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amants qu’el<strong>le</strong> eut, entre Ugo et Manu, el<strong>le</strong> <strong>le</strong>s choisit. Comme un homme. Par-là, el<strong>le</strong>était inaccessib<strong>le</strong>. Tendre la main vers el<strong>le</strong>, c’était comme vouloir étreindre unfantôme. Il ne restait au bout des doigts que de la poussière d’éternité, cette poussièrede la route d’un voyage sans fin. Je savais cela. Parce que j’avais croisé une fois saroute. Comme par accident.Zina m’avait indiqué où joindre Lo<strong>le</strong> à Madrid. Je l’avais appelée. Pour lui dire,pour Manu. Et puis de rentrer. Même si nous évitions de nous voir avec Manu, il y ades liens qui ne se rompent pas. Ceux de l’amitié. Plus forts, plus vrais que <strong>le</strong>s liensfamiliaux. Il me revenait d’annoncer à Lo<strong>le</strong> la mort de Manu. Je n’aurais laissé cettechose-là à personne. Surtout pas à un flic.J’étais allé la chercher à l’aéroport, puis je l’avais conduite à la morgue. Pour <strong>le</strong>voir. Une dernière fois. Manu, il n’avait plus que nous pour l’accompagner. Je veuxdire, qui l’aimions. Trois de ses frères vinrent au cimetière. Sans <strong>le</strong>ur femme, ni <strong>le</strong>ursenfants. Manu mort, c’était pour eux un soulagement. Ils avaient honte. Nous ne nousétions pas adressé la paro<strong>le</strong>.Après <strong>le</strong>ur départ, Lo<strong>le</strong> et moi étions restés devant la tombe. Sans larmes. Maisla gorge nouée. C’était Manu qui s’en allait et, avec lui, une partie de notre jeunesse.En sortant du cimetière, nous avions pris un verre. Cognac. Deux, trois, sans par<strong>le</strong>r.Dans la fumée des cigarettes.- Tu veux manger ?Je voulais rompre <strong>le</strong> si<strong>le</strong>nce. El<strong>le</strong> haussa <strong>le</strong>s épau<strong>le</strong>s et fit signe au garçon denous resservir.- Après celui-là, on va rentrer, dit-el<strong>le</strong> en cherchant dans mes yeux uneapprobation.Il faisait nuit. Après la pluie des derniers jours, <strong>le</strong> mistral soufflait, glacial. Jel’avais raccompagnée jusqu’à la petite maison que Manu louait à l’Estaque. Je n’yétais venu qu’une fois. Il y avait presque trois ans. Manu et moi avions eu unediscussion orageuse. Il trempait dans un trafic de voitures volées pour l’Algérie. Leréseau allait tomber, et il serait pris dans <strong>le</strong>s fi<strong>le</strong>ts. J’étais venu l’avertir. Lui dire dedécrocher. Nous buvions <strong>le</strong> pastis dans <strong>le</strong> petit jardin. Il avait ri.- Tu fais chier, Fabio ! Te mê<strong>le</strong> pas de ça.- J’ai fait l’effort de venir, Manu.Lo<strong>le</strong> nous regardait sans par<strong>le</strong>r. El<strong>le</strong> buvait à petites gorgées, en tirant<strong>le</strong>ntement sur sa cigarette.- Finis ton verre, et tire-toi. Marre d’entendre tes conneries. OK.J’avais fini mon verre. Je m’étais <strong>le</strong>vé. Il avait son sourire cynique des mauvaisjours. Celui que je lui avais découvert lors du braquage foireux de la pharmacie. Etque je n’avais jamais oublié. Et, au fond des yeux, ce désespoir qui n’était qu’à lui.Comme une folie qui répondrait de tout. Un regard à la Artaud, auquel il ressemblaitde plus en plus depuis qu’il avait coupé ses moustaches.- Il y a longtemps, je t’ai traité d’Espingoin. J’avais tort. T’es seu<strong>le</strong>ment untocard.Et avant qu’il ne réagisse, je lui avais balancé mon poing dans la gueu<strong>le</strong>. Ilavait valdingué dans un rosier minab<strong>le</strong>. Je m’étais approché de lui, calme et froid :- Relève-toi, tocard.À peine debout, je lui avais enfoncé mon poing gauche dans l’estomac et <strong>le</strong>droit suivit sur son menton. Il repartit dans <strong>le</strong>s roses. Lo<strong>le</strong> avait éteint sa cigarette. El<strong>le</strong>était venue vers moi :- Fous <strong>le</strong> camp ! Et ne reviens jamais ici.Ces mots, je ne <strong>le</strong>s avais pas oubliés. Devant sa porte, j’avais laissé <strong>le</strong> moteurtourner. Lo<strong>le</strong> me regarda, puis, sans un mot, descendit de la voiture. Je la suivis. El<strong>le</strong>

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