DOSSIER专 栏•••d’ordre stratégiques définissent ledéveloppement urbain. Des politiques <strong>de</strong>l’Etat misent désormais sur les villes <strong>de</strong> l’Estdéjà bien développées pour drainer l’économienationale. Elles reçoivent <strong>de</strong>s avantagesconcr<strong>et</strong>s <strong>de</strong> <strong>la</strong> part du gouvernement,qu’il s’agisse d’avantages fiscaux ou <strong>de</strong> politiquesfavorables aux imp<strong>la</strong>ntations. Lamise en avant <strong>de</strong> trois grands pôles urbainsque sont <strong>la</strong> région Pékin-Tangshan-Tianjin,le <strong>de</strong>lta du Yangzi composé <strong>de</strong> 16 villes <strong>et</strong>le <strong>de</strong>lta <strong>de</strong> <strong>la</strong> rivière <strong>de</strong>s Perles fait partie <strong>de</strong>ce vaste p<strong>la</strong>n. En aménagement, ces stratégiesse manifestent dans les transports<strong>et</strong> <strong>la</strong> mobilité, avec <strong>de</strong>s liaisons ferrées <strong>et</strong>routières ultra-rapi<strong>de</strong>s créées entre les villes(Shanghai-Hangzhou, Shanghai-Ningbo,Pékin-Tianjin, Shenzhen-Canton…), ou parl’imp<strong>la</strong>ntation <strong>de</strong> parcs industriels <strong>et</strong> hightech,<strong>de</strong> nouvelles zones économiques ou<strong>de</strong> centres d’affaires, <strong>et</strong>c.L’accueil <strong>de</strong> grands événementsinternationaux est aussi venu redéfinir oupropulser le développement urbain auniveau local, comme à Pékin <strong>et</strong> <strong>la</strong> tenue<strong>de</strong>s Jeux Olympiques en 2008, Shanghai<strong>et</strong> l’Expo universelle ou encore Cantonqui prépare les 16 e Jeux d’Asie qui aurontlieu c<strong>et</strong>te année. De vastes zones sontaménagées à c<strong>et</strong> eff<strong>et</strong>, accompagnées <strong>de</strong>transports intra-urbain performants, <strong>de</strong>snouveaux espaces publics <strong>et</strong> infrastructuressont construits, ces villes sont littéralementn<strong>et</strong>toyées à ces occasions. Lesmoyens mobilisés sont inimaginables, àl’heure <strong>de</strong> <strong>la</strong> crise financière mondiale.C : Y a-t-il un modèle <strong>de</strong>s villes chinoises ?J.D. : Il est certain que le modèle actuel <strong>de</strong>svilles chinoises reproduit, en beaucoup plusgrand, nos modèles occi<strong>de</strong>ntaux que l’ontente aujourd’hui <strong>de</strong> rem<strong>et</strong>tre en cause(éviter l’étalement urbain, le mitage, favoriser<strong>la</strong> ville compacte, <strong>la</strong> mixité fonctionnelle<strong>et</strong> sociale, <strong>et</strong>c.). Pourtant, l’on perçoit n<strong>et</strong>tementdans les discours officiels une volonté<strong>de</strong> promouvoir les économies <strong>de</strong> ressources,d’énergie, <strong>de</strong> terres… qui ne trouve© Imagine ChinaTrois éléments récurrents : <strong>la</strong> rue piétonne (ici à Tianjin), le CBD (ici à Hanghzhou) <strong>et</strong> <strong>la</strong> fricheindustrielle (ici à Shanghai). pas encore assez d’échos au niveau local.Dans les actes, l’adoption <strong>de</strong> longue date<strong>de</strong> l’Agenda 21 chinois, <strong>la</strong> refonte <strong>de</strong> l’administrationen charge <strong>de</strong>s questions environnementalesen un ministère à part entière<strong>et</strong> le dopage <strong>de</strong> ses budg<strong>et</strong>s, l’imposition<strong>de</strong> normes plus strictes <strong>de</strong> construction<strong>et</strong>c., constituent <strong>de</strong>s signes forts. Il existepour le moment un phénomène c<strong>la</strong>ssiqued’eff<strong>et</strong> d’annonce sur les « villes durables», qui ne voient pas forcément le jour(Chongming Is<strong>la</strong>nd proche <strong>de</strong> Shanghai),Les collectivités territoriales au cœur <strong>de</strong>s marchés publicsLes collectivités territoriales jouent un rôlefondamental dans <strong>la</strong> vie socio-économiquechinoise. Les gouvernements locaux représentent77% <strong>de</strong>s dépenses budgétaires totales,contre 32% en moyenne dans les pays <strong>de</strong> l’OCDE.Ils sont donc pour les entreprises, un interlocuteur<strong>et</strong> un partenaire commercial <strong>de</strong> premierp<strong>la</strong>n.La <strong>Chine</strong> est organisée en cinq niveauxd’administration, chacun généralement p<strong>la</strong>césous l’autorité du niveau supérieur : centre,provinces, préfectures, districts <strong>et</strong> cantons— une municipalité pouvant avoir rang <strong>de</strong>province ( Pékin, Shanghai, Chongqin <strong>et</strong> Tianjin)<strong>de</strong> préfecture ou <strong>de</strong> district (voir encadré p.44).Le partage <strong>de</strong>s tâches confie <strong>de</strong>s responsabilitésimportantes aux gouvernements sousprovinciaux,en matière <strong>de</strong> sécurité sociale,d’éducation, <strong>de</strong> santé <strong>et</strong> <strong>de</strong> développementnotamment.Le centre conserve toutefois <strong>de</strong>s moyens <strong>de</strong>contrôle <strong>de</strong> l’action <strong>de</strong>s collectivités. Ainsi, àl’inverse <strong>de</strong>s dépenses, les rec<strong>et</strong>tes sont plutôtcentralisées <strong>et</strong> ren<strong>de</strong>nt les collectivités localesdépendantes <strong>de</strong>s transferts du niveau supérieur.Par ailleurs, les proj<strong>et</strong>s doivent recevoir<strong>de</strong> multiples approbations <strong>de</strong>s niveaux supérieurs,jusqu’au Conseil <strong>de</strong>s Affaires d’Etat pourles plus importants. Enfin, le gouvernementcentral <strong>et</strong> le parti évaluent <strong>la</strong> performance<strong>de</strong>s responsables locaux <strong>et</strong> assurent <strong>la</strong> gestion<strong>de</strong> leurs carrières. Ces <strong>de</strong>rniers sont doncpersonnellement incités à m<strong>et</strong>tre en œuvre lespriorités nationales, notamment en matière <strong>de</strong>développement économique qui peut représenterjusqu’à 60% <strong>de</strong> l’évaluation.En ce qui concerne les finances locales, lesgouvernements locaux ont quatre types <strong>de</strong> ressources: les revenus budgétaires, les transfertsgouvernementaux, les revenus extra-budgétaires<strong>et</strong> les revenus « hors système ».Les revenus budgétaires sont principalementcomposés <strong>de</strong>s revenus <strong>de</strong>s impôts. Leur niveauvarie fortement selon les provinces : les gouvernementslocaux <strong>de</strong> Shanghai disposaient en2007 <strong>de</strong> 11 165 Rmb par habitant contre 709 auTib<strong>et</strong>. De fortes disparités existent égalemententre zones urbaines <strong>et</strong> rurales. Les revenusbudgétaires sont enfin beaucoup plus centralisésque les dépenses : le centre recevait 55% durevenu total en 2004. Les transferts gouvernementauxne compensent ces déséquilibres que<strong>de</strong> façon très limitée.Pour remédier à l’insuffisance <strong>de</strong> leurs revenus64Connexions / juill<strong>et</strong> 2010
L’urbanisation 城 市 化© Imagine China经 常 出 现 的 三 个 要 素 : 步 行 街 ( 天 津 ), 中 央 商 务 区 ( 杭州 )mais qui alimentent <strong>la</strong> réflexion sur le suj<strong>et</strong><strong>et</strong> engendrent quelques actions. L’observation<strong>de</strong> certains proj<strong>et</strong>s urbains estampillés« durable » (<strong>la</strong> nouvelle ville <strong>de</strong> Jiangwanà Shanghai) montre que les aspects technico-environnementauxd’un proj<strong>et</strong> sont<strong>la</strong>rgement privilégiés, au détriment <strong>de</strong>s aspectséconomiques <strong>et</strong> sociaux, relégués ausecond p<strong>la</strong>n ou inexistants.C. : Les villes chinoises ne sont-elles pasmenacées par l’uniformisation ? Peuvent- elles© Imagine China© Imagine ChinaLa célèbre «maison-clou» <strong>de</strong> Chongqing, symbolise <strong>la</strong> résistance <strong>de</strong>s p<strong>et</strong>its propriétaires. 业 闲 置 厂 房 变 身 创 意 园 ( 上 海 )。 重 庆 有 名 的 钉 子 户 , 象 征 着 小 业 主 的 反 抗 。préserver leur caractère propre ?J.D. : La p<strong>la</strong>nification, le développementà coup d’investissements, l’utilisation systématique<strong>de</strong> <strong>la</strong> vente <strong>de</strong>s terres pour sefinancer encouragent l’uniformité. Onr<strong>et</strong>rouve les mêmes centres d’affaires(CBD) même s’ils prennent <strong>de</strong>s formes architecturalesdifférentes, les mêmes ruespiétonnes à Pékin (Wangfujing), à Shanghai(Nanjing lu), à Hangzhou (Zhongshanrécemment réaménagée par Wang Shu),sous une forme intéressante qui lie patrimoine<strong>et</strong> architecture contemporaine). Onr<strong>et</strong>rouve aussi <strong>de</strong>s districts artistiques dutype Dashanzi qui suscitent l’envie <strong>de</strong> toutesles villes dotées <strong>de</strong> friches industrielles,ou <strong>de</strong>s zones <strong>de</strong> commerce haut <strong>de</strong> gammecomme The Vil<strong>la</strong>ge à Pékin ou Xintiandià Shanghai qui drainent les foules autour<strong>de</strong> <strong>la</strong> consommation. Ce sont les élémentsrécurrents du puzzle.Pourtant, on a aussi <strong>de</strong>s formes •••budgétaires, les gouvernements locaux ontdéveloppé d’autres sources <strong>de</strong> financement. Lesfonds extra-budgétaires sont principalementcomposés <strong>de</strong> frais imposés aux administréstandis que les revenus « hors système » proviennent<strong>de</strong> <strong>la</strong> vente <strong>de</strong> terrains ou d’autres actifs <strong>et</strong><strong>de</strong> re<strong>de</strong>vances diverses. Ces <strong>de</strong>rniers reposentessentiellement sur l’expropriation <strong>et</strong> <strong>la</strong>transformation <strong>de</strong> terres agricoles en zones <strong>de</strong>développement urbain, perm<strong>et</strong>tant <strong>la</strong> réalisationd’une plus-value à <strong>la</strong> vente. Ce mécanismeaggrave, au passage, l’étalement <strong>de</strong>s villes audétriment <strong>de</strong>s terres arables.Les revenus « hors système » sont par naturedifficiles à estimer mais ils représenteraiententre 70 <strong>et</strong> 230% <strong>de</strong>s revenus budgétaires.En ce qui concerne les dépenses, <strong>la</strong> prioritéaccordée au développement économiquesoutient l’investissement dans les infrastructures,qui est, sans surprise, très élevé. Au total, ilreprésenterait 10% du PIB, contre 3% en In<strong>de</strong> <strong>et</strong>2% au Brésil en 2006.Au contraire, une part encore faible du budg<strong>et</strong><strong>de</strong>s collectivités territoriales est consacrée àl’éducation (2,8% du PIB), à <strong>la</strong> santé (1,8%) <strong>et</strong> à<strong>la</strong> sécurité sociale.Le développement <strong>de</strong>s infrastructures représenteainsi entre 20 <strong>et</strong> 40% <strong>de</strong>s dépenses <strong>de</strong>sgouvernements locaux. Ceux-ci s’appuient sur<strong>de</strong>s sociétés publiques ou semi-publiques, lescompagnies <strong>de</strong> développement <strong>et</strong> d’investissement,pour financer, réaliser <strong>et</strong> exploiter lesproj<strong>et</strong>s. Ces sociétés perm<strong>et</strong>tent notammentaux collectivités locales <strong>de</strong> contourner l’interdictionqui leur est faite <strong>de</strong> s’en<strong>de</strong>tter. D’après<strong>de</strong>s enquêtes <strong>de</strong> terrain, <strong>la</strong> <strong>de</strong>tte serait composéed’emprunts auprès <strong>de</strong> banques, rembourséspar <strong>de</strong> <strong>la</strong> vente <strong>de</strong> terre, mais aussi d’empruntsauprès d’autres entreprises publiques voire<strong>de</strong> r<strong>et</strong>ards <strong>de</strong> paiement <strong>de</strong> sa<strong>la</strong>ires ou <strong>de</strong> biensagricoles.Il semble que l’en<strong>de</strong>ttement total <strong>de</strong>s collectivitésterritoriales soit très élevé. Sous l’eff<strong>et</strong><strong>de</strong>s mesures <strong>de</strong> re<strong>la</strong>nce, l’en<strong>de</strong>ttement <strong>de</strong>sp<strong>la</strong>tes-formes <strong>de</strong> financement locales auraitatteint 7,4 trillions <strong>de</strong> Rmb fin 2009, soit uneaugmentation annuelle supérieure à 70%, selon<strong>la</strong> Commission <strong>de</strong> régu<strong>la</strong>tion bancaire. Selon<strong>de</strong> nombreux économistes, ces chiffres sontsous-estimés. Victor Shih, dont l’estimation est<strong>la</strong> plus pessimiste, évalue l’en<strong>de</strong>ttement à 11,4trillions <strong>de</strong> Rmb fin 2009, soit 34% du PIB.Roseline Legrand,Conseillère, Service économique <strong>de</strong> l’Ambassa<strong>de</strong> <strong>de</strong>France en <strong>Chine</strong>(à partir notamment du travail <strong>de</strong> stage <strong>de</strong> Victor Combal-Weiss sur les collectivitéslocales en <strong>Chine</strong>)Connexions / juill<strong>et</strong> 2010 65