiwanaise reprendtous les poncifs pavloviens dugenre, dans <strong>de</strong>s tons lumineux <strong>et</strong> pastels: l’orpheline pauvre <strong>et</strong> douée est <strong>la</strong>locomotive tire-<strong>la</strong>rme <strong>et</strong> i<strong>de</strong>ntificatrice<strong>de</strong> l’histoire, tandis que le jeune avocathéritier tiraillé entre le <strong>de</strong>voir (sa famille)<strong>et</strong> l’amour (pour <strong>la</strong> p<strong>et</strong>ite pauvre biensûr) focalise les désirs. Les acci<strong>de</strong>nts, lesmé<strong>de</strong>cins sont comme <strong>de</strong>s <strong>de</strong>i ex machinad’une histoire sans aucune originalitémais rythmée, <strong>et</strong> portée par une tripotée<strong>de</strong> ve<strong>de</strong>ttes du moment, dont <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>ritépeut masquer <strong>la</strong> fa<strong>de</strong>ur d’un jeud’acteur très formaté <strong>et</strong> caricatural. •© Imagine China © Imagine China© DRTéléphone mobile电 视 剧 《 手 机 》 剧 照Les Trois royaumes 电 视 剧 《 三 国 》 剧 照Téléphone mobile ( 手 机 shŏujī), essaye d’engranger autant <strong>de</strong> succès que lefilm éponyme <strong>de</strong> Feng Xiaogang (2003), contant les mésaventures conjugales<strong>de</strong> trentenaires confrontés aux indiscrétions <strong>de</strong>s nouvelles technologies<strong>de</strong> communication. Les Trois royaumes ( 三 国 sānguó) est <strong>la</strong> nouvelle série encostume <strong>et</strong> à grand spectacle, <strong>et</strong> L’ascension <strong>de</strong> Du La<strong>la</strong> ( 杜 拉 拉 升 职 记 dùlālā shēngzhí jī) adapte le film lui-même tiré du livre à succès <strong>de</strong> 2009, narrantl’éducation professionnelle d’une jeune col b<strong>la</strong>nc chinoise.L’ascension <strong>de</strong> Du La<strong>la</strong> 电 视 剧 《 杜 拉 拉 升 职 记 》 剧 照© Imagine China© Imagine ChinaConnexions / juill<strong>et</strong> 2010 11