- Mais pas Zucca, hein ?Il ne répondit pas. Je n’en tirerais plus rien. J’avais touché un point sensib<strong>le</strong>. Jeme <strong>le</strong>vai.- T’es encore en train de me la refaire, Batisti. Il gardait la tête baissée. Je mepenchai vers lui : Je vais continuer. Fouiner. Jusqu’à ce que je sache. Tout. Vous ypasserez tous. Simone avec.Cela me faisait un bien fou de menacer à mon tour. Ils ne m’avaient pas laissé<strong>le</strong> choix des armes. Il me regarda enfin. Un sourire méchant sur <strong>le</strong>s lèvres.- T’es taré, dit-il.- Si tu veux me faire plomber, grouil<strong>le</strong>-toi. Pour moi, t’es un homme mort,Batisti. Et ça me plaît, cette idée. Parce que t’es qu’une ordure.Je laissai Batisti devant son verre d’orgeat.Dehors, je pris <strong>le</strong> so<strong>le</strong>il en p<strong>le</strong>ine gueu<strong>le</strong>. L’impression de revenir à la vie. Lavraie vie. Où <strong>le</strong> bonheur est une accumulation de petits riens insignifiants. Un rayonde so<strong>le</strong>il, un sourire, du linge qui sèche à une fenêtre, un gamin faisant un drib<strong>le</strong> avecune boîte de conserve, un air de Vincent Scotto, un léger coup de vent sous la juped’une femme…
13 - Où il y a des choses qu’on ne peut pas laisser passer.Je restai immobi<strong>le</strong> quelques secondes, devant chez Félix. Les yeux aveug<strong>le</strong>sde so<strong>le</strong>il. On aurait pu me tuer là, et j’aurais tout pardonné à tous. Mais personne nem’attendait au coin de la rue. Le rendez-vous était ail<strong>le</strong>urs, que je n’avais pas fixé,mais vers <strong>le</strong>quel j’allais.Je remontai la rue Caisserie et coupai par la place de Lenche. En passantdevant <strong>le</strong> bar Le Montmartre, je ne pus m’empêcher de sourire. Chaque fois jesouriais. C’était tel<strong>le</strong>ment déplacé, ici, Le Montmartre. Je pris la rue Sainte-Françoiseet entrai au Treize-Coins, chez Ange. Je lui désignai la bouteil<strong>le</strong> de cognac. Je bus culsec. Il était resté planté devant moi, la bouteil<strong>le</strong> à la main. Je lui fis signe de meresservir et vidai un second verre tout aussi sec.- Ça va ? demanda-t-il, un peu inquiet.- À merveil<strong>le</strong> ! Jamais été aussi bien !Et je lui tendis mon verre. Je <strong>le</strong> pris et allai m’asseoir en terrasse, à côté d’unetab<strong>le</strong> d’Arabes.- Mais on est français, con. On est né ici. L’Algérie, moi, j’connais pas.- T’es français, toi. On est <strong>le</strong>s moins français de tous <strong>le</strong>s Français. Voilà cequ’on est.- Si <strong>le</strong>s Français y veu<strong>le</strong>nt plus de toi, tu fous quoi ? T’attends qu’y te flinguent.Moi, je me casse.- Ah oui ! Tu vas où, eh con ! Arrête de délirer.- Moi, je m’en tape. Je suis marseillais. J’y reste. Point. Et si on m’cherche y metrouveront.Ils étaient de Marseil<strong>le</strong>. Marseillais avant d’être arabes. Avec la mêmeconviction que nos parents. Comme nous l’étions Ugo, Manu et moi à quinze ans. Unjour, Ugo avait demandé : « Chez moi, chez Fabio, on par<strong>le</strong> napolitain. Chez toi, onpar<strong>le</strong> espagnol. En classe, on apprend <strong>le</strong> français. Mais on est quoi, dans <strong>le</strong> fond ? »- Des Arabes, avait répondu Manu.Nous avions éclaté de rire. Et ils étaient là, à <strong>le</strong>ur tour. À revivre notre misère.Dans <strong>le</strong>s maisons de nos parents. À prendre ça pour paradis comptant et à prier pourque ça dure. Mon père m’avait dit : « Oublie pas. Quand je suis arrivé ici, <strong>le</strong> matin,avec mes frères, on savait pas si on aurait à manger à midi, et on mangeait quandmême. » C’était ça, l’histoire de Marseil<strong>le</strong>. Son éternité. Une utopie. L’unique utopiedu monde. Un lieu où n’importe qui, de n’importe quel<strong>le</strong> cou<strong>le</strong>ur, pouvait descendred’un bateau, ou d’un train, sa valise à la main, sans un sou en poche, et se fondredans <strong>le</strong> flot des autres hommes. Une vil<strong>le</strong> où, à peine <strong>le</strong> pied posé sur <strong>le</strong> sol, cethomme pouvait dire : « C’est ici. Je suis chez moi. »Marseil<strong>le</strong> appartient à ceux qui y vivent.Ange, un pastis à la main, vint s’asseoir à ma tab<strong>le</strong>.- T’inquiète, je lui dis. Tout va s’arranger. Y a toujours une solution.- Pérol, ça fait bien deux heures qu’y te cherche.- Où t’es ! Nom de Dieu de merde ! hurla Pérol.- Chez Ange. Rapplique. Avec la tire.Je raccrochai. J’avalai vite fait un troisième cognac. Je me sentais vachementmieux.J’attendis Pérol, rue de l’Évêché, en bas des marches du passage Sainte-
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« Il n’y a pas de vérité, il n
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- Je suis l’ami de Manu.- Salut,
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assis sur les rochers, silencieux,
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Laurent.- T’es con ou quoi ! C’
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- Au revoir, monsieur Varounian, r
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ochettes aux cent épices, grillée
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Je vous rappelle encore avant de vi
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échangé six ou sept phrases. Auss
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Une succession de commerces, de res
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alla directement dans la salle de b
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- Les autres.- Quels autres ?- Ben,
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ne l’imaginais pas aussi machiav
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