<strong>le</strong> téléphone personnel de Pérol. Au dos, une adresse. Cel<strong>le</strong> de Batisti. T’essaies dejoindre Pérol. Au bureau. Chez lui. N’importe où. Tu <strong>le</strong> trouves, Babette. Tu lui dis devenir à cette adresse. Vite. OK ?- Je vais avec toi.Je l’attrapai par <strong>le</strong>s épau<strong>le</strong>s et la secouai.- Pas question ! T’as pas à te mê<strong>le</strong>r de ça. Mais tu peux m’aider. Trouve-moiPérol. Ciao.El<strong>le</strong> me rattrapa par la veste.- Fabio !- T’inquiète. Je te paierai <strong>le</strong>s communications.Batisti habitait rue des Flots-B<strong>le</strong>us, au-dessus du pont de la Fausse-Monnaie,une villa qui surplombait Malmousque, la pointe de terre la plus avancée de la rade.Un des plus beaux quartiers de Marseil<strong>le</strong>. Les villas, construites sur la roche, avaientune vue magnifique, et tota<strong>le</strong>. De la Madrague de Montredon, sur la gauche, et bienaprès l’Estaque sur la droite. Devant, <strong>le</strong>s î<strong>le</strong>s d’Endoume, <strong>le</strong> Fortin, la Tour duCanoubier, <strong>le</strong> Château d’If et <strong>le</strong>s î<strong>le</strong>s du Frioul, Pomègues et Ratonneaux.Je roulai <strong>le</strong> pied au plancher, en écoutant un vieil enregistrement de DizzyGil<strong>le</strong>spie. J’arrivai place d’Aix quand il attaqua Manteca, un morceau que j’adorai.L’une des premières rencontres du jazz et de la salsa.Les rues étaient désertes. Je pris par <strong>le</strong> port, longeai <strong>le</strong> quai de Rive-Neuve oùquelques groupes de jeunes traînaient encore devant <strong>le</strong> Trol<strong>le</strong>ybus. J’eus une autrepensée pour Marie-Lou. Pour cette nuit passée à danser avec el<strong>le</strong>. Le plaisir que j’yavais pris m’avait ramené des années en arrière. À cette époque où tout était encoreprétexte à vivre de nuits blanches. J’avais dû vieillir un matin, en rentrant dormir. Et jene savais pas comment.Je me débattais dans une autre nuit blanche. Dans une vil<strong>le</strong> endormie, où,même devant <strong>le</strong> Vamping, ne traînait plus une seu<strong>le</strong> prostituée. J’allais jouer à larou<strong>le</strong>tte russe toute ma vie passée. Ma jeunesse et mes amitiés. Manu, Ugo. Toutes<strong>le</strong>s années qui suivirent. Les meil<strong>le</strong>ures et <strong>le</strong>s pires. Les derniers mois, <strong>le</strong>s derniersjours. Contre un avenir où je pourrais dormir en paix.L’enjeu n’était pas assez grand. Je ne pouvais affronter Batisti avec simp<strong>le</strong>mentdes rêves de pêcheur à la ligne. Il me restait quoi dans mon jeu ? Quatre dames.Babette pour l’amitié trouvée. Leila comme un rendez-vous manqué. Marie-Lou parune paro<strong>le</strong> donnée. Lo<strong>le</strong> perdue et attendue. Trèf<strong>le</strong>, pique, carreau, cœur. Va pourl’amour des femmes, me dis-je en me garant cent mètres avant la villa de Batisti.Il devait attendre un appel de Simone. Avec quelques inquiétudes, quandmême. Parce que après mon appel aux Restanques, il avait dû se décider très vite.Tous nous liquider d’un seul coup. Agir dans la précipitation, ce n’était pas son genreà Batisti. Il était calculateur, comme tous <strong>le</strong>s rancuniers. Il agissait froidement. Maisl’occasion était trop bel<strong>le</strong>. El<strong>le</strong> ne se reproduirait plus et il était proche du but qu’ils’était fixé, quand il avait enterré Tino.Je fis <strong>le</strong> tour de la villa. La gril<strong>le</strong> d’accès était fermée et il n’était pas question defaire sauter une tel<strong>le</strong> serrure. De plus, el<strong>le</strong> devait être reliée à un signal d’alarme. Jene me voyais pas sonner et dire : « Salut Batisti, c’est moi, Monta<strong>le</strong>. » Coincé. Puis jeme souvins que toutes ces bâtisses étaient accessib<strong>le</strong>s à pied, par d’anciens cheminsqui descendaient directement sur la mer. Ce quartier, avec Ugo et Manu, nousl’avions écumé dans <strong>le</strong>s moindres recoins. Je repris la voiture, me laissai descendre,sans mettre <strong>le</strong> moteur, jusqu’à la Corniche. J’embrayai, roulai cinq cents mètres et prisà gauche, par <strong>le</strong> vallon de la Baudil<strong>le</strong>. Je me garai et continuai à pied, par <strong>le</strong>sescaliers de la traverse Olivary.
J’étais exactement à l’est de la villa de Batisti. Devant <strong>le</strong> mur de clôture de sapropriété. Je <strong>le</strong> longeai et je trouvai ce que je cherchais. La vieil<strong>le</strong> porte en bois quidonnait sur <strong>le</strong> jardin. El<strong>le</strong> était recouverte de vigne vierge. El<strong>le</strong> n’avait plus dû servirdepuis des lustres. Il n’y avait plus de serrure, ni de c<strong>le</strong>nche. Je poussai la porte etentrai.Le rez-de-chaussée était éclairé. Je contournai la maison. Un vasistas étaitouvert. Je sautai, me rétablis et me glissai à l’intérieur. La sal<strong>le</strong> de bains. Je dégainaimon arme et m’engageai dans la maison. Dans un grand salon, Batisti était en shortet tricot de peau, assoupi devant l’écran télé. Une cassette vidéo. La GrandeVadrouil<strong>le</strong>. Il ronflait légèrement. Je m’approchai doucement et lui mis mon flingue surla tempe. Il sursauta.- Un revenant. Il écarquilla <strong>le</strong>s yeux, réalisa et pâlit. J’ai laissé <strong>le</strong>s autres auxRestanques. J’aime pas trop <strong>le</strong>s fêtes de famil<strong>le</strong>. Ni <strong>le</strong>s Saint-Va<strong>le</strong>ntin. Tu veux <strong>le</strong>sdétails ? Le nombre de cadavres, tout ça ?- Simone ? articula-t-il.- En p<strong>le</strong>ine forme. Très bel<strong>le</strong>, ta fil<strong>le</strong>. T’aurais pu me la présenter. J’aime bience genre de femme, moi aussi. Merde ! Tout pour Manu, rien pour ses petits copains.- Qu’est-ce que tu chantes ?Il se réveillait.- Tu bouges pas, Batisti. Mets tes mains dans <strong>le</strong>s poches du short, et bougepas. Je suis fatigué, je me contrô<strong>le</strong> plus très bien. Il obéit. Il réfléchissait. N’espèreplus rien. Tes deux Ritals sont morts aussi.« Par<strong>le</strong>-moi de Manu. C’est quand qu’il a rencontré Simone ?- Deux ans. Peut-être plus. Sa copine, je sais plus où el<strong>le</strong> était. En Espagne, jecrois. Je l’avais invité à manger la bouillabaisse, à l’Épuisette, au Vallon des Auffes.Simone s’était jointe à nous. Aux Restanques, c’était jour de fermeture. Ils ont bienaccroché, mais je me suis pas rendu compte. Pas tout de suite. Simone et Manu, moiça me déplaisait pas. Les frères Poli, c’est vrai, j’ai jamais pu <strong>le</strong>s encaisser. SurtoutÉmi<strong>le</strong>.« Puis la fil<strong>le</strong>, el<strong>le</strong> est revenue. J’ai cru que c’était terminé entre lui et Simone.Ça me soulageait. J’avais peur d’une engatse. Émi<strong>le</strong>, c’est un vio<strong>le</strong>nt. Je m’étaisgouré. Ils ont continué et…- Passe <strong>le</strong>s détails.- Un jour, j’ai dit à Simone : Manu y fait encore un boulot pour moi, et y secasse à Sévil<strong>le</strong>, avec sa copine. Ah ! el<strong>le</strong> a fait Simone, je savais pas. J’ai pigé quec’était pas fini entre tous <strong>le</strong>s deux. Mais c’était trop tard, j’avais gaffé.- El<strong>le</strong> l’a tué ? C’est ça ?- Il lui avait dit qu’ils partiraient ensemb<strong>le</strong>. Au Costa-Rica, ou quelque part parlà. Ugo lui avait dit que c’était chouette, comme pays.- El<strong>le</strong> l’a tué ? C’est ça ? répétai-je. Dis-<strong>le</strong> ! Nom de Dieu de merde !- Ouais.Je lui tirai une claque. Une que je ruminais depuis longtemps. Et puis unedeuxième, une troisième. En p<strong>le</strong>urant. Parce que je savais, je ne pourrais pas appuyersur la gâchette. Ni même l’étrang<strong>le</strong>r. J’étais sans haine. Que du dégoût. Rien quedégoût. Est-ce que je pouvais en vouloir à Simone d’être aussi bel<strong>le</strong> que Lo<strong>le</strong> ? Est-ceque je pouvais en vouloir à Manu d’avoir baisé <strong>le</strong> fantôme d’un amour ? Est-ce que jepouvais en vouloir à Ugo d’avoir brisé <strong>le</strong> cœur de Lo<strong>le</strong> ?J’avais posé mon arme et je m’étais jeté sur Batisti. Je l’avais sou<strong>le</strong>vé etcontinuais de lui tirer des claques. Ce n’était plus qu’un mollusque. Je <strong>le</strong> lâchai et ils’affala sur <strong>le</strong> sol, à quatre pattes. Il me jeta un regard de chien. Peureux.- Tu mérites même pas une bal<strong>le</strong> dans la tête, je dis, pensant que c’était
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Total KheopsTome 1 - Saga Fabio Mon
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« Il n’y a pas de vérité, il n
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chassé le rêve. Elle le regarda a
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- Je suis l’ami de Manu.- Salut,
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Laurent.- T’es con ou quoi ! C’
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2 - Où même sans solution, parier
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que je trouve ?Il se dégagea vivem
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- Au revoir, monsieur Varounian, r
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qu’un flic pouvait déborder la l
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Je vous rappelle encore avant de vi
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alla directement dans la salle de b
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- Les autres.- Quels autres ?- Ben,
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- Leila, tu vois, elle l’a eue ce
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ne l’imaginais pas aussi machiav
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posa deux balles, parallèlement au
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indifférence. Comme absent au mond
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surveillait. Il ramassait plus tard
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Je l’attirai vers moi. Elle avait
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Il tenait un gobelet d’une main.
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Voilà, ce que j’en pense.- J’s
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