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alla directement dans la sal<strong>le</strong> de bains. J’entendis l’eau cou<strong>le</strong>r. Je me servis unwhisky, puis j’allumai un feu dans la cheminée. El<strong>le</strong> ressortit vêtue d’un peignoir jaune.El<strong>le</strong> attrapa un verre et la bouteil<strong>le</strong> de whisky, puis el<strong>le</strong> tira un matelas mousse devantla cheminée et s’assit devant <strong>le</strong> feu.- Tu devrais prendre une douche, dit-el<strong>le</strong> sans se retourner. Te laver de la mort.Nous étions restés des heures à boire. Dans <strong>le</strong> noir. Sans par<strong>le</strong>r. À rajouter dubois dans <strong>le</strong> feu, et à mettre des disques. Paco de Lucia. Sabicas. Django. Puis BillieHolliday, l’intégra<strong>le</strong>. Lo<strong>le</strong> s’était blottie contre moi. Son corps était chaud. Et el<strong>le</strong>tremblait.On arrivait au bout de la nuit. À cette heure où <strong>le</strong>s démons dansent. Le feucrépitait. Le corps de Lo<strong>le</strong>, j’en rêvais depuis des années. Le plaisir au bout desdoigts. Ses cris me glacèrent <strong>le</strong> sang. Des milliers de couteaux me poignardant <strong>le</strong>corps. Je me retournai vers <strong>le</strong> feu. J’allumai deux cigarettes et lui en tendis une.- Ça va ? el<strong>le</strong> dit.- On ne peut plus mal. Et toi ?Je me <strong>le</strong>vai, en enfilant mon pantalon. Je sentis son regard sur moi pendantque je m’habillais. Un instant, je la vis sourire. Un sourire las. Mais pas triste.- C’est dégueulasse, je dis.El<strong>le</strong> se <strong>le</strong>va et s’approcha de moi. Nue, sans pudeur. Sa démarche était tendre.El<strong>le</strong> posa sa main sur ma poitrine. Ses doigts étaient brûlants. J’eus <strong>le</strong> sentimentqu’el<strong>le</strong> me marquait. Pour la vie.- Maintenant, qu’est-ce que tu vas faire ?Je n’avais pas de réponse à sa question. Je n’avais pas la réponse à saquestion.- Ce qu’un flic peut faire.- C’est tout ?- C’est tout ce que je peux faire.- Tu peux faire plus, quand tu veux. Comme me baiser.- Tu as fait ça pour ça ?Je ne vis pas arriver la claque. El<strong>le</strong> avait frappé de tout son cœur.- Je ne fais ni troc ni échange. Je ne fais pas de chantage. Je ne marchanderien. Je ne suis ni à prendre ni à laisser. Oui, tu peux <strong>le</strong> dire, c’est dégueulasse.El<strong>le</strong> ouvrit la porte. Ses yeux plantés dans <strong>le</strong>s miens. Je me sentis un pauvremec. Vraiment. J’avais honte de moi. J’eus une dernière vision de son corps. De sabeauté. Je sus tout ce que j’allais perdre quand la porte claquerait derrière moi.- Fous <strong>le</strong> camp d’ici !El<strong>le</strong> m’avait chassé, pour la seconde fois.J’étais assis sur <strong>le</strong> lit. Je feuil<strong>le</strong>tais un <strong>livre</strong> de Christian Dotremont qui était audessusd’autres <strong>livre</strong>s et brochures glissés sous <strong>le</strong> lit. Grand hôtel des valises. Je neconnaissais pas cet auteur.Lo<strong>le</strong> avait surligné au marqueur jaune des bouts de phrases, des poèmes.À ta fenêtre il m’arrive de ne pas frapperà ta voix de ne pas répondreà ton geste de ne pas bougerpour que nous n’ayons à fairequ’à la mer qui s’est bloquée.Je me sentis soudain intrus. Je reposai <strong>le</strong> <strong>livre</strong>, craintivement. Il fallait que jeparte. Je jetai un dernier regard à la chambre, puis au salon. Je n’arrivais pas à me

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