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Urbanisation de la Chine, utopie et réalité d o ssier - ccifc

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L’urbanisation 城 市 化rési<strong>de</strong>nce <strong>de</strong> l’Anhui. 安 徽 一 处 民 宅 的 墙 板 上 刻 着 读 书 的 农 民 。农村<strong>de</strong> ville <strong>et</strong> campagne田野La ville est un statut en <strong>Chine</strong>, passeulement un phénomène urbainIl y a en chinois c<strong>la</strong>ssique <strong>de</strong>ux caractèrespour désigner <strong>la</strong> ville : 城 (chéng) qui désigneune agglomération entourée <strong>de</strong>rempart — équivalent au sens du mot« bourg » en France au Moyen-Âge, <strong>et</strong> 市(shì), décrivant originellement une p<strong>la</strong>ce<strong>de</strong> marché. Le mandarin actuel combineces <strong>de</strong>ux caractères <strong>et</strong> ces <strong>de</strong>ux sens pourformer le substantif 城 市 (chéngshì), dont© DRl’acception est plus étroite que « ville » enfrançais.« Ville » vient du <strong>la</strong>tin « vil<strong>la</strong> » <strong>et</strong> désigneun ensemble <strong>de</strong> maisons (à <strong>la</strong> fois au sensarchitectural <strong>et</strong> au sens d’unité <strong>de</strong> production),d’une échelle plus importante maispas d’une nature profondémentdifférente du « vil<strong>la</strong>ge» construit sur <strong>la</strong> mêmeracine. Une chengshi estquant à elle d’abord une réalitéadministrative (les muraillesrenvoient originellementà une administrationréalitémilitaire) <strong>et</strong> économique(carrefour commercial). Ce<strong>la</strong>explique pourquoi nombred’agglomérations chinoisesqu’un esprit français qualifierait<strong>de</strong> « p<strong>et</strong>ites villes » n’ont pas droit àc<strong>et</strong>te appel<strong>la</strong>tion. La « ville » en <strong>Chine</strong> estun statut accordé par l’Etat. Une traductionplus exacte <strong>de</strong> chengshi en français seraitdonc « cité » (<strong>et</strong> donc en ang<strong>la</strong>is « city » opposéeà « town »).La campagne n’est originellementqu’un cloisonnement localLe concept <strong>de</strong> « campagne » est encoreplus différent. En français, il renvoie à uneréalité physique <strong>et</strong> une géographie <strong>de</strong>l’espace, les p<strong>la</strong>ines cultivables (du <strong>la</strong>tin« campus », champs, p<strong>la</strong>ine) qui séparentles villes ; en ang<strong>la</strong>is <strong>et</strong> en allemand, il faitréférence au « pays » (« country », « <strong>la</strong>nd »),territoire re<strong>la</strong>tivement vaste <strong>et</strong> en généralbordé <strong>de</strong> frontières plus ou moins naturelles.On est donc dans une sémantiquedu paysage, du terroir. Le chinois utilise<strong>de</strong>ux termes : 乡 下 (xiāngxià) <strong>et</strong> 农 村(nóngcūn).Xiang est un caractère ancien ( 鄉 en traditionnel),qui représente originellement<strong>de</strong>ux hommes en train <strong>de</strong> manger face àface. Ce témoignage <strong>de</strong> l’ancienn<strong>et</strong>é <strong>de</strong>l’obsession alimentaire chinoise a rapi<strong>de</strong>mentdésigné <strong>la</strong> plus p<strong>et</strong>ite circonscription<strong>de</strong> l’empire, en <strong>de</strong>ssous du district (xian),tellement p<strong>et</strong>ite qu’elle était en réalité infra-administrative(il n’y avait pas <strong>de</strong> fonctionnairesdans les xiang). Le xiang évoquedonc un cloisonnement d’ordre atomique,quasi-insécable, familial <strong>et</strong> c<strong>la</strong>nique, plusproche <strong>de</strong> l’idios grec que du campus <strong>la</strong>tifundiaire<strong>la</strong>tin.Nong <strong>de</strong>ssine un homme maniant un« La ville, enchinois, estd’abord uneadministrativeinstrument agraire, <strong>et</strong> renvoie donc à <strong>la</strong>figure <strong>de</strong> l’agriculteur, <strong>et</strong> cun désigne primitivementun regroupement humain.La « campagne » chinoise fait donc référenceau vil<strong>la</strong>ge, aux paysans, au microcosme,contrairement à <strong>la</strong> « campagne »occi<strong>de</strong>ntale qui joue<strong>et</strong> un carrefourcommercial.»sur les registres <strong>de</strong> <strong>la</strong>nature, <strong>de</strong> <strong>la</strong> terre <strong>et</strong><strong>de</strong>s étendues. Unerecherche d’imagesassociées aux termes« campagne », « nongcun» <strong>et</strong> « xiangxia » surles moteurs <strong>de</strong> recherchefrançais <strong>et</strong> chinoismontre bien c<strong>et</strong>te différence.Vers <strong>la</strong> globalisation<strong>de</strong>s conceptsLa nature célébrée dans <strong>la</strong> peinture traditionnellechinoise, les poèmes <strong>et</strong> <strong>la</strong> littératureest désignée par <strong>de</strong>ux autres groupessémantiques : 田 (tián) représentant un<strong>et</strong>erre divisée en champs — on est donctrès proche du concept occi<strong>de</strong>ntal <strong>de</strong>campagne, <strong>et</strong> 野 (yě), originellement écritavec <strong>de</strong>ux arbres sur une terre, représentantles étendues inhabitées. Tian dans cesens est aujourd’hui tombé en désuétu<strong>de</strong>,<strong>et</strong> ye a pris <strong>de</strong>s connotations négatives <strong>de</strong><strong>la</strong> sauvagerie.Cependant, <strong>de</strong>s prémices d’un rapprochementavec les concepts occi<strong>de</strong>ntaux se<strong>de</strong>ssinent aussi en <strong>Chine</strong>, bien qu’encoreminoritaires. Il y a d’abord une contagionsémantique. Le terme Xiangxia est utilisépour traduire les termes étrangers « country» ou « campagne », <strong>et</strong> donc a tendanceà s’é<strong>la</strong>rgir sous l’influence <strong>de</strong>s produits culturelsocci<strong>de</strong>ntaux. Il y a ensuite une prise<strong>de</strong> conscience croissante <strong>de</strong>s questionsécologiques. Quand un jeune chinoiscitadin utilise <strong>la</strong> locution 去 乡 下 玩 qùxiāngxià wán, « aller à <strong>la</strong> campagne », i<strong>la</strong> <strong>de</strong> plus en plus l’idée d’aller respirer lebon air <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature. Nong se colore aussi<strong>de</strong>s connotations <strong>de</strong> l’authentique surles panneaux <strong>de</strong>s restaurants ruraux quiaffichent fièrement 农 家 菜 (nóngjiā càicuisine familiale paysanne), <strong>et</strong> ye prend unsens ludique dans le terme 野 餐 (yěcān),pique-nique. Les modèles occi<strong>de</strong>ntaux <strong>et</strong>chinois fusionneront bientôt. •Renaud <strong>de</strong> SpensConnexions / juill<strong>et</strong> 2010 51

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