Voilà, ce que j’en pense.- J’sais pas. J’<strong>le</strong> vois jamais. J’ai même pas son téléphone. Y m’fait bosser,c’est pas l’inverse. Quand y m’veut, y m’appel<strong>le</strong>.- Comme une pute, quoi.Il ne re<strong>le</strong>va pas. Ça sentait <strong>le</strong> roussi, devait-il se dire. Sa petite tête se cherchaitune issue.- Y m’laisse des messages. Au Bar de l’Hôtel de Vil<strong>le</strong>. Appe<strong>le</strong>z Charly, auFrantel. ‘Pouvez lui demander. Vé ! P’t-être qui sait, lui.- Charly on verra plus tard. Embarque-<strong>le</strong>, dis-je à Favier.Favier l’attrapa sous <strong>le</strong> bras. Énergiquement. Il <strong>le</strong> mit debout. Sanchezcommença à chia<strong>le</strong>r.- ‘Tendez. Il a quelques habitudes. Y prend l’apéro, chez Francis, sur laCanebière. Des fois, il mange au Mas, <strong>le</strong> soir.Je fis un signe à Favier, il lui lâcha <strong>le</strong> bras. Sanchez s’affala sur la chaise,comme une merde.- Voilà qui est bien, Sanchez. Enfin on peut s’entendre. Tu fais quoi ce soir ?- Ben, j’ai <strong>le</strong> taxi. Et…- Tu te pointes vers sept heures chez Francis. Tu t’instal<strong>le</strong>s. Tu te bois unebière. Tu mates <strong>le</strong>s femmes. Et quand ton pote arrive, tu lui dis bonjour. Je serai là.Pas d’entourloupes, sinon je sais où te trouver. Favier va te reconduire.- Merci, p<strong>le</strong>urnicha-t-il.Il se <strong>le</strong>va en reniflant et se dirigea vers la porte.- Sanchez ! Il s’immobilisa, baissa la tête. Je vais te dire ce que je crois. TonToni, il a jamais conduit ton taxi. Sauf vendredi soir. Je me trompe ?- Ben…- Ben quoi, Sanchez ? T’es qu’un foutu menteur. T’as intérêt à pas m’avoirbluffé, avec Toni. Sinon, tu peux dire adieu à ton taxi.- S’cusez. Je voulais pas…- Quoi ? Dire que tu marges chez <strong>le</strong>s voyous ? T’as palpé combien vendredi ?- Cinq. Cinq mil<strong>le</strong>.- Vu à quoi il a servi, ton taxi, tu t’es vachement fait mettre, si tu veux mon avis.Je fis <strong>le</strong> tour de mon bureau, ouvris un tiroir et en sortis un petit magnétophone.J’appuyai sur une touche au hasard. Je lui montrai.- Tout est là. Alors oublie pas, ce soir.- J’y serai.- Encore une chose. Pour tout <strong>le</strong> monde, ta boîte, ta femme, tes copains… <strong>le</strong>feu rouge, c’est réglé. Les flics sont sympa, et tout et tout.Favier <strong>le</strong> poussa hors du bureau et referma la porte derrière lui, en me faisantun clin d’œil. J’avais une piste. Enfin quelque chose à ruminer.J’étais couché. Sur <strong>le</strong> lit de Lo<strong>le</strong>. J’y étais allé instinctivement. Comme samedimatin. J’avais envie d’être chez el<strong>le</strong>, dans son lit. Comme dans ses bras. Et je n’avaispas hésité. J’imaginai un instant que Lo<strong>le</strong> m’ouvrait sa porte et me faisait entrer. El<strong>le</strong>préparerait un café. Nous par<strong>le</strong>rions de Manu, d’Ugo. Du temps passé. Du temps quipasse. De nous, peut-être.L’appartement baignait dans la pénombre. Il était frais et avait conservé sonodeur. Menthe et basilic. Les deux plants manquaient d’eau. Je <strong>le</strong>s avais arrosés.C’est la première chose que je fis. Je m’étais ensuite déshabillé et j’avais pris unedouche, presque froide. Puis j’avais mis <strong>le</strong> réveil à deux heures et je m’étais allongédans <strong>le</strong>s draps b<strong>le</strong>us, épuisé. Avec <strong>le</strong> regard de Lo<strong>le</strong> sur moi. Son regard quand soncorps glissa sur <strong>le</strong> mien. Des millénaires d’errance y brillaient, noirs comme
l’anthracite. El<strong>le</strong> avait la légèreté de la poussière des chemins. Cherche <strong>le</strong> vent, tutrouveras la poussière, disaient ses yeux.Je ne dormis pas longtemps. Un quart d’heure. Trop de choses s’agitaient dansma tête. Nous avions tenu une petite réunion avec Pérol et Cerutti. Dans mon bureau.La fenêtre était grande ouverte, mais il n’y avait pas d’air. Le ciel s’était de nouveauassombri. Un orage aurait été <strong>le</strong> bienvenu. Pérol avait rapporté des bières et dessandwiches. Tomates, anchois, thon. Ce n’était pas simp<strong>le</strong> à manger, mais c’étaitquand même meil<strong>le</strong>ur que l’infect jambon-beurre habituel.- On a pris la déposition de Mourrabed, puis on l’a ramené ici, résuma Pérol.Cet après-midi, on <strong>le</strong> confronte au type qu’il a bousillé. On va se <strong>le</strong> garder quarantehuitheures. Peut-être qu’on va trouver, pour <strong>le</strong> faire vraiment plonger.- Et la gamine ?- El<strong>le</strong> est là aussi. On a averti sa famil<strong>le</strong>. Son frère aîné vient la chercher. Ilprend <strong>le</strong> T.G.V. de 13h30. C’est con pour el<strong>le</strong>. El<strong>le</strong> va se retrouver en Algérie vite fait.- T’avais qu’à la laisser se tirer.- Ouais. Et on l’aurait ramassée clamsée dans une cave dans un mois ou deux,dit Cerutti.Ces mômes, <strong>le</strong>ur vie el<strong>le</strong> commençait à peine, que c’était déjà une impasse Onfaisait <strong>le</strong> choix pour eux. Entre deux pires, où était <strong>le</strong> meil<strong>le</strong>ur ? Cerutti me regardait àla dérobée. Tant d’acharnement sur Mourrabed l’étonnait. Depuis un an qu’il étaitdans l’équipe, il ne m’avait jamais connu comme cela. Mourrabed ne méritait aucunepitié. Il était toujours prêt au pire. Cela se voyait dans ses yeux. De plus, il se sentaitprotégé par ceux qui <strong>le</strong> fournissaient. Oui, j’avais envie qu’il tombe. Et je voulais quece soit là, maintenant. Peut-être pour me convaincre que j’étais encore capab<strong>le</strong> demener une enquête, de la faire aboutir. Cela me rassurerait quant à mes possibilitésd’al<strong>le</strong>r jusqu’au bout pour Ugo. Et, qui sait, pour Leila.Il y avait autre chose. Je voulais croire à nouveau à mon boulot de flic. J’avaisbesoin de garde-fou. De règ<strong>le</strong>s, de codes. Et de <strong>le</strong>s énoncer, pour pouvoir m’y tenir.Chaque pas que je ferai m’éloignerait de la loi. J’en étais conscient. Déjà je neraisonnais plus en flic. Ni pour Ugo, ni pour Leila. J’étais porté par ma jeunesseperdue. Tous mes rêves étaient sur ce versant de ma vie. Si j’avais encore un avenir,c’est vers là qu’il fallait que je retourne.J’étais comme tous <strong>le</strong>s hommes qui tanguent vers la cinquantaine. À medemander si la vie avait répondu à mes espérances. Je voulais répondre oui, et il merestait peu de temps. Pour que ce oui ne soit pas un mensonge. Je n’avais pas,comme la plupart des hommes, la possibilité de faire un autre môme à une femmeque je ne désirais plus, pour tromper ce mensonge. Donner <strong>le</strong> change. Dans tous <strong>le</strong>sdomaines c’était monnaie courante. J’étais seul, et la vérité, j’étais bien obligé de laregarder en face. Aucun miroir ne me dirait que j’étais bon père, bon époux. Ni bonflic.La chambre semblait avoir perdu de sa fraîcheur. Derrière <strong>le</strong>s persiennes, jedevinais l’orage toujours menaçant. L’air était de plus en plus lourd. Je fermai <strong>le</strong>syeux. Peut-être allais-je me rendormir ? Ugo était allongé sur l’autre lit. Nous <strong>le</strong>savions poussés sous <strong>le</strong> ventilateur. C’était <strong>le</strong> milieu d’après-midi. Le moindremouvement nous tirait des litres de transpiration. Il avait loué une petite chambre,place Ménélik. Il était arrivé à Djibouti, trois semaines plus tôt, sans avertir. J’avaispris quinze jours de permission et nous avions filé au Harar rendre hommage àRimbaud et aux princesses déchues d’Éthiopie.- Alors, sergent Monta<strong>le</strong>, t’en dis quoi ?Djibouti était un port franc. Il y avait des tas d’affaires à réaliser. On pouvaitacheter des bateaux, des yachts, à un tiers de <strong>le</strong>ur prix. On en remontait un jusqu’en
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Tanagra. L’un des truands abattu
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le téléphone personnel de Pérol.
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pourtant ça que j’avais envie de
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ÉpilogueRien ne change, et c’est
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Le monde se remettait en ordre. Nos