DOSSIER专 栏Une maison <strong>de</strong> thé dans <strong>la</strong> ville d’eau <strong>de</strong> Tongli coqu<strong>et</strong>tement restaurée. 同 里 水 乡 一 家 悉 心修 复 的 茶 馆PatrimoineLe modèle TongliC<strong>et</strong>te p<strong>et</strong>ite ville, à une heure <strong>de</strong> Shanghai, est un exempleconcr<strong>et</strong> <strong>de</strong> coopération franco-chinoise« Noussouhaitonsque Tongliresteune villevivante. »En 2002, Tongli obtenait le <strong>de</strong>uxièmeprix national chinois <strong>de</strong> l’urbanisme <strong>et</strong> le<strong>de</strong>uxième prix du comité du patrimoinemondial <strong>de</strong> l’UNESCO pour l’Asie-Pacifique.Deux récompenses pour un proj<strong>et</strong>expérimental visant à m<strong>et</strong>tre en valeur lepatrimoine urbain <strong>et</strong> paysagertout en intégrant <strong>de</strong>smesures économiques <strong>et</strong><strong>de</strong>s proj<strong>et</strong>s d’architecturecontemporaine. C’est dansle cadre du programme <strong>de</strong>coopération pour <strong>la</strong> protectiondu patrimoine, initiépar le centre du patrimoinemondial <strong>de</strong> l’UNESCO <strong>et</strong> leministère <strong>de</strong> <strong>la</strong> Constructionchinois en 1998, que s’est engagéec<strong>et</strong>te coopération franco-chinoiseentre l’Observatoire <strong>de</strong> l’architecture <strong>de</strong> <strong>la</strong><strong>Chine</strong> Contemporaine <strong>et</strong> le Centre National<strong>de</strong> Recherches sur les Villes Historiques Chinoise(CNRVH) associé à l’Université Tongji,à Shanghai.Face au développement urbain accéléré,l’idée était <strong>de</strong> m<strong>et</strong>tre en p<strong>la</strong>ce, à partird’un site réel, un modèle <strong>de</strong> protection dupatrimoine. La p<strong>et</strong>ite ville <strong>de</strong> Tongli, à uneheure <strong>de</strong> Shanghai, a été choisie. Située àproximité du Lac Tai, née au X e siècle, elle<strong>de</strong>vient une ville commerçanteà partir du XVI e siècle.Traversée par <strong>de</strong>s canaux,elle possè<strong>de</strong> <strong>la</strong> beauté particulière<strong>de</strong>s villes d’eaux<strong>et</strong> a conservé <strong>de</strong>s rues <strong>et</strong><strong>de</strong>s maisons anciennes,ainsi que <strong>de</strong> jolis ponts enpierre, pavillons <strong>et</strong> kiosques.Attirés par l’harmonie <strong>et</strong><strong>la</strong> tranquillité <strong>de</strong> Tongli,fonctionnaires à <strong>la</strong> r<strong>et</strong>raite<strong>et</strong> intellectuels en ont fait leur rési<strong>de</strong>nce.Elle possè<strong>de</strong> également une culture localeriche <strong>et</strong> un artisanat diversifié. Depuis 1998,Tongli a connu un développement touristiqu<strong>et</strong>rès rapi<strong>de</strong>. De moins <strong>de</strong> 500 000 en1998, le nombre <strong>de</strong> touristes annuel est© Imagine ChinaLa vieille ville <strong>de</strong> Kashgar menacée par sa restauration. passé à 800 000 en 2000 pour atteindreplus d’un million en 2005. S’il a bénéficiéau développement économique, c<strong>et</strong> accroissementconsidérable du tourisme aaussi entraîné <strong>la</strong> multiplication <strong>de</strong>s boutiquespour tou-ristes qui représentent unemenace pour l’authenticité <strong>et</strong> <strong>la</strong> tranquillité<strong>de</strong> Tongli.« Dés le début <strong>de</strong> notre coopérationen 1999 » dit Shao Yong 1 , professeur audépartement d’architecture <strong>et</strong> <strong>de</strong> p<strong>la</strong>nificationurbaine <strong>de</strong> l’université <strong>de</strong> Tongjià Shanghai, « nous avons insisté surl’importance d’une protection intégrée.Nous souhaitons que Tongli reste une villevivante. C’est pourquoi nous avons pris encompte à <strong>la</strong> fois patrimoine matériel <strong>et</strong> immatériel,c’est à dire le bâti, l ‘environnentnaturel mais aussi les traditions locales »Un p<strong>la</strong>n <strong>de</strong> sauvegar<strong>de</strong> <strong>et</strong> <strong>de</strong> mise en valeura été mis en p<strong>la</strong>ce, inspiré par le systèmefrançais <strong>de</strong>s Secteurs Sauvegardés 2<strong>et</strong> <strong>de</strong>s ZPPAUP 3 . Suite à un inventaire trèsprécis, <strong>de</strong>s règlements ainsi qu’un ouvrage<strong>de</strong> recommandations ont été rédigés pour<strong>la</strong> protection <strong>de</strong>s bâtiments, <strong>de</strong>s ponts historiques,<strong>de</strong>s canaux <strong>et</strong> <strong>de</strong>s réseaux <strong>de</strong> ruelles.Une hauteur limite a été définie pour<strong>la</strong> construction <strong>de</strong> nouvelles habitations.Parallèlement, <strong>de</strong>s enquêtes ont permisd’i<strong>de</strong>ntifier les situations <strong>de</strong> précarité sociale<strong>et</strong> <strong>de</strong> chercher <strong>de</strong>s solutions. La zone<strong>de</strong> protection a été é<strong>la</strong>rgie pour inclurel’environnement naturel autour <strong>de</strong> Tongli.A partir <strong>de</strong> 2000, <strong>de</strong>s infrastructures ont86Connexions / juill<strong>et</strong> 2010
L’urbanisation 城 市 化Des quartiers historiques pour tous受 餐 饮 业 威 胁 的 喀 什 古 城été progressivement installées dans <strong>la</strong> villeancienne. Illustration <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te volonté <strong>de</strong>promouvoir un patrimoine vivant, l’équipefranco-chinoise a travaillé pour redonnerune secon<strong>de</strong> vie aux bâtiments historiquesen les convertissant en maison d’hôtes, enmaison <strong>de</strong> thé <strong>et</strong> en salles d’expositionpour les arts traditionnels locaux. Afin <strong>de</strong>sensibiliser les habitants <strong>et</strong> les touristes à <strong>la</strong>protection du patrimoine, une maison dupatrimoine a été créée au cœur <strong>de</strong> <strong>la</strong> villeancienne. « Elle est le symbole <strong>de</strong> notredémarche », dit le professeur Shaoyong,« Une construction mo<strong>de</strong>rne qui s’inscritharmonieusement dans l’environnementtraditionnel ». Parmi ses proj<strong>et</strong>s, <strong>la</strong> créationd’une liaison avec les autres villes d’eauxgrâce à <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> réseaux <strong>de</strong>canaux <strong>et</strong> le développement <strong>de</strong>s partagesd’expériences pour <strong>la</strong> protection <strong>et</strong><strong>la</strong> gestion du patrimoine. « La coopérationengagée avec <strong>la</strong> France est atypique <strong>et</strong>très positive » conclut-il. « Atypique car elles’appuie sur <strong>de</strong>s réalisations concrètes, passeulement sur <strong>de</strong>s ateliers ou <strong>de</strong>s échangesthéoriques ». • Pauline Ban<strong>de</strong>lier1 Francophone, Shao Yong qui a suivi pendant un an <strong>la</strong>formation post-concours <strong>de</strong> recrutement pour les architectes<strong>et</strong> urbanistes <strong>de</strong> l’Etat à Paris, vient <strong>de</strong> publier en chinois unlivre sur les enjeux <strong>de</strong> <strong>la</strong> coopération franco-chinoise Equilibre<strong>et</strong> harmonie, protection <strong>et</strong> mise en valeur du patrimoineurbain <strong>et</strong> paysager en France.2 La loi Malraux du 4 août 1962 perm<strong>et</strong> <strong>de</strong> protéger unsecteur urbain caractéristique lorsqu’il présente un caractèrehistorique, esthétique ou <strong>de</strong> nature à justifier <strong>la</strong> conservation,<strong>la</strong> restauration ou <strong>la</strong> mise en valeur <strong>de</strong> tout ou une partie d’unensemble d’immeubles bâtis ou non3 Les Zones <strong>de</strong> Protection du Patrimoine Architectural Urbain<strong>et</strong> Paysager Instituées par <strong>la</strong> loi du 7 janvier 1983perm<strong>et</strong>tentd’assurer <strong>la</strong> protection du patrimoine architectural <strong>et</strong> urbain.© Imagine China« Comme dans <strong>de</strong> nombreux pays, <strong>la</strong><strong>Chine</strong> est dotée <strong>de</strong> lois <strong>de</strong> protectiondu patrimoine monumental <strong>et</strong> <strong>de</strong> sitesculturels, mais, dans les quartiers historiques<strong>et</strong> les vil<strong>la</strong>ges, le contenu <strong>de</strong>ces protections, les ai<strong>de</strong>s financièresqui les accompagnent <strong>et</strong> les mo<strong>de</strong>s<strong>de</strong> gestion courante sont bien moinsé<strong>la</strong>borés qu’en France », explique A<strong>la</strong>inMarinos 1 architecte <strong>et</strong> urbaniste,conservateur généraldu patrimoine, expert<strong>et</strong> professeur invité<strong>de</strong> l’université Tongji<strong>de</strong> Shanghai <strong>de</strong>puis2005. Dans <strong>la</strong> secon<strong>de</strong>moitié du XX e siècle, <strong>la</strong> par <strong>la</strong>France s’est en eff<strong>et</strong>dotée d’outils d’urbanismespécifiques quesont les secteurs sauvegardéscréés en 1962 <strong>et</strong> les ZPPAUPen 1983/1993, aujourd’hui utilisés dans<strong>la</strong> gran<strong>de</strong> majorité <strong>de</strong>s villes <strong>de</strong> France.Menées conjointement par l’Etat <strong>et</strong>les collectivités locales, ces politiquesperm<strong>et</strong>tent <strong>de</strong> valoriser le patrimoin<strong>et</strong>out en résorbant <strong>de</strong>s îlots d’habitationinsalubres <strong>et</strong> en conservant pourles habitants le droit <strong>et</strong> <strong>la</strong> possibilité <strong>de</strong>rester sur p<strong>la</strong>ce, grâce aux opérationsprogrammées d’amélioration <strong>de</strong> l’habitat(OPAH), aux périmètres <strong>de</strong> restaurationimmobilière (PRI) <strong>et</strong> à l’action <strong>de</strong>ssociétés d’habitations à loyer modéré.En <strong>Chine</strong>, <strong>de</strong> tels outils sont encore encours d’é<strong>la</strong>boration.Col<strong>la</strong>boration franco-chinoiseLa coopération franco-chinoise estnée, il y a douze ans, <strong>de</strong> <strong>la</strong> volonté duCentre national <strong>de</strong> recherches sur lesvilles historiques (<strong>Chine</strong>) d’engagerun partenariat privilégié avec un payseuropéen. La Direction générale <strong>de</strong>spatrimoines a participé activement àc<strong>et</strong>te coopération initiée par FrançoiseGed, aujourd’hui rattachée à <strong>la</strong> Cité<strong>de</strong> l’architecture <strong>et</strong> du patrimoine. Lespremiers partenaires chinois furent,outre le Centre national <strong>de</strong> recherchesur les villes historiques, l’Université« On ne peut pasrépondre à <strong>la</strong>table rasemuséification. »Tongji <strong>de</strong> Shanghai, avec notammentles Prs. Ruan Yisan, Zhou Jian <strong>et</strong> ShaoYong. D’autres partenaires ont été associés<strong>de</strong>puis, tels que l’Ecole <strong>de</strong> Chaillot(France) <strong>et</strong> l’Institut du Patrimoine mondialpour <strong>la</strong> formation <strong>et</strong> <strong>la</strong> recherche- Asie <strong>et</strong> Pacifique 2 .Face aux transformations rapi<strong>de</strong>s <strong>de</strong>svilles chinoises <strong>et</strong> aux <strong>de</strong>structionsqu’elles entraînent, l’équilibre est difficileà trouver, souligneA<strong>la</strong>in Marinos. Si certainssites emblématiquesjustifient uneprotection forte, il n’estpas possible <strong>de</strong> répondreà <strong>la</strong> « table rase »par <strong>la</strong> « muséification »<strong>de</strong> tous les lieux patrimoniaux,notammentlorsqu’ils sont habités.Le besoin <strong>de</strong> rep<strong>la</strong>cer les habitants aucentre <strong>de</strong> <strong>la</strong> problématique <strong>de</strong> <strong>la</strong> préservationdu patrimoine conduit à l’engagement,<strong>de</strong>puis 2006, avec l’université<strong>de</strong> Tongji, dans l’action menée parl’UNESCO: « Des quartiers historiquespour tous, une approche sociale <strong>et</strong> humainepour une revitalisation durable ».Un gui<strong>de</strong> à l’attention <strong>de</strong>s professionnels<strong>de</strong> <strong>la</strong> ville a été créé ; un colloque« <strong>Urbanisation</strong>/globalisation : les habitantsdans <strong>la</strong> ville » a été organisé 3 quifait dialoguer sociologues, urbanistes <strong>et</strong>déci<strong>de</strong>urs politiques français <strong>et</strong> chinoisavec une approche interdisciplinaire,<strong>de</strong>s réflexions <strong>et</strong> expérimentations sur<strong>la</strong> fonction que peut exercer le patrimoinedans <strong>la</strong> recherche d’une évolution« soutenable » <strong>de</strong>s villes <strong>et</strong> <strong>de</strong>sterritoires. •P.B.1Traduction française : « <strong>la</strong> tradition <strong>et</strong> le patrimoine nesignifient pas conserver les cendres mais gar<strong>de</strong>r <strong>la</strong> f<strong>la</strong>mmeallumée ».2 Membre <strong>de</strong> <strong>la</strong> Commission nationale <strong>de</strong>s monumentshistoriques, il travaille régulièrement comme expert dansle cadre <strong>de</strong> coopérations internationales, notamment pourl’UNESCO. Depuis 2005 il est professeur invité <strong>de</strong> l’universitéTongji <strong>de</strong> Shanghai.34Voir rubrique « coopération avec <strong>la</strong> <strong>Chine</strong> sur le site Connexions / juill<strong>et</strong> 2010 87