de-Mai restait identique à lui-même. On continuait d’y vivre comme avant. Loin ducentre qui, pourtant, n’était qu’à quelques minutes. L’esprit village régnait. Comme àVauban, la Blancarde, <strong>le</strong> Rouet ou la Cape<strong>le</strong>tte, où j’avais grandi.Gamins, nous venions souvent à la Bel<strong>le</strong> de Mai. Pour nous battre. À causedes fil<strong>le</strong>s, souvent. Presque toujours. Il y avait toujours une bagarre dans l’air. Et unstade ou un terrain vague pour se foutre sur la gueu<strong>le</strong>. Vauban contre la Blancarde.La Cape<strong>le</strong>tte contre la Bel<strong>le</strong>-de-Mai. Le Panier contre <strong>le</strong> Rouet. Après un bal, une fêtepopulaire, une kermesse, ou à la sortie du ciné. Ce n’était pas West side story.Latinos contre Ricains. Chaque bande avait sa part d’italiens, d’Espagnols,d’Arméniens, de Portugais, d’Arabes, d’Africains, de Viets. On se battait pour <strong>le</strong>sourire des fil<strong>le</strong>s, pas pour la cou<strong>le</strong>ur des peaux. Ça créait des amitiés, pas deshaines.Un jour, derrière <strong>le</strong> stade Vallier, je me fis sa<strong>le</strong>ment cogner par un Rital. J’avais« méchamment » regardé sa sœur à la sortie de l’Alambra, une sal<strong>le</strong> de danse, à laBlancarde. Ugo y avait repéré quelques petites, et ça nous changeait des salonsMichel. On découvrit après que nos pères étaient de villages voisins. Le mien deCastel San Giorgio, <strong>le</strong> sien de Piovene. On partit boire une bière. Une semaine après,il me présenta sa sœur, Ophélia. On était « paese », c’était différent. « Si t’arrives à latenir, chapeau ! C’est rien qu’une allumeuse. » Ophélia, c’était pire. Une salope. C’estel<strong>le</strong> que Mavros avait épousée. Et <strong>le</strong> pauvre vieux, il en avait sacrément bavé.J’avais perdu la notion du temps. Je garai ma bagno<strong>le</strong> presque devantl’immeub<strong>le</strong> de Toni. Sa Golf était stationnée cinquante mètres plus haut. Je fumai desclopes en écoutant Buddy Guy. Damn right, He’s got the blues. Un truc fabu<strong>le</strong>ux. MarcKnopf<strong>le</strong>r, Eric Clapton et Jeff Beck l’accompagnaient. J’hésitais encore à rendre visiteà Toni. Il habitait au second, et il y avait de la lumière chez lui. Je me demandai s’ilétait seul ou pas.Parce que moi, j’étais seul. Pérol avait filé sur Bassens. Une baston sepréparait. Entre <strong>le</strong>s gamins du quartier et <strong>le</strong>s potes à Mourrabed. Une bande craignosavait débarqué, provoquant ceux de la cité. Ils avaient laissé <strong>le</strong>s flics embarquerMourrabed. On <strong>le</strong>s avait montés, c’était évident. Le grand black s’était déjà pris unetrempe. Ils l’avaient coincé à cinq sur <strong>le</strong> parking. Ceux de Bassens, ils n’entendaientpas laisser piétiner <strong>le</strong>ur territoire. Surtout pas par des dea<strong>le</strong>rs. On affûtait <strong>le</strong>scouteaux.Seul, Cerutti ne ferait pas <strong>le</strong> poids. Même avec l’aide de Reiver, qui avaitrappliqué aussitôt, prêt à reprendre du service de nuit après son service de jour. Pérolavait rameuté <strong>le</strong>s équipes. Il fallait agir vite. Interpel<strong>le</strong>r quelques dea<strong>le</strong>rs, sousprétexte que Mourrabed <strong>le</strong>s avait donnés. Faire circu<strong>le</strong>r la rumeur qu’il était undonneur. Cela devait calmer <strong>le</strong>s ardeurs. On voulait éviter que <strong>le</strong>s gamins de Bassensse cognent avec <strong>le</strong>s petits salauds.« Va manger, souff<strong>le</strong> un peu et fais pas de connerie, m’avait dit Pérol. Attendsmoipour ça. » Je ne lui avais rien dit de mes intentions de la soirée. Je n’en savaisd’ail<strong>le</strong>urs encore rien. Je sentais juste qu’il fallait que je bouge. J’avais lancé desmenaces. Je ne pouvais plus rester dans la position de la bête traquée. Je devais <strong>le</strong>sobliger à se montrer. À faire une connerie. J’avais dit à Pérol qu’on se retrouveraitplus tard et qu’ensemb<strong>le</strong> on mettrait au point un plan. Il m’avait proposé de venirdormir chez lui, il y avait trop de risque à retourner aux Goudes. Et ça, je <strong>le</strong> croyais.- Tu sais, Fabio., avait-il dit après m’avoir écouté, sûr que je ressens pas <strong>le</strong>schoses comme toi. Tes amis, je <strong>le</strong>s ai pas connus et Leila, tu me l’as jamaisprésentée. Mais je comprends où t’en es. Je sais que pour toi, c’est pas qu’unequestion de vengeance. C’est juste ce sentiment qu’il y a des choses qu’on peut paslaisser passer. Parce que après, sinon, tu peux plus te regarder dans la glace.
Pérol parlait peu, mais là il s’y mettait, et il pouvait y en avoir pour des plombes.- Te bi<strong>le</strong> pas, Gérard !- C’est pas ça. Je vais te dire. C’est du gros que t’as <strong>le</strong>vé. Tu peux pas cognerseul. T’en sortir comme ça. Je suis avec toi. Je vais pas te laisser tomber.- Je sais que t’es un ami. Quoi que tu fasses. Mais je te demande rien, Gérard.Tu connais l’expression ? Au-delà de cette limite, votre ticket n’est plus valab<strong>le</strong>. J’ensuis là. Et je veux pas t’y entraîner. C’est dangereux. On sera amené à faire deschoses pas propres, je crois. Certainement même. T’as une femme, une gamine.Pense à el<strong>le</strong>s, et oublie-moi.J’ouvris la portière. Il me retint par <strong>le</strong> bras.- Impossib<strong>le</strong>, Fabio. Demain, si on te retrouve mort, je sais pas ce que je ferai.Pire peut-être.- Je vais te dire ce que tu feras. Un autre môme. Avec la femme que tu aimes.Avec tes gosses, je suis sûr qu’il y a un avenir sur cette terre.- T’es rien qu’un connard !Il m’avait fait promettre de l’attendre. Ou de <strong>le</strong> joindre, si je bougeais. J’avaispromis. Et il était parti, rassuré, vers Bassens. Il ignorait que je ne serais pas deparo<strong>le</strong>. Et merde ! J’écrasai ma troisième clope et sortis de la voiture.- Qui est-ce ?Une voix de femme. De jeune femme. Inquiète. J’avais entendu des rires. Puis<strong>le</strong> si<strong>le</strong>nce.- Monta<strong>le</strong>. Fabio Monta<strong>le</strong>. Je voudrais voir Toni.La porte s’entrebâilla. J’avais encore dû changer de chaîne ! Karine fut aussiétonnée que moi. Nous étions face à face sans pouvoir nous dire un mot. J’entrai.Une forte odeur de shit m’arriva dans <strong>le</strong> nez.- C’est qui ? j’entendis demander du fond du couloir.La voix de Kader.- Entrez, me dit Karine. Comment vous savez que j’habite là ?- Je venais voir Pirelli. Toni.- Mon frère ! Ça fait des sièc<strong>le</strong>s qu’il est plus ici.La réponse ! Enfin, je l’avais. Mais ça ne m’expliquait rien. Leila et Toni, jen’arrivais toujours pas à y croire. Ils étaient tous là. Kader, Yasmine, Driss. Autour dela tab<strong>le</strong>. Comme des conspirateurs.- Allah est grand, dis-je en désignant la bouteil<strong>le</strong> de whisky devant eux.- Et Chivas est son prophète, répliqua Kader en s’emparant de la bouteil<strong>le</strong>. Tutrinques avec nous ?Ils devaient avoir pas mal bu. Pas mal fumé aussi. Mais je n’avais pasl’impression qu’ils s’éclataient. Au contraire.- J’savais pas que tu <strong>le</strong> connaissais, Toni, dit Karine.- On se connaît comme ça. Tu vois, j’ignorais même qu’il avait déménagé.- Ça fait un bail alors, que tu l’as pas vu…- Je passai par-là, j’ai vu de la lumière, je suis monté. Tu sais, <strong>le</strong>s vieuxcopains.Leurs yeux étaient braqués sur moi. Toni et moi, ça ne devait pas vraimentcol<strong>le</strong>r dans <strong>le</strong>ur tête. Il était trop tard pour que je change d’attitude. Ils gambergeaientà toute pompe.- V’lui vouliez quoi ? demanda Driss.- Un service. Un service à lui demander. Mais bon, dis-je en vidant mon verre,je vais pas vous ennuyer plus longtemps.- Tu nous ennuies pas, affirma Kader.- Ma journée a été longue.
- Page 2 and 3:
Total KheopsTome 1 - Saga Fabio Mon
- Page 4 and 5:
« Il n’y a pas de vérité, il n
- Page 6 and 7:
chassé le rêve. Elle le regarda a
- Page 8 and 9:
- Je suis l’ami de Manu.- Salut,
- Page 10 and 11:
Il avait pris le bus, le 55, jusqu
- Page 12 and 13:
Change d’identité, le plus vite
- Page 14 and 15:
1 - Où même pour perdre il faut s
- Page 16 and 17:
qui avaient transité une journée
- Page 18 and 19:
assis sur les rochers, silencieux,
- Page 20 and 21:
Laurent.- T’es con ou quoi ! C’
- Page 22 and 23:
2 - Où même sans solution, parier
- Page 24 and 25:
que je trouve ?Il se dégagea vivem
- Page 26 and 27:
- Au revoir, monsieur Varounian, r
- Page 28 and 29:
ochettes aux cent épices, grillée
- Page 30 and 31:
3 - Où l’honneur des survivants,
- Page 32 and 33:
qu’un flic pouvait déborder la l
- Page 34 and 35:
Je vous rappelle encore avant de vi
- Page 36 and 37:
échangé six ou sept phrases. Auss
- Page 38 and 39:
4 - Où un cognac n’est pas ce qu
- Page 40 and 41:
Une succession de commerces, de res
- Page 42 and 43:
alla directement dans la salle de b
- Page 44 and 45:
- Les autres.- Quels autres ?- Ben,
- Page 46 and 47:
5 - Où dans le malheur, l’on dé
- Page 48 and 49:
- Leila, tu vois, elle l’a eue ce
- Page 50 and 51:
ne l’imaginais pas aussi machiav
- Page 52 and 53:
ien huilée, j’avais fait revenir
- Page 54 and 55:
6 - Où les aubes ne sont que l’i
- Page 56 and 57:
posa deux balles, parallèlement au
- Page 58 and 59:
indifférence. Comme absent au mond
- Page 60 and 61: surveillait. Il ramassait plus tard
- Page 62 and 63: 7 - Où il est préférable d’exp
- Page 64 and 65: Je l’attirai vers moi. Elle avait
- Page 66 and 67: Il tenait un gobelet d’une main.
- Page 68 and 69: aujourd’hui ceinturé, dominé pa
- Page 70 and 71: 8 - Où ne pas dormir ne résout pa
- Page 72 and 73: Voilà, ce que j’en pense.- J’s
- Page 74 and 75: Tunisie, et on le revendait le doub
- Page 76 and 77: coincés, ils avaient démissionné
- Page 78 and 79: 9 - Où l’insécurité ôte toute
- Page 80 and 81: grand sourire. Un sourire carnassie
- Page 82 and 83: keufs. Mes potes, y les ont chouff
- Page 84 and 85: était partie.- Je vous dérange pa
- Page 86 and 87: - Elle a rien dit du tout. C’est
- Page 88 and 89: - L’auberge des Restanques. À la
- Page 90 and 91: - C’est mieux, m’entendis-je r
- Page 92 and 93: - T’aurais dû me faire l’amour
- Page 94 and 95: devienne amis, mais j’aimais bien
- Page 96 and 97: orgueil. Quant à votre soi-disant
- Page 98 and 99: l’Astra spécial en poche. Je lui
- Page 100 and 101: 12 - Où l’on côtoie l’infinim
- Page 102 and 103: point. Ce qui est rare. Habituellem
- Page 104 and 105: plantai mes yeux dans ceux de Batis
- Page 106 and 107: - Mais pas Zucca, hein ?Il ne répo
- Page 108 and 109: Françoise. Il était obligé de pa
- Page 112 and 113: - Z’avez serré un dealer, paraî
- Page 114 and 115: « Crève-le ! » l’avait encoura
- Page 116 and 117: - Allo. Une voix d’homme, avec un
- Page 118 and 119: C’est ça qu’ils avaient dû lu
- Page 120 and 121: sûr que les parents de Karine, sur
- Page 122 and 123: Tanagra. L’un des truands abattu
- Page 124 and 125: le téléphone personnel de Pérol.
- Page 126 and 127: pourtant ça que j’avais envie de
- Page 128 and 129: ÉpilogueRien ne change, et c’est
- Page 130: Le monde se remettait en ordre. Nos