11.07.2015 Views

Lire le livre

Lire le livre

Lire le livre

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

faire une idée. Tout était parfaitement en ordre, <strong>le</strong>s cendriers propres, la cuisinerangée. Tout était là comme si Lo<strong>le</strong> allait revenir d’une minute à l’autre. Et tout étaitcomme si el<strong>le</strong> était partie pour toujours, enfin dé<strong>le</strong>stée de toute la nostalgie quiencombrait sa vie : <strong>livre</strong>s, photos, bibelots, disques. Mais où était Lo<strong>le</strong> ? Faute depouvoir répondre, j’arrosai <strong>le</strong> basilic et la menthe. Avec tendresse. Pour l’amour desodeurs. Et de Lo<strong>le</strong>.Trois c<strong>le</strong>fs étaient suspendues à un clou. Je <strong>le</strong>s essayai. Les c<strong>le</strong>fs de la porte,et de la boîte aux <strong>le</strong>ttres, sans doute. Je fermai, et <strong>le</strong>s mis dans ma poche.Je passai devant la Vieil<strong>le</strong> Charité, <strong>le</strong> chef-d’œuvre - inachevé - de PierrePuget. Le vieil hospice avait hébergé <strong>le</strong>s pestiférés du sièc<strong>le</strong> dernier, <strong>le</strong>s indigents dudébut du sièc<strong>le</strong>, puis tous ceux que <strong>le</strong>s Al<strong>le</strong>mands avaient chassés de chez eux aprèsl’ordre de destruction du quartier. Il en avait vu de la misère. Il était maintenantflambant neuf. Sublime dans ses lignes, que la pierre rose mettait en va<strong>le</strong>ur. Lesbâtiments accueillaient plusieurs musées, et la grande chapel<strong>le</strong> était devenue un lieud’exposition. Il y avait une librairie, et même un salon de thé-restaurant. Tout ce queMarseil<strong>le</strong> comptait d’intel<strong>le</strong>ctuels et d’artistes venait s’y montrer, presque aussirégulièrement que moi j’allais à la pêche.Il y avait une exposition César, ce génie marseillais qui a fait fortune en faisantdes compressions de tout et de n’importe quoi. Ça faisait rigo<strong>le</strong>r <strong>le</strong>s Marseillais. Moiça me faisait gerber. Les touristes affluaient. Par cars entiers. Italiens, Espagnols,Anglais, Al<strong>le</strong>mands. Et des Japonais, bien sûr. Autant d’insipidité et de mauvais goûtdans un lieu chargé d’histoires douloureuses me semblait être <strong>le</strong> symbo<strong>le</strong> de cette finde sièc<strong>le</strong>.Marseil<strong>le</strong> était gagnée par la connerie parisienne. El<strong>le</strong> se rêvait capita<strong>le</strong>.Capita<strong>le</strong> du Sud. Oubliant que ce qui la rendait capita<strong>le</strong>, c’est qu’el<strong>le</strong> était un port. Lecarrefour de tous <strong>le</strong>s brassages humains. Depuis des sièc<strong>le</strong>s. Depuis que Protis avaitposé <strong>le</strong> pied sur la grève. Et épousé la bel<strong>le</strong> Gyptis, princesse ligure.Djamel remontait la rue Rodillat. Il s’immobilisa. Surpris de tomber sur moi.Mais il ne pouvait plus rien faire d’autre que continuer dans ma direction. Espérantsans doute, mais sans y croire, que je ne <strong>le</strong> reconnaitrais pas.- Ça va, Djamel ?- Oui, m’sieur, lâcha-t-il du bout des lèvres.Il regarda à droite et à gauche. Je savais, c’était assez la honte que d’être vuen train de par<strong>le</strong>r à un pou<strong>le</strong>t. Je lui pris <strong>le</strong> bras.- Viens, je t’offre un verre.Du menton, je lui montrai <strong>le</strong> bar des Treize-Coins, un peu plus bas. Ma cantine.L’Hôtel de Police était à cinq cents mètres, en bas du passage des Treize-Coins, del’autre côté de la rue Sainte-Françoise. J’étais <strong>le</strong> seul flic à y venir. Les autres avaient<strong>le</strong>urs habitudes plus bas, rue de l’Évêché ou place des Trois-Cantons, selon <strong>le</strong>saffinités.Malgré la cha<strong>le</strong>ur, on s’installa à l’intérieur. À l’abri des regards. Ange, <strong>le</strong>patron, nous apporta deux demis.- Alors, la mob ? Tu l’as mise à l’abri ?- Oui, m’sieur. Comme vous m’l’avez dit. Il but une gorgée, me regarda à ladérobée. Écoute, m’sieur. Y m’ont déjà posé tout p<strong>le</strong>in de questions. Faut quej’recommence ?À mon tour d’être surpris.- Qui ça ?- T’es pas flic ?- Je t’ai posé une question ?

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!