plantai mes yeux dans ceux de Batisti : Mais la petite qu’ils ont violée auxRestanques, dans l’arrière-sal<strong>le</strong>, el<strong>le</strong> avait rien à voir dans <strong>le</strong> film. Tu me diras, c’étaitqu’une Arabe. Pour toi et <strong>le</strong>s tiens, ça compte pas. C’est comme <strong>le</strong>s nègres, ça n’apas d’âme, ces animaux-là. Hein, Batisti !J’avais é<strong>le</strong>vé la voix. À la tab<strong>le</strong> derrière nous, <strong>le</strong>s cartes restèrent suspenduesdans l’air une fraction de seconde. Félix <strong>le</strong>va <strong>le</strong>s yeux de la BD qu’il lisait. Un vieuxPieds Nickelés jauni. Il <strong>le</strong>s col<strong>le</strong>ctionnait. Je lui commandai un autre demi.- Belote, dit un des petits vieux.Et la vie reprit son cours.Batisti avait accusé <strong>le</strong> coup, mais sans rien en laisser paraître. Il avait desannées de magouil<strong>le</strong>s et de combines derrière lui. Il voulut se <strong>le</strong>ver. Je posai ma mainsur son bras. Fermement. Il lui suffisait de passer un coup de fil, et Fabio Monta<strong>le</strong>finirait sa soirée dans un caniveau. Comme Manu. Comme Ugo. Mais j’avais trop derage pour me laisser tirer comme un pigeon. J’avais abattu presque toutes mescartes, mais j’avais encore un rami dans <strong>le</strong>s mains.- Sois pas si pressé. J’ai pas fini.Il haussa <strong>le</strong>s épau<strong>le</strong>s. Félix posa <strong>le</strong> demi devant moi. Son regard alla de Batistià moi. C’était pas un méchant, Félix. Mais si je lui disais : « Manu, si on l’a buté, c’està cause de cet empaffé », vieux ou pas, il lui mettrait la grosse tête.Malheureusement, avec Batisti, ça ne se réglait pas avec des claques.- Je t’écoute. Le ton était cassant. Je commençais à l’énerver et c’était ce queje cherchais. Le faire sortir de ses gonds.- Les deux Ritals, t’as rien à craindre d’eux, je crois. Sans doute qu’ils teprotègent. Les Napolitains, ils cherchent un successeur à Zucca. Ils t’ont contacté,c’est ça que je pense. T’es toujours dans <strong>le</strong> bottin maffieux. Rubrique conseils. Peutêtremême que c’est toi qu’ils vont désigner. Je surveillais ses réactions. Ou Brunel.Ou Émi<strong>le</strong> Poli. Ou ta fil<strong>le</strong>.Il eut comme un tic, au coin de la lèvre. Deux fois. Je devais approcher de lavérité.- T’es complètement fêlé ! D’imaginer des trucs pareils.- Mais non ! Tu <strong>le</strong> sais bien ! Fêlé, non. Bouché, oui. Je pige que dal<strong>le</strong> à rien.Pour quel<strong>le</strong>s raisons t’as fait flinguer Zucca par Ugo. Comment tout ça a pus’organiser. Le coup de pot qu’Ugo, il débarque à Marseil<strong>le</strong>. Ni pourquoi ton copainMorvan l’attendait, une fois <strong>le</strong> boulot fait. Ni quel jeu pourri tu joues. Rien. Et encoremoins pourquoi Manu est mort et qui l’a tué. Je peux rien contre toi. Ni contre <strong>le</strong>sautres. Reste Simone. El<strong>le</strong>, je vais la faire plonger.J’étais sûr de faire mouche. Ses yeux virèrent au gris é<strong>le</strong>ctrique. Il serra sesmains à s’en faire péter <strong>le</strong>s jointures.- La touche pas ! J’ai qu’el<strong>le</strong> !- Moi aussi, j’ai qu’el<strong>le</strong>. À me mettre sous la dent. Loubet est sur l’affaire de lapetite. J’ai tout entre <strong>le</strong>s mains, Batisti. Toni, son arme, <strong>le</strong> lieu. Je balance tout àLoubet, dans l’heure qui suit il ramène Simone. Le viol, ça s’est passé chez el<strong>le</strong>. LesRestanques, c’est à el<strong>le</strong>, non ?C’était la dernière information donnée par Babette. Bien sûr, je n’avais aucunepreuve de tout ce que j’avançais. Mais cela n’avait aucune importance. Batistil’ignorait. Je l’amenais là où il ne s’y attendait pas. Un terrain à découvert.- Qu’el<strong>le</strong> épouse Émi<strong>le</strong>, c’était une connerie. Mais <strong>le</strong>s enfants, ça sait pasécouter. Les frères Poli, j’ai jamais pu <strong>le</strong>s saquer.L’impression de fraîcheur avait disparu. J’avais envie de me barrer, d’être surmon bateau, au large. La mer et <strong>le</strong> si<strong>le</strong>nce. L’humanité entière me sortait par <strong>le</strong>s yeux.Toutes ces histoires, c’était l’infiniment petit de la saloperie du monde. À grande
échel<strong>le</strong>, ça donnait <strong>le</strong>s guerres, <strong>le</strong>s massacres, <strong>le</strong>s génocides, <strong>le</strong> fanatisme, <strong>le</strong>sdictatures. À croire que <strong>le</strong> premier homme, il s’était tel<strong>le</strong>ment fait mettre en venant aumonde, qu’il avait la haine. Si Dieu existe, on est des enfants de pute.- C’est par el<strong>le</strong> qu’ils te tiennent, hein ?- Zucca, il a fait <strong>le</strong> comptab<strong>le</strong> pendant des années. Les chiffres, c’était son truc,plus que <strong>le</strong>s armes. La guerre des clans, <strong>le</strong>s règ<strong>le</strong>ments de comptes, il est passé autravers. Mieux, il a compté <strong>le</strong>s points. La mafia se cherchait une antenne à Marseil<strong>le</strong>,ils l’ont choisi comme interlocuteur. Il a bien mené sa barque. Comme un chefd’entreprise. C’est ce qu’il était ces dernières années. Un homme d’affaire. Si tusavais…- Je veux pas savoir. Ça m’intéresse pas. Je suis sûr que c’est à vomir.- Tu vois, valait mieux bosser avec lui qu’avec <strong>le</strong>s frères Poli. Eux, c’est quedes artisans. Ils n’ont pas l’envergure. Zucca, je crois qu’il <strong>le</strong>s aurait éliminés un jourou l’autre. Ils devenaient trop remuants. Surtout depuis qu’ils sont sous l’influence deMorvan et de Wep<strong>le</strong>r.« Y pensent qu’ils vont nettoyer Marseil<strong>le</strong>. Y rêvent de foutre <strong>le</strong> feu à la vil<strong>le</strong>.D’un grand bordel, qui partirait des quartiers Nord. Des hordes de jeunes se livrant aupillage. C’est Wep<strong>le</strong>r qui s’occupe de ça. Ils s’appuient sur <strong>le</strong>s dea<strong>le</strong>rs et <strong>le</strong>ursréseaux. Eux, ils doivent faire monter la pression chez <strong>le</strong>s jeunes. Paraît qu’y sontchauds.La vio<strong>le</strong>nce d’un côté. La peur, <strong>le</strong> racisme à l’autre bout. Avec ça, ils espéraientque <strong>le</strong>urs copains fascistes arrivent à la mairie. Et ils seront peinards. Comme dutemps de Sabiani, <strong>le</strong> tout-puissant adjoint au maire, ami de Carbone et Spirito, <strong>le</strong>sdeux grands caïds de la pègre marseillaise d’avant-guerre. Ils pourront faire <strong>le</strong>ursaffaires. Ils seront en position de force face aux Italiens. Ils se voient déjà en train derécupérer la cagnotte de Zucca.J’en avais assez entendu pour être écœuré pendant des sièc<strong>le</strong>s.Heureusement que je serais mort avant ! Qu’est-ce que j’allais bien pouvoir faire detout ça. Rien. Je ne me voyais pas emmener Batisti et lui faire raconter devant Loubet.Je n’avais aucune preuve contre eux tous. Juste une inculpation contre Mourrabed. Ledernier de la liste. Un Arabe. La victime désignée. Comme toujours. Babette nepourrait même pas en tirer un artic<strong>le</strong>. Sa déontologie était stricte. Des faits, rien quedes faits. C’est comme ça qu’el<strong>le</strong> s’était imposée dans la presse.Je ne me voyais pas non plus dans <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> du justicier. Je ne me voyais plusdans aucun rô<strong>le</strong>. Même plus celui de flic. Je ne voyais plus rien du tout. J’étais sonné.La haine, la vio<strong>le</strong>nce. Les truands, <strong>le</strong>s flics, <strong>le</strong>s politiciens. Et la misère commeterreau. Le chômage, <strong>le</strong> racisme. On était tous comme des insectes pris dans unetoi<strong>le</strong> d’araignée. On se débattait, mais l’araignée finirait par nous bouffer.Mais je devais encore savoir.- Et Manu dans tout ça ?- Il a jamais fait sauter <strong>le</strong> coffre de Brunel. Il a négocié avec lui. Contre Zucca. Ilvoulait se faire plus de fric. Beaucoup plus. Il pétait <strong>le</strong>s plombs, je crois. Zucca lui apas pardonné. Quand Ugo m’a appelé de Paris, j’ai compris que je tenais marevanche.Il avait parlé vite. Comme s’il vidait son sac. Mais trop vite.- Quel<strong>le</strong> revanche, Batisti ?- Hein ?- T’as parlé de revanche.Il <strong>le</strong>va <strong>le</strong>s yeux sur moi. Pour la première fois, il était sincère. Son regard sevoila. Et se perdit là où je n’existais pas.- Manu, je l’aimais bien, tu sais, balbutia-t-il.
- Page 2 and 3:
Total KheopsTome 1 - Saga Fabio Mon
- Page 4 and 5:
« Il n’y a pas de vérité, il n
- Page 6 and 7:
chassé le rêve. Elle le regarda a
- Page 8 and 9:
- Je suis l’ami de Manu.- Salut,
- Page 10 and 11:
Il avait pris le bus, le 55, jusqu
- Page 12 and 13:
Change d’identité, le plus vite
- Page 14 and 15:
1 - Où même pour perdre il faut s
- Page 16 and 17:
qui avaient transité une journée
- Page 18 and 19:
assis sur les rochers, silencieux,
- Page 20 and 21:
Laurent.- T’es con ou quoi ! C’
- Page 22 and 23:
2 - Où même sans solution, parier
- Page 24 and 25:
que je trouve ?Il se dégagea vivem
- Page 26 and 27:
- Au revoir, monsieur Varounian, r
- Page 28 and 29:
ochettes aux cent épices, grillée
- Page 30 and 31:
3 - Où l’honneur des survivants,
- Page 32 and 33:
qu’un flic pouvait déborder la l
- Page 34 and 35:
Je vous rappelle encore avant de vi
- Page 36 and 37:
échangé six ou sept phrases. Auss
- Page 38 and 39:
4 - Où un cognac n’est pas ce qu
- Page 40 and 41:
Une succession de commerces, de res
- Page 42 and 43:
alla directement dans la salle de b
- Page 44 and 45:
- Les autres.- Quels autres ?- Ben,
- Page 46 and 47:
5 - Où dans le malheur, l’on dé
- Page 48 and 49:
- Leila, tu vois, elle l’a eue ce
- Page 50 and 51:
ne l’imaginais pas aussi machiav
- Page 52 and 53:
ien huilée, j’avais fait revenir
- Page 54 and 55: 6 - Où les aubes ne sont que l’i
- Page 56 and 57: posa deux balles, parallèlement au
- Page 58 and 59: indifférence. Comme absent au mond
- Page 60 and 61: surveillait. Il ramassait plus tard
- Page 62 and 63: 7 - Où il est préférable d’exp
- Page 64 and 65: Je l’attirai vers moi. Elle avait
- Page 66 and 67: Il tenait un gobelet d’une main.
- Page 68 and 69: aujourd’hui ceinturé, dominé pa
- Page 70 and 71: 8 - Où ne pas dormir ne résout pa
- Page 72 and 73: Voilà, ce que j’en pense.- J’s
- Page 74 and 75: Tunisie, et on le revendait le doub
- Page 76 and 77: coincés, ils avaient démissionné
- Page 78 and 79: 9 - Où l’insécurité ôte toute
- Page 80 and 81: grand sourire. Un sourire carnassie
- Page 82 and 83: keufs. Mes potes, y les ont chouff
- Page 84 and 85: était partie.- Je vous dérange pa
- Page 86 and 87: - Elle a rien dit du tout. C’est
- Page 88 and 89: - L’auberge des Restanques. À la
- Page 90 and 91: - C’est mieux, m’entendis-je r
- Page 92 and 93: - T’aurais dû me faire l’amour
- Page 94 and 95: devienne amis, mais j’aimais bien
- Page 96 and 97: orgueil. Quant à votre soi-disant
- Page 98 and 99: l’Astra spécial en poche. Je lui
- Page 100 and 101: 12 - Où l’on côtoie l’infinim
- Page 102 and 103: point. Ce qui est rare. Habituellem
- Page 106 and 107: - Mais pas Zucca, hein ?Il ne répo
- Page 108 and 109: Françoise. Il était obligé de pa
- Page 110 and 111: de-Mai restait identique à lui-mê
- Page 112 and 113: - Z’avez serré un dealer, paraî
- Page 114 and 115: « Crève-le ! » l’avait encoura
- Page 116 and 117: - Allo. Une voix d’homme, avec un
- Page 118 and 119: C’est ça qu’ils avaient dû lu
- Page 120 and 121: sûr que les parents de Karine, sur
- Page 122 and 123: Tanagra. L’un des truands abattu
- Page 124 and 125: le téléphone personnel de Pérol.
- Page 126 and 127: pourtant ça que j’avais envie de
- Page 128 and 129: ÉpilogueRien ne change, et c’est
- Page 130: Le monde se remettait en ordre. Nos