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ien huilée, j’avais fait revenir de l’oignon émincé, de l’ail et du piment finementhaché. Une cuil<strong>le</strong>rée à soupe de vinaigre, puis j’avais ajouté des tomates que j’avaisplongées dans l’eau bouillante et coupées en petits cubes. Lorsque l’eau s’étaitévaporée, j’avais ajouté <strong>le</strong> fenouil.Je m’apaisais, enfin. La cuisine avait cet effet sur moi. L’esprit ne se perdaitplus dans <strong>le</strong>s méandres comp<strong>le</strong>xes des pensées. Il se mettait au service des odeurs,du goût. Du plaisir.Babette arriva avec Last night blues, au moment où je me servais un troisièmepastis. El<strong>le</strong> portait des jeans noirs très moulants, un polo d’un b<strong>le</strong>u assorti à ses yeux.Sur ses cheveux longs et frisés, une casquette de toi<strong>le</strong> blanche. Nous étionssensib<strong>le</strong>ment du même âge, mais el<strong>le</strong> n’avait pas l’air de vieillir. La moindre petite rideau coin des yeux, ou à la commissure des lèvres, ajoutait à son pouvoir de séduction.El<strong>le</strong> <strong>le</strong> savait et el<strong>le</strong> en jouait habi<strong>le</strong>ment. Cela ne me laissait jamais insensib<strong>le</strong>. El<strong>le</strong>alla renif<strong>le</strong>r au-dessus de la poê<strong>le</strong>, puis m’offrit ses lèvres.- Salut matelot, dit-el<strong>le</strong>. Hum, j’en prendrais bien un, de pastis.Sur la terrasse, j’avais préparé une bonne braise. Honorine apporta <strong>le</strong>s languesde morue. El<strong>le</strong>s marinaient dans une terrine avec de l’hui<strong>le</strong>, du persil haché et dupoivre. Selon ses indications, j’avais préparé une pâte à beignets à laquel<strong>le</strong> j’avaisincorporé deux blancs d’œuf montés en neige.- Vé ! Al<strong>le</strong>z boire <strong>le</strong> pastis, tranquil<strong>le</strong>s. Je m’en occupe du reste.Les langues de morue, nous expliqua-t-el<strong>le</strong> à tab<strong>le</strong>, c’était un plat délicat. Onpouvait <strong>le</strong>s faire au gratin, avec une sauce aux clovisses ou à la provença<strong>le</strong>, enpapillote ou même cuites au vin blanc avec quelques lamel<strong>le</strong>s de truffes et deschampignons. Mais en beignets, selon el<strong>le</strong>, c’était ça <strong>le</strong> mieux. Babette et moi étionsprêts à goûter <strong>le</strong>s autres recettes, tant c’était délicieux.- Et maintenant, j’ai droit au petit sucre d’orge ? dit Babette, en passant salangue sur ses lèvres.- Tu crois pas qu’on a passé l’âge ?- Y a pas d’âge pour <strong>le</strong>s gâteries, mon chou !J’avais envie de réfléchir à tout ce qu’el<strong>le</strong> venait de me raconter sur <strong>le</strong> Milieu.Une sacrée <strong>le</strong>çon. Et à Batisti. Ça me brûlait d’al<strong>le</strong>r <strong>le</strong> voir. Mais ça pouvait attendrejusqu’à demain. On était dimanche, et pour moi ce n’était pas tous <strong>le</strong>s jours dimanche.Babette dut lire dans mes pensées.- Cool, Fabio. Laisse al<strong>le</strong>r, c’est dimanche. El<strong>le</strong> se <strong>le</strong>va, me prit la main. On vase baigner ? Ça apaisera tes ardeurs !On nagea à se faire éclater <strong>le</strong>s poumons. J’aimais ça. El<strong>le</strong> aussi. El<strong>le</strong> avaitvoulu que je sorte <strong>le</strong> bateau et qu’on ail<strong>le</strong> au large de la Baie des Singes. J’avais dûrésister. C’était une règ<strong>le</strong>, sur <strong>le</strong> bateau je n’emmenais personne. C’était mon î<strong>le</strong>. El<strong>le</strong>avait gueulé, m’avait traité de connard, de pauvre mec, puis s’était jetée à l’eau. El<strong>le</strong>était fraîche à souhait. À bout de souff<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s bras un peu cassés, on se laissa flotteren faisant la planche.- Qu’est-ce que tu veux, avec Ugo ?- Comprendre. Après je verrai.Pour la première fois, j’envisageai que comprendre ne me suffirait peut-êtrepas. Comprendre est une porte qu’on ouvre, mais on sait rarement ce qu’il y aderrière.- Fais gaffe où tu mets <strong>le</strong>s pieds.Et el<strong>le</strong> plongea. Direction chez moi.Il était tard. Et Babette était restée. Nous étions allés chercher une pizza auxsupions, chez Louisette. On la mangea sur la terrasse, en buvant un côtes de

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