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Il avait pris <strong>le</strong> bus, <strong>le</strong> 55, jusqu’à la place des Pilotes, en haut de la dernière côte. Puisil avait continué à pied.Il dominait la rade. De l’Estaque à la Pointe-Rouge. Les î<strong>le</strong>s du Frioul, duChâteau d’If. Marseil<strong>le</strong> cinémascope. Une beauté. Il aborda la descente, face à lamer. Il n’était plus qu’à deux villas de cel<strong>le</strong> de Zucca. Il regarda l’heure. 16h58. Lesgril<strong>le</strong>s de la villa s’ouvrirent. Une Mercedes noire apparut, se gara. Il dépassa la villa,la Mercedes, et continua jusqu’à la rue des Espérettes, qui coupe <strong>le</strong> chemin duRoucas Blanc. Il traversa. Dix pas et il arriverait à l’arrêt de bus. Selon <strong>le</strong>s horaires, <strong>le</strong>55 passait à 17h05. Il regarda l’heure, puis, appuyé contre <strong>le</strong> poteau, attendit.La Mercedes fit une marche arrière en longeant <strong>le</strong> trottoir, et s’arrêta. Deuxhommes à bord, dont <strong>le</strong> chauffeur. Zucca apparut. Il devait avoir dans <strong>le</strong>s soixante-dixans. Élégamment vêtu, comme <strong>le</strong>s vieux truands. Chapeau de pail<strong>le</strong> compris. Il tenaiten laisse un caniche blanc. Précédé par <strong>le</strong> chien, il descendit jusqu’au passage piétonde la rue des Espérettes. Il s’arrêta. Le bus arrivait. Zucca traversa. Côté ombre. Puisil descendit <strong>le</strong> chemin du Roucas Blanc, en passant devant l’arrêt de bus. LaMercedes démarra, en roulant au pas.Les renseignements de Batisti valaient bien cinquante mil<strong>le</strong> francs. Il avait toutconsigné minutieusement. Pas un détail ne manquait. Zucca faisait cette promenadetous <strong>le</strong>s jours, sauf <strong>le</strong> dimanche, il recevait sa famil<strong>le</strong>. À dix-huit heures, la Mercedes<strong>le</strong> ramenait à la villa. Mais Batisti ignorait pourquoi Zucca s’en était pris à Manu. De cecôté-là, il n’avançait pas. Un lien avec <strong>le</strong> braquage de l’avocat devait bien exister. Ilcommençait à se dire ça. Mais à vrai dire, il n’en avait rien à foutre. Seul Zuccal’intéressait. Monsieur Char<strong>le</strong>s.Il avait horreur de ces vieux truands. Copains comme coquins avec <strong>le</strong>s flics, <strong>le</strong>smagistrats. Jamais punis. Fiers. Condescendants. Zucca avait la gueu<strong>le</strong> de Brandodans Le Parrain. Ils avaient tous cette gueu<strong>le</strong>-là. Ici, à Pa<strong>le</strong>rme, à Chicago. Et ail<strong>le</strong>urs,partout ail<strong>le</strong>urs. Et lui, il en avait maintenant un dans sa ligne de mire. Il allait endescendre un. Pour l’amitié.Et pour libérer sa haine.Il fouillait dans <strong>le</strong>s affaires de Lo<strong>le</strong>. La commode, <strong>le</strong>s placards. Il était rentrélégèrement ivre. Il ne cherchait rien. Il fouillait comme s’il pouvait découvrir un secret.Sur Lo<strong>le</strong>, sur Manu. Mais il n’y avait rien à découvrir. La vie avait filé entre <strong>le</strong>ursdoigts, plus vite que <strong>le</strong> fric.Dans un tiroir, il trouva p<strong>le</strong>in de photos. Il ne <strong>le</strong>ur restait plus que ça. Çal’écœura. Il faillit tout foutre à la poubel<strong>le</strong>. Mais il y avait ces trois photos. Trois fois lamême. À la même heure, au même endroit. Manu et lui. Lo<strong>le</strong> et Manu. Lo<strong>le</strong> et lui.C’était au bout de la grande jetée, derrière <strong>le</strong> port de commerce. Pour y al<strong>le</strong>r, il fallaittromper la vigilance des gardiens. Pour ça, nous étions bons, pensa-t-il. Derrière eux,la vil<strong>le</strong>. En toi<strong>le</strong> de fond, <strong>le</strong>s î<strong>le</strong>s. Vous sortiez de l’eau. Essoufflés. Heureux. Vousvous étiez rassasiés de bateaux en partance dans <strong>le</strong> coucher du so<strong>le</strong>il. Lo<strong>le</strong> lisait Exil,de Saint-John Perse, à haute voix. Les milices du vent dans <strong>le</strong>s sab<strong>le</strong>s d’exil. Auretour, tu avais pris la main de Lo<strong>le</strong>. Tu avais osé. Avant Manu.Ce soir-là, vous aviez laissé Manu au Bar de Lenche. Tout avait basculé. Plusde rires. Pas un mot. Les pastis bus dans un si<strong>le</strong>nce gêné. Le désir vous avaitéloignés de Manu. Le <strong>le</strong>ndemain, il fallut al<strong>le</strong>r <strong>le</strong> chercher au poste de police. Il y avaitpassé la nuit. Pour avoir déc<strong>le</strong>nché une bagarre avec deux légionnaires. Son œil droitne s’ouvrait plus. Sa bouche était enflée. Il avait une lèvre fendue. Et des b<strong>le</strong>uspartout.- M’en suis fait deux ! Mais alors, bien !Lo<strong>le</strong> l’embrassa sur <strong>le</strong> front. Il se serra contre el<strong>le</strong> et se mit à chia<strong>le</strong>r.

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