aujourd’hui ceinturé, dominé par des cités où s’entassaient <strong>le</strong>s immigrés chassés ducentre-vil<strong>le</strong>.Il vaut mieux exprimer ce que l’on éprouve. Bien sûr. Je savais écouter, mais jen’avais jamais su me confier. Au dernier moment, je me repliais dans <strong>le</strong> si<strong>le</strong>nce.Toujours prêt à mentir, plutôt que de raconter ce qui n’allait pas. Ma vie aurait sansdoute pu être différente. Je n’avais pas osé raconter à mon père mes conneries avecManu et Ugo. Dans la Colonia<strong>le</strong>, j’en avais sa<strong>le</strong>ment bavé. Cela ne m’avait pas servide <strong>le</strong>çon. Avec <strong>le</strong>s femmes, j’allais jusqu’à l’incompréhension et je souffrais de <strong>le</strong>s voirs’éloigner. Muriel, Carmen, Rosa. Quand je tendais la main, qu’enfin j’ouvrais labouche pour m’expliquer, il était trop tard.Ce n’était pas par manque de courage. Je ne faisais pas confiance. Pas assez.Pas suffisamment pour mettre ma vie, mes sentiments entre <strong>le</strong>s mains de quelqu’un.Et je m’usais à essayer de tout résoudre par moi-même. Une vanité de perdant. Il mefallait bien <strong>le</strong> reconnaître, dans la vie, j’avais toujours perdu. Manu et Ugo, pourcommencer.Souvent, je m’étais dit que ce soir-là, après ce braquage foireux, je n’aurais pasdû m’enfuir. J’aurais dû <strong>le</strong>s affronter, dire ce que j’avais sur <strong>le</strong> cœur depuis des mois,que ce que nous faisions ne conduisait à rien, que nous avions mieux à faire. Et c’étaitvrai, nous avions la vie devant nous, et <strong>le</strong> monde à découvrir. On aurait aimé ça,courir <strong>le</strong> monde. J’en étais persuadé. Peut-être nous serions-nous fâchés ? Peut-êtreauraient-ils continué sans moi ? Peut-être. Mais peut-être aussi seraient-ils làaujourd’hui. Vivants.Je pris <strong>le</strong> chemin du Littoral, qui longe <strong>le</strong> port et la digue du Large. Monitinéraire préféré pour entrer dans Marseil<strong>le</strong>. Regards sur <strong>le</strong>s bassins. BassinMirabeau, bassin de la Pinède, bassin National, bassin d’Arenc. L’avenir de Marseil<strong>le</strong>était là. Je voulais toujours y croire.La voix et <strong>le</strong>s rythmes de Ruben Blades commençaient à faire de l’effet dansma tête. Ils dissipaient mes angoisses. Apaisaient mes dou<strong>le</strong>urs. Bonheur caraïbes.Le ciel était gris et bas, mais chargé d’une lumière vio<strong>le</strong>nte. La mer s’inventait un b<strong>le</strong>umétallisé. J’aimais bien quand Marseil<strong>le</strong> se trouvait des cou<strong>le</strong>urs de Lisbonne.Sanchez m’attendait déjà. Je fus surpris. Je m’étais imaginé une espèce demia, fort en gueu<strong>le</strong>. Il était petit, rondouillard. À sa manière de me saluer, je comprisqu’il n’était pas du genre courageux. Main mol<strong>le</strong>, yeux baissés. Le type qui diratoujours oui, même s’il pense non.Il avait peur.- Savez, j’suis père de famil<strong>le</strong>, dit-il en me suivant dans <strong>le</strong> bureau.- Asseyez-vous.- Et j’ai trois enfants. Les feux rouges, <strong>le</strong>s limitations de vitesse, té, pensez si j’yfais gaffe. Mon taxi, c’est <strong>le</strong> gagne-pain, alors…Il me tendit une feuil<strong>le</strong>. Des noms, des adresses, des téléphones. Quatre. Je <strong>le</strong>regardai.- Ils pourront vous confirmer. À l’heure qu’vous dites, j’étais avec eux. Jusqu’àonze heures trente. Après je me suis remis au taxi.Je posai la feuil<strong>le</strong> devant moi, allumai une cigarette et plantai mes yeux dans<strong>le</strong>s siens. Des yeux porcins, injectés de sang. Il <strong>le</strong>s baissa très vite. Il se tenait <strong>le</strong>smains, n’arrêtait pas de <strong>le</strong>s serrer l’une contre l’autre. Sur son front, la sueur perlait.- Dommage, monsieur Sanchez. Il re<strong>le</strong>va la tête. Vos amis, si je <strong>le</strong>s convoque,ils seront obligés de faire un faux témoignage. Vous al<strong>le</strong>z <strong>le</strong>ur créer des ennuis.Il me regarda de ses yeux rouges. J’ouvris un tiroir, attrapai un dossier auhasard, bien épais, <strong>le</strong> posai devant moi et me mis à <strong>le</strong> feuil<strong>le</strong>ter.
- Vous vous imaginez bien que pour un banal feu rouge, on aurait pas pris lapeine de vous convoquer, et tout ça. Ses yeux s’agrandirent. Maintenant, il transpiraitméchamment. C’est plus grave. Bien plus grave, monsieur Sanchez. Vos amisregretteront de vous avoir fait confiance. Et vous…- J’y étais. De 9 heures à 11 heures.Il avait crié. La peur. Mais il me paraissait sincère. Cela m’étonnait. Je décidaide ne plus finasser.- Non, monsieur, lui répondis-je fermement. J’ai huit témoins. Ils va<strong>le</strong>nt tous <strong>le</strong>svôtres. Huit policiers en service. Sa bouche s’ouvrit, mais il n’en sortit aucun son.Dans ses yeux, je voyais défi<strong>le</strong>r toutes <strong>le</strong>s catastrophes du monde. À 22 heures 15,votre taxi était rue Corneil<strong>le</strong>, devant La Commanderie. Je peux vous accuser decomplicité de meurtre.- C’est pas moi, dit-il d’une voix faib<strong>le</strong>. C’est pas moi. Je vais vous expliquer.
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le téléphone personnel de Pérol.
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Le monde se remettait en ordre. Nos