point. Ce qui est rare. Habituel<strong>le</strong>ment, el<strong>le</strong> trempe trop, en deux eaux seu<strong>le</strong>ment.Plusieurs eaux étaient préférab<strong>le</strong>s. Une fois huit heures, puis trois fois deux heures. Ilconvenait aussi de la pocher à l’eau frémissante, avec du fenouil et des grains depoivre. Cé<strong>le</strong>ste avait aussi son hui<strong>le</strong> d’olive pour « monter » l’aïoli. Du moulin Rossi, àMouriès. El<strong>le</strong> en employait d’autres pour la cuisine ou <strong>le</strong>s salades. Des hui<strong>le</strong>s deJacques Bar<strong>le</strong>s d’Éguil<strong>le</strong>s, d’Henri Bellon de Fontvieil<strong>le</strong>, de Margier-Aubert d’Auriol.Ses salades livraient toujours un goût différent.Chez Félix, Manu jouait à cache-cache avec moi. Il évitait de m’y rencontrerdepuis que je l’avais traité de tocard. Il s’était d’ail<strong>le</strong>urs empressé de se dégager del’affaire. Quinze jours avant qu’il ne se fasse descendre, il vint s’asseoir en face demoi. Un vendredi, jour d’aïoli. On s’envoya quelques tournées de pastis, puis du roséde Saint-Cannat. Deux bouteil<strong>le</strong>s. Nous nous retrouvions sur nos vieil<strong>le</strong>s routes. Sansrancune, rien que des rancœurs.- Où on est, tous <strong>le</strong>s trois, on reviendra plus.- On peut toujours reconnaître <strong>le</strong>s conneries.- Tu fais chier ! Trop tard, Fabio. On a trop attendu. On s’est enfoncé. On y estjusqu’au cou.- Par<strong>le</strong> pour toi ! Il me regarda. Il n’y avait pas de lueur mauvaise dans sesyeux. Juste de l’ironie, un peu lasse. Je ne pouvais soutenir son regard. Parce qu’ilétait dans <strong>le</strong> vrai. Ce que j’étais devenu, ce n’était guère mieux. OK, je dis. On y estjusqu’au cou.On trinqua, en achevant la seconde bouteil<strong>le</strong>.- J’ai promis une chose. À Lo<strong>le</strong>. Y a longtemps. J’ai jamais pu. La couvrir defric. Et l’emmener d’ici. À Sévil<strong>le</strong>, ou quelque part par là. Je vais <strong>le</strong> faire. Je suis sur <strong>le</strong>bon coup. Pour une fois.- Le fric, ça fait pas tout. Lo<strong>le</strong>, c’est l’amour…- Laisse tomber ! El<strong>le</strong> a attendu Ugo. Moi je l’ai attendue. Le temps a brouillé<strong>le</strong>s cartes. Ou donné raison à… Il haussa <strong>le</strong>s épau<strong>le</strong>s. Je sais pas. Lo<strong>le</strong> et moi, ça fait,quoi, dix ans, qu’on se traîne à s’aimer, sans passion. Ugo, el<strong>le</strong> l’a aimé. Toi aussi.- Moi ?- Si tu t’étais pas taillé comme une gonzesse, el<strong>le</strong> serait venue vers toi. Un jourou l’autre. Avec ou sans Ugo. T’es <strong>le</strong> plus solide. Et t’as du cœur.- Aujourd’hui, peut-être.- T’en as toujours eu. De nous tous, t’as <strong>le</strong> plus souffert. À cause de ça. Ducœur. S’il m’arrive un pépin, prends soin d’el<strong>le</strong>. Il se <strong>le</strong>va. Nous deux, je crois pasqu’on se revoie. On a fait <strong>le</strong> tour du vide. Et y a plus rien à dire.Il était parti très vite. En me laissant l’addition.Je pris une pression, Batisti un verre d’orgeat.- T’aimes <strong>le</strong>s putes, j’ai appris. Ça plaît pas trop, ça. Les flics qui vont auxputes. On te l’a fait savoir. Point.- T’es qu’un empaffé, Batisti. Le cogneur, je l’ai coincé, y a pas plus tard qu’uneheure. Celui qui l’a envoyé, Farge, il est dans mon bureau depuis ce matin. Et croismoi,on discute pas des putes. Mais drogue. Et détention d’armes. Dans unappartement qu’il louait cité Bassens.- Ah ! dit-il laconique.Il devait savoir, déjà. Pour Farge. Mourrabed. Ma rencontre avec Toni. Ilattendait que j’en dise plus. Encore une fois, il était là pour ça. Pour me tirer <strong>le</strong>s versdu nez. Je <strong>le</strong> savais. Et je savais aussi où je voulais l’emmener. Mais je ne voulais pasabattre toutes mes cartes. Pas tout de suite.- Pourquoi ils te fi<strong>le</strong>nt <strong>le</strong> train, <strong>le</strong>s Ritals ?
- Je sais pas.- Écoute, Batisti, on va pas tourner autour du pot cent sept ans. Je t’ai pasvraiment à la bonne. Si tu me racontes, je gagnerai du temps.- Tu vas gagner de te faire plomber.- J’y penserai plus tard.Manu était au centre de tout ce merdier. Après sa mort, j’avais interrogéquelques indics. Posé des questions ici et là dans <strong>le</strong>s différentes brigades. Rien.J’avais trouvé ça étonnant. Que personne n’ait eu <strong>le</strong> moindre écho d’un contrat lancécontre Manu. J’en avais déduit qu’il s’était fait descendre par un petit voyou. Pour unevieil<strong>le</strong> entourloupe. Ou un truc de ce genre. Un hasard à la con. Je m’étais satisfait deça. Jusqu’à aujourd’hui midi.- Le boulot, chez Brunel, l’avocat, Manu, il l’a fait. Proprement. Comme il savaitfaire, je suppose. Même mieux. Vu qu’il risquait pas d’être emmerdé. Ce soir-là, vousbouffiez tous ensemb<strong>le</strong>. Aux Restanques. Manu, il a pas eu <strong>le</strong> temps de se fairepayer. Deux jours après, il était mort.En tapant mon rapport, j’avais recollé <strong>le</strong>s morceaux de l’histoire. Lesévénements. Mais pas toujours <strong>le</strong>ur sens. J’avais questionné Lo<strong>le</strong> sur <strong>le</strong> fameux coupdont Manu m’avait parlé. Il se confiait peu. Mais, pour une fois, tout s’était bien passé,lui avait-il confié. La vraie bonne affaire. Il allait enfin palper gros. Ils avaient fait unevirée au champagne, cette nuit-là. Pour fêter ça. Le boulot, un jeu d’enfant. Percer <strong>le</strong>coffre d’un avocat du bou<strong>le</strong>vard Longchamp, et raf<strong>le</strong>r tous <strong>le</strong>s documents qui s’ytrouvaient. L’avocat, c’était Éric Brunel. L’homme de confiance de Zucca.Babette m’avait donné l’info quand je lui avais téléphoné, après avoir bouclémon rapport. Nous étions convenus de nous rappe<strong>le</strong>r avant mon rendez-vous avecBatisti. Brunel devait doub<strong>le</strong>r Zucca, et <strong>le</strong> vieux avait dû s’en douter. Il avait envoyéManu faire <strong>le</strong> ménage. Ou quelque chose comme ça. Zucca et <strong>le</strong>s frères Poli, cen’était pas la même planète. Ni la même famil<strong>le</strong>. Il y avait trop d’argent en jeu. Zuccane pouvait pas se permettre de se faire doub<strong>le</strong>r.À Nap<strong>le</strong>s, selon un correspondant romain de Babette, la mort de Zucca, ilsn’avaient pas apprécié. Ils s’en remettraient, bien sûr. Comme toujours. Mais celamettait un frein à de grosses affaires en cours. Zucca était, semblait-il, en passe detraiter avec deux grosses entreprises françaises. Le blanchiment de l’argent de ladrogue participait à la nécessaire relance économique. Patrons et politiciens enétaient convaincus.Je déballai mes infos à Batisti, pour essayer de surprendre ses réactions. Unsi<strong>le</strong>nce, un sourire, un mot. Tout serait bon pour piger <strong>le</strong>s choses. Je n’arrivais pasencore à comprendre <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> de Batisti. Ni où il se situait. Babette <strong>le</strong> croyait plus lié àZucca qu’aux frères Poli. Mais il y avait Simone. Seu<strong>le</strong> certitude, il avait branché Ugosur Zucca. Ce fil-là, je ne <strong>le</strong> lâcherai pas. Le fil conducteur. D’Ugo à Manu. Et, quelquepart par là, Leila se débattait dans l’ignob<strong>le</strong>. Je ne pouvais toujours pas penser à el<strong>le</strong>sans revoir son corps couvert de fourmis. Même son sourire, <strong>le</strong>s fourmis l’avaientbouffé.- T’es bien rencardé, dit Batisti sans cil<strong>le</strong>r.- J’ai que ça à faire ! Je suis qu’un petit flic, comme tu sais. Tes potes, oun’importe qui, peuvent me rayer de la carte sans que ça fasse une vague. Et moi, j’airien qu’envie d’al<strong>le</strong>r à la pêche. Peinard. Sans qu’on me fasse chier. Et je suisvachement pressé d’y retourner, à la pêche !- Va à la pêche. Personne y viendra te chercher. Même si tu baises des putes.C’est ça que je t’ai dit l’autre jour.- Trop tard ! Je fais des cauchemars. Tu piges ça ? Rien qu’à penser que mesvieux amis se sont fait buter. Bon, c’était pas des saints… Je pris ma respiration et
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assis sur les rochers, silencieux,
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- Au revoir, monsieur Varounian, r
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ochettes aux cent épices, grillée
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échangé six ou sept phrases. Auss
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Une succession de commerces, de res
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alla directement dans la salle de b
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ne l’imaginais pas aussi machiav
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