- El<strong>le</strong> a rien dit du tout. C’est moi qui te pose la question.- Il y aura toujours un mac. Sauf si el<strong>le</strong> veut décrocher. Si el<strong>le</strong> en a l’envie… Et<strong>le</strong> courage. Pas si simp<strong>le</strong>, tu sais. Les fil<strong>le</strong>s sont durement tenues. Je débitais desbanalités. Marie-Lou était une prostituée. El<strong>le</strong> avait débarqué chez moi. Parce qu’el<strong>le</strong>était paumée. Parce que je n’étais pas bargeot. Parce que je représentais la sécurité.Je ne voyais pas plus loin. Pas plus loin que demain, et c’était déjà beaucoup. Fautque je trouve où la crécher. El<strong>le</strong> peut pas rester ici. C’est plus très sûr, chez moi.L’air était doux. Comme une caresse salée. Mon regard se perdit au loin. Leclapotis des vagues parlait de bonheur. J’essayais d’éloigner <strong>le</strong>s menaces quipesaient. J’étais entré à deux pieds dans des zones dangereuses. Ce qui <strong>le</strong>s rendaitencore plus dangereuses c’est que j’ignorais d’où arriveraient <strong>le</strong>s coups.- Je sais, dit Babette.- Tu sais tout, répondis-je un rien énervé.- Non, pas tout. Juste ce qu’il faut pour être inquiète.- C’est gentil. Pardonne-moi.- Pour Marie-Lou, c’est juste pour ça ?Cela me gênait, cette discussion. Je devins agressif. Malgré moi.- Tu veux savoir quoi ? Si je suis amoureux d’une prostituée ? C’est unfantasme qu’ont tous <strong>le</strong>s hommes. Aimer une pute. L’arracher à son mac. Être sonmac. L’avoir rien que pour soi. Femme objet… La lassitude me gagna. Le sentimentd’être au bout du rou<strong>le</strong>au. De tous <strong>le</strong>s rou<strong>le</strong>aux. Je sais pas où el<strong>le</strong> est, la femme dema vie. Peut-être qu’el<strong>le</strong> existe pas.- Chez moi, c’est qu’un studio. Tu connais.- T’inquiète. Je trouverai.Babette sortit de son sac une enveloppe, l’ouvrit et me tendit une photo.- C’est pour te montrer ça que je suis venue.Plusieurs hommes autour d’une tab<strong>le</strong>, dans un restaurant. J’en connaissais un.Morvan. J’avalai ma salive.- Celui qui est à droite, c’est Joseph Poli. Bourré d’ambition. Il se pose ensuccesseur de Zucca. Les tueurs de l’Opéra, c’est certainement lui. C’est un ami deJacky Le Mat. Il a participé au casse de Saint-Paul-de-Vence, en 81. Je mesouvenais. Sept millions de bijoux volés. Après son interpellation, Le Mat avait étéremis en liberté. Le principal témoin s’étant rétracté. Debout, poursuivit Babette, sonfrère. Émi<strong>le</strong>. Spécialisé dans <strong>le</strong> racket, <strong>le</strong>s machines à sous et <strong>le</strong>s discothèques. Unteigneux sous ses airs bonasses.- Ils arrosent Morvan ?- Celui qui est à gauche, c’est Luc Wep<strong>le</strong>r, continua-t-el<strong>le</strong> sans prêter cas à maquestion. Dangereux.Son portrait me fit froid dans <strong>le</strong> dos. Né en Algérie, Wep<strong>le</strong>r s’engagea trèsjeune dans <strong>le</strong>s paras et devint vite membre actif de l’OAS. En 65, on <strong>le</strong> retrouve dans<strong>le</strong> service d’ordre de Tixier-Vignancourt. Le piteux succès é<strong>le</strong>ctoral de l’avocat <strong>le</strong>détourne de l’activisme officiel. Il en reprend chez <strong>le</strong>s paras. Puis comme mercenaireen Rhodésie, aux Comores, au Tchad. En 74, il est au Cambodge. Parmi <strong>le</strong>sconseil<strong>le</strong>rs militaires des Américains contre <strong>le</strong>s Khmers rouges. Puis il enchaîne :Angola, Afrique du Sud, Bénin, Liban avec <strong>le</strong>s phalanges de Béchir Jemayel.- Intéressant, dis-je en imaginant un face à face avec lui.- Depuis 90, il milite au Front national. En habitué des commandos, il travail<strong>le</strong>dans l’ombre. Peu de personnes <strong>le</strong> connaissent à Marseil<strong>le</strong>. D’un côté, y a <strong>le</strong>ssympathisants, que <strong>le</strong>s idées radica<strong>le</strong>s du Front national ont séduits. Des victimes dela crise économique. Des chômeurs. Des déçus du socialisme, du communisme. Del’autre, <strong>le</strong>s militants. Wep<strong>le</strong>r s’occupe d’eux. Des plus déterminés. Ceux qui viennent
de l’Œuvre française, du GUD ou du Front de lutte anticommuniste. Ils <strong>le</strong>s organisenten cellu<strong>le</strong>s d’action. Des hommes prêts à la bagarre. Il a la réputation de bien former<strong>le</strong>s jeunes. Je veux dire qu’avec lui, ça passe ou ça casse.Je ne lâchais pas la photo des yeux. J’étais comme hypnotisé par <strong>le</strong> regardb<strong>le</strong>u, é<strong>le</strong>ctrique, glacial de Wep<strong>le</strong>r. J’en avais côtoyé des comme lui à Djibouti. Desspécialistes de la mort froide. Des putains de l’impérialisme. Ses enfants perdus.Lâchés dans <strong>le</strong> monde, avec cette haine d’avoir été « <strong>le</strong>s cornards de l’Histoire »,comme l’avait dit un jour Garel, mon adjudant-chef. Puis j’en découvris un autre, queje connaissais. À l’arrière fond, à droite. À une autre tab<strong>le</strong>. Toni. Le beau Toni.- Celui-là, tu <strong>le</strong> connais ?- Non.- J’ai fait sa connaissance ce soir.Je lui racontai comment et pourquoi je l’avais rencontré. El<strong>le</strong> fit la grimace.- Mauvais. La photo a été prise lors d’un repas des plus enragés. En dehorsmême du cerc<strong>le</strong> des militants du Front national.- Tu veux dire que <strong>le</strong>s frères Poli ont viré fascistes ?El<strong>le</strong> haussa <strong>le</strong>s épau<strong>le</strong>s.- Ils bouffent ensemb<strong>le</strong>. Ils rigo<strong>le</strong>nt ensemb<strong>le</strong>. Ils chantent des trucs nazis.Comme à Paris, tu sais, chez Jenny. Ça prouve rien. Ce qui est sûr, c’est qu’ilsdoivent faire affaire. Les frères Poli doivent y trouver <strong>le</strong>ur compte. Sinon, je vois paspourquoi ils s’emmerderaient avec eux. Mais il y a un lien. Morvan. Wep<strong>le</strong>r l’a formé.En Algérie. 1 er Régiment de chasseurs parachutistes. Après 68, Morvan milite auFront de lutte anticommuniste où il devient responsab<strong>le</strong> du Groupe Action. C’est àcette époque qu’il retrouve Wep<strong>le</strong>r et qu’ils deviennent vraiment potes… El<strong>le</strong> meregarda, sourit et ajouta sûre de son effet : Et qu’il épouse la sœur des frères Poli.Je sifflai entre mes dents.- T’as encore beaucoup de surprises comme ça ?- Batisti.Il était au premier plan sur la photo. Mais de dos. Je n’y avais pas porté cas.- Batisti, répétai-je bêtement. Bien sûr. Il trempe là-dedans lui aussi ?- Simone, sa fil<strong>le</strong>, c’est la femme d’Émi<strong>le</strong> Poli.- La famil<strong>le</strong>, hein ?- La famil<strong>le</strong> et <strong>le</strong>s autres. La Mafia, c’est ça. Guérini, c’était ça aussi. Zucca, ilavait épousé une cousine de Volgro, <strong>le</strong> Napolitain. Ici, c’est quand il n’y a plus eu defamil<strong>le</strong> que tout a pété. Zucca l’avait compris. Il s’était rallié à une famil<strong>le</strong>.- Nueva famiglia, dis-je avec un sourire amer. Nouvel<strong>le</strong> famil<strong>le</strong> et vieil<strong>le</strong>ssaloperies.Marie-Lou revint, son corps enroulé dans une grande serviette éponge. Nousl’avions presque oubliée. Son apparition était une bouffée d’air frais. El<strong>le</strong> nous regardacomme des conspirateurs, puis alluma une cigarette, nous servit de larges doses deLagavulin et repartit à l’intérieur. Peu après, on entendit <strong>le</strong> bandonéon d’AstorPiazzolla, puis <strong>le</strong> saxophone de Jerry Mulligan. Une des plus bel<strong>le</strong>s rencontresmusica<strong>le</strong>s de ces quinze dernières années. Buenos Aires, twenty years after.Les pièces d’un puzz<strong>le</strong> étaient éparses devant moi. Il n’avait plus qu’à <strong>le</strong>sassemb<strong>le</strong>r. Ugo, Zucca avec Morvan. Al Dakhil, ses gardes du corps et <strong>le</strong>s deuxtueurs avec Morvan et Toni. Leila avec Toni et <strong>le</strong>s deux tueurs. Mais tout cela nes’emboîtait pas. Et où placer Batisti ?- Qui c’est celui-là ? demandai-je en montrant sur la photo un homme, trèsdistingué, assis à droite de Joseph Poli.- Je sais pas.- C est où, ce restaurant ?
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ochettes aux cent épices, grillée
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Je vous rappelle encore avant de vi
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