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toucher. Je devais al<strong>le</strong>r à la pêche pour Pérol, sa femme et sa fil<strong>le</strong>. Je n’avais plusaucune raison d’y al<strong>le</strong>r, maintenant. Demain, peut-être. Ou après-demain. Le goût dela pêche reviendrait. Et avec lui celui des plaisirs simp<strong>le</strong>s. Honorine m’observait enhaut des marches. El<strong>le</strong> était tristounette de me voir ainsi, mais el<strong>le</strong> ne me poseraitaucune question. El<strong>le</strong> attendrait que je par<strong>le</strong>, si je <strong>le</strong> voulais. El<strong>le</strong> rentra chez el<strong>le</strong>avant que je ne remonte.Je mis des chaussures de marche, pris une casquette et emportai un sac àdos, avec une thermos d’eau, une serviette éponge. J’avais besoin de marcher. Laroute des calanques avait toujours su apaiser mon cœur. Je m’arrêtai chez unf<strong>le</strong>uriste au rond-point de Mazargue. Je choisis douze roses et <strong>le</strong>s fis <strong>livre</strong>r chezBabette. Je t’appel<strong>le</strong>rai. Merci. Et je filai vers <strong>le</strong> col de la Gineste.Je rentrai tard. J’avais marché. D’une calanque à l’autre. Puis j’avais nagé,plongé, escaladé. Concentré sur mes jambes, mes bras. Mes musc<strong>le</strong>s. Et <strong>le</strong> souff<strong>le</strong>.Aspirer, expirer. Avancer une jambe, un bras. Et encore une jambe, un bras. Suertoutes <strong>le</strong>s impuretés, boire, suer encore. Une réoxygénation. La tota<strong>le</strong>. Je pouvaisrevenir chez <strong>le</strong>s vivants.Menthe et basilic. L’odeur envahit mes poumons, refaits à neuf. Mon cœur semit à battre frénétiquement. Je respirai à fond. Sur la tab<strong>le</strong> basse, <strong>le</strong>s plants dementhe et de basilic, que j’avais arrosés à chacun de mes passages chez Lo<strong>le</strong>. Àcôté, une valise en toi<strong>le</strong>, et une autre, plus petite, en cuir noir.Lo<strong>le</strong> apparut dans l’encadrement de la porte de la terrasse. En jeans etdébardeur noirs. Sa peau luisait, cuivrée. El<strong>le</strong> était tel<strong>le</strong> qu’el<strong>le</strong> avait toujours été. Tel<strong>le</strong>que je n’avais cessé de la rêver. Bel<strong>le</strong>. El<strong>le</strong> avait traversé <strong>le</strong> temps, intacte. Sonvisage s’illumina d’un sourire. Ses yeux se posèrent sur moi.Son regard. Sur moi.- J’ai appelé. Ça ne répondait pas. Une quinzaine de fois. J’ai pris un taxi et jesuis venue.Nous étions là, face à face. À un mètre à peine. Sans bouger. Les brasballants, <strong>le</strong> long du corps. Comme surpris de nous retrouver l’un devant l’autre.Vivants. Intimidés.- Je suis heureux. Que tu sois là.Par<strong>le</strong>r.Je déballai plus de banalités qu’il ne pouvait en exister. La cha<strong>le</strong>ur. Une doucheà prendre. T’es là depuis longtemps ? Tu as faim ? Soif ? Tu veux mettre de lamusique ? Un whisky ?El<strong>le</strong> sourit à nouveau. Fin des banalités. El<strong>le</strong> s’assit sur <strong>le</strong> canapé, devant <strong>le</strong>splants de menthe et basilic.- Je pouvais pas <strong>le</strong>s laisser là-bas. Un sourire, encore. Il n’y avait que toi, pourfaire ça.- Il fallait que quelqu’un <strong>le</strong> fasse. Tu ne crois pas ?- Je crois que je serais revenue quand même. Quoi que tu aies fait, ou pas fait.- Les arroser, c’était faire vivre l’esprit du lieu. C’est toi qui nous as appris ça.Là où vit l’esprit, l’autre n’est pas loin. J’avais besoin que tu existes. Pour al<strong>le</strong>r del’avant. Ouvrir <strong>le</strong>s portes autour de moi. Je vivais dans <strong>le</strong> renfermé. Par paresse. Onse satisfait toujours de moins. Un jour, on se satisfait de tout. Et on croit que c’est <strong>le</strong>bonheur.El<strong>le</strong> se <strong>le</strong>va et vint vers moi. De sa démarche aérienne. Mes bras étaientouverts. Je n’avais plus qu’à la serrer contre moi. El<strong>le</strong> m’embrassa. Ses lèvres avaient<strong>le</strong> velouté des roses expédiées <strong>le</strong> matin à Babette, d’un rouge sombre à peu prèségal. Sa langue vint chercher la mienne. Nous ne nous étions jamais embrassés ainsi.

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