C’est ça qu’ils avaient dû lui demander, à Toni. Leur amener la crouil<strong>le</strong>. Et se lafaire. Les uns après <strong>le</strong>s autres. Et Toni en premier. Il avait dû être <strong>le</strong> premier. Devant<strong>le</strong>s autres. Avec son désir. Et sa rage d’avoir été repoussé. Une femme, c’est qu’uncul. Toutes des putes. Les crouil<strong>le</strong>s, des culs de pute. Comme ces salopes de Juives.Les Juives, <strong>le</strong>ur cul est plus rond, plus haut. Les crouil<strong>le</strong>s, el<strong>le</strong>s ont <strong>le</strong> cul un peu bas,non ? Les négresses aussi. Le cul des négresses, ah ! m’en par<strong>le</strong> pas ! Ça vaut <strong>le</strong>déplacement.Les deux autres y étaient allés, après. Pas Morvan, ni Wep<strong>le</strong>r. Non, <strong>le</strong>s deuxautres. Les aspirants nazis. Ceux qui étaient crevés sur <strong>le</strong> carreau, place de l’Opéra.Sans doute n’avaient-ils pas été à la hauteur, quand il avait fallu cartonner sur Leila.Niquer <strong>le</strong>s crouil<strong>le</strong>s, c’était une chose. Les abattre, sans que <strong>le</strong> bras ne tremb<strong>le</strong>, ça nedevait pas être aussi simp<strong>le</strong>.Morvan et Wep<strong>le</strong>r voyeurs. C’est ce que j’imaginais. Maîtres de cérémonie. Estcequ’ils s’étaient branlés en <strong>le</strong>s regardant. Ou s’étaient-ils accouplés après, avec lanostalgie des amours SS. Des amours mâ<strong>le</strong>s. Viri<strong>le</strong>s. Des amours de guerriers. Etquand avaient-ils décidé que <strong>le</strong> survivant de cette nuit serait celui qui placerait sa bal<strong>le</strong><strong>le</strong> plus près du cœur de Leila ?Est-ce que Toni avait eu pitié de Leila en l’enfilant ? Une seconde au moins.Avant que lui aussi ne bascu<strong>le</strong> dans l’horreur. L’irrémédiab<strong>le</strong>.Je reconnus la voix de Simone. Et el<strong>le</strong> reconnut la mienne. Le numéro oùKarine laissait des messages à son frère, c’était bien <strong>le</strong>s Restanques. El<strong>le</strong> l’avaitappelé là-bas ce soir.- Passez-moi Émi<strong>le</strong>. Ou Joseph.Toujours de la musique à vomir. Caravelli et ses violons magiques. Ou unesa<strong>le</strong>té de ce genre. Mais moins de bruits d’assiettes et de fourchettes. LesRestanques se vidaient. Il était minuit dix.- Émi<strong>le</strong>, dit la voix.Cel<strong>le</strong> de tout à l’heure.- Monta<strong>le</strong>. Pas besoin de te faire un dessin, tu vois qui je suis.- Je t’écoute.- Je vais arriver. Je veux qu’on discute. Une trêve. J’ai des propositions à faire.Je n’avais aucun plan. À part <strong>le</strong>s tuer tous. Mais ce n’était qu’une utopie. Justece qu’il fallait pour tenir <strong>le</strong> coup. Faire ce qu’il y avait à faire. Avancer. Survivre.Encore une heure. Un sièc<strong>le</strong>.- Seul ?- J’ai pas encore <strong>le</strong>vé d’armée.- Toni ?- Il a avalé sa langue.- T’as intérêt à avoir des arguments. Parce que pour nous t’es déjà mort.- Tu te vantes, Émi<strong>le</strong>. Moi mort, vous serez tous serrés. J’ai vendu l’histoire àun canard.- Aucun baveux osera rien écrire.- Ici non. À Paris, oui. Si j’appel<strong>le</strong> pas à deux heures, ça rou<strong>le</strong> pour la dernièreédition.- T’as qu’une histoire. Pas de preuves.- J’ai tout. Tout ce que Manu a raflé chez Brunel. Les noms, <strong>le</strong>s re<strong>le</strong>vés debanque, <strong>le</strong>s carnets de chèques, <strong>le</strong>s achats, <strong>le</strong>s fournisseurs. La liste des bars, desbottes, des restaurants rackettés. Mieux, <strong>le</strong>s noms et adresses de tous <strong>le</strong>s industrielslocaux qui soutiennent <strong>le</strong> Front national.J’en rajoutais, mais ce devait être dans l’ordre des choses. Batisti m’avait bluffé
sur toute la ligne. Si Zucca avait eu <strong>le</strong> moindre soupçon sur Brunel, il aurait envoyédeux de ses hommes chez l’avocat, à son bureau. Une bal<strong>le</strong> dans la tête, pour seulcommentaire. Le ménage aurait été fait dans la foulée. Zucca avait passé l’âge destergiversations. Il y avait une ligne. Droite. Et rien ne devait l’infléchir. C’est ainsi qu’ilavait réussi.Et Zucca, un boulot comme ça, il ne l’aurait pas confié à Manu Ce n’était pasun tueur. Batisti avait envoyé Manu chez Brunel pour son compte. J’ignorais pourquoi.À quel<strong>le</strong>s fins. Quel jeu il jouait sur cet échiquier pourri ? Babette était catégorique. Ilne trempait plus dans <strong>le</strong>s affaires. Manu avait marché dans la combine. Un travailpour Zucca ne se refusait jamais. Il faisait confiance à Batisti. Et on ne crachait passur autant de pognon aligné.J’en étais arrivé à ces conclusions. El<strong>le</strong>s étaient boiteuses. El<strong>le</strong>s sou<strong>le</strong>vaientencore plus de questions qu’el<strong>le</strong>s n’en résolvaient. Mais je n’étais plus à ça près. Etj’étais allé trop loin. Je voulais <strong>le</strong>s avoir, tous, en face de moi. La vérité. Dussè-je encrever.- On ferme dans une heure. Amène la paperasse.Il raccrocha. Batisti avait donc <strong>le</strong>s documents. Et il avait fait tuer Zucca parUgo. Et Manu ?Mavros arriva vingt minutes après mon appel. Je n’avais trouvé que cettesolution. L’appe<strong>le</strong>r. Lui passer <strong>le</strong> relais. Lui confier Driss, et Karine. Il ne dormait pas.Il visionnait Apocalypse now de Coppola. À mon avis, c’était bien la quatrième fois. Cefilm <strong>le</strong> subjuguait, et il ne <strong>le</strong> comprenait pas. Je me souvenais la chanson des Doors.The End.C’était toujours la fin, annoncée, qui s’avançait vers nous. Il suffisait d’ouvrir <strong>le</strong>sjournaux à la page internationa<strong>le</strong> ou à la rubrique fait divers. Il n’était nul besoind’armes nucléaires. Nous nous entretuerons avec une sauvagerie préhistorique. Nousn’étions que des dinosaures, mais <strong>le</strong> pire, c’est que nous <strong>le</strong> savions.Mavros n’hésita pas. Driss valait bien <strong>le</strong>s risques courus. Ce gosse-là, il l’avaitaimé dès que je <strong>le</strong> lui avais présenté. Ces choses étaient inexplicab<strong>le</strong>s. Tout autantque l’attirance amoureuse, qui vous fait désirer un être plus qu’un autre. Il mettraitDriss sur un ring. Il <strong>le</strong> ferait cogner. Il <strong>le</strong> ferait penser. Penser au poing gauche, aupoing droit. À l’allonge du bras. Il <strong>le</strong> ferait par<strong>le</strong>r. De lui, de la mère qu’il n’avait pasconnue, de Leila. De Toni. Jusqu’à ce qu’il se mette en règ<strong>le</strong> avec ce qu’il avait faitpar amour et par haine. On ne pouvait pas vivre avec de la haine. Boxer non plus. Il yavait des règ<strong>le</strong>s. El<strong>le</strong>s étaient injustes, souvent, trop souvent. Mais <strong>le</strong>s respecterpermettaient de sauver sa peau. Et dans ce foutu monde, rester vivant c’était quandmême la plus bel<strong>le</strong> des choses. Driss, il saurait l’écouter, Mavros. Sur <strong>le</strong>s conneries, i<strong>le</strong>n connaissait un bon registre À dix-neuf ans, il avait écopé d’un an de tau<strong>le</strong> pouravoir cogné son entraîneur. Il avait truqué <strong>le</strong> match qu’il devait gagner. Quand on avaitenfin pu l’arrêter, <strong>le</strong> mec était presque claqué. Et Mavros n’avait jamais pu prouverque <strong>le</strong> combat était arrangé. En tau<strong>le</strong>, il avait médité sur tout ça.Mavros me fit un clin d’œil. On était d’accord. On ne pouvait laisser à aucundes quatre mômes la charge d’assumer un meurtre. Toni ne méritait rien. Rien de plusque ce qu’il avait trouvé ce soir. Eux, je voulais qu’ils aient <strong>le</strong>ur chance. Ils étaientjeunes, ils s’aimaient. Mais, même avec un bon avocat, aucun argument ne tiendrait.La légitime défense ? Cela resterait à prouver. Le viol de Leila ? Il n’y avait aucunepreuve. Au procès, ou même avant, harcelée, Karine raconterait comment <strong>le</strong>s chosess’étaient passées. Il n’y aurait plus qu’un Arabe des quartiers Nord tuant, de sangfroid,un jeune homme. Un voyou, certes, mais un Français, fils d’ouvrier. Et deuxArabes complices, et une fil<strong>le</strong>, la jeune sœur, sous <strong>le</strong>ur emprise. Je n’étais même pas
- Page 2 and 3:
Total KheopsTome 1 - Saga Fabio Mon
- Page 4 and 5:
« Il n’y a pas de vérité, il n
- Page 6 and 7:
chassé le rêve. Elle le regarda a
- Page 8 and 9:
- Je suis l’ami de Manu.- Salut,
- Page 10 and 11:
Il avait pris le bus, le 55, jusqu
- Page 12 and 13:
Change d’identité, le plus vite
- Page 14 and 15:
1 - Où même pour perdre il faut s
- Page 16 and 17:
qui avaient transité une journée
- Page 18 and 19:
assis sur les rochers, silencieux,
- Page 20 and 21:
Laurent.- T’es con ou quoi ! C’
- Page 22 and 23:
2 - Où même sans solution, parier
- Page 24 and 25:
que je trouve ?Il se dégagea vivem
- Page 26 and 27:
- Au revoir, monsieur Varounian, r
- Page 28 and 29:
ochettes aux cent épices, grillée
- Page 30 and 31:
3 - Où l’honneur des survivants,
- Page 32 and 33:
qu’un flic pouvait déborder la l
- Page 34 and 35:
Je vous rappelle encore avant de vi
- Page 36 and 37:
échangé six ou sept phrases. Auss
- Page 38 and 39:
4 - Où un cognac n’est pas ce qu
- Page 40 and 41:
Une succession de commerces, de res
- Page 42 and 43:
alla directement dans la salle de b
- Page 44 and 45:
- Les autres.- Quels autres ?- Ben,
- Page 46 and 47:
5 - Où dans le malheur, l’on dé
- Page 48 and 49:
- Leila, tu vois, elle l’a eue ce
- Page 50 and 51:
ne l’imaginais pas aussi machiav
- Page 52 and 53:
ien huilée, j’avais fait revenir
- Page 54 and 55:
6 - Où les aubes ne sont que l’i
- Page 56 and 57:
posa deux balles, parallèlement au
- Page 58 and 59:
indifférence. Comme absent au mond
- Page 60 and 61:
surveillait. Il ramassait plus tard
- Page 62 and 63:
7 - Où il est préférable d’exp
- Page 64 and 65:
Je l’attirai vers moi. Elle avait
- Page 66 and 67:
Il tenait un gobelet d’une main.
- Page 68 and 69: aujourd’hui ceinturé, dominé pa
- Page 70 and 71: 8 - Où ne pas dormir ne résout pa
- Page 72 and 73: Voilà, ce que j’en pense.- J’s
- Page 74 and 75: Tunisie, et on le revendait le doub
- Page 76 and 77: coincés, ils avaient démissionné
- Page 78 and 79: 9 - Où l’insécurité ôte toute
- Page 80 and 81: grand sourire. Un sourire carnassie
- Page 82 and 83: keufs. Mes potes, y les ont chouff
- Page 84 and 85: était partie.- Je vous dérange pa
- Page 86 and 87: - Elle a rien dit du tout. C’est
- Page 88 and 89: - L’auberge des Restanques. À la
- Page 90 and 91: - C’est mieux, m’entendis-je r
- Page 92 and 93: - T’aurais dû me faire l’amour
- Page 94 and 95: devienne amis, mais j’aimais bien
- Page 96 and 97: orgueil. Quant à votre soi-disant
- Page 98 and 99: l’Astra spécial en poche. Je lui
- Page 100 and 101: 12 - Où l’on côtoie l’infinim
- Page 102 and 103: point. Ce qui est rare. Habituellem
- Page 104 and 105: plantai mes yeux dans ceux de Batis
- Page 106 and 107: - Mais pas Zucca, hein ?Il ne répo
- Page 108 and 109: Françoise. Il était obligé de pa
- Page 110 and 111: de-Mai restait identique à lui-mê
- Page 112 and 113: - Z’avez serré un dealer, paraî
- Page 114 and 115: « Crève-le ! » l’avait encoura
- Page 116 and 117: - Allo. Une voix d’homme, avec un
- Page 120 and 121: sûr que les parents de Karine, sur
- Page 122 and 123: Tanagra. L’un des truands abattu
- Page 124 and 125: le téléphone personnel de Pérol.
- Page 126 and 127: pourtant ça que j’avais envie de
- Page 128 and 129: ÉpilogueRien ne change, et c’est
- Page 130: Le monde se remettait en ordre. Nos