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dessous. El<strong>le</strong>s marchaient <strong>le</strong>ntement, sur <strong>le</strong>urs talons aiguil<strong>le</strong>s, mais sans tortil<strong>le</strong>r ducul comme à Toulon. Leur démarche était simp<strong>le</strong>, avec cette langueur qui nes’acquiert qu’ici. El<strong>le</strong>s parlaient et riaient fort. Pour qu’on <strong>le</strong>s remarque. Pour qu’onvoie qu’el<strong>le</strong>s étaient bel<strong>le</strong>s. Et bel<strong>le</strong>s, el<strong>le</strong>s l’étaient.Nous, on <strong>le</strong>s suivait une dizaine de pas en arrière, en faisant descommentaires, suffisamment forts pour qu’el<strong>le</strong>s entendent. À un moment, l’une d’el<strong>le</strong>sse retournait, et lâchait : « Vé, mais tu l’as vu çui-là ! Il se prend quoi, ce bellastre ?Pour Raf Vallone ! » El<strong>le</strong>s éclataient de rire. Se retournaient. Riaient de plus bel<strong>le</strong>.C’était gagné. Arrivés place de la Bourse, la conversation était engagée. Quai desBelges, il ne nous restait plus qu’à mettre la main à la poche, pour payer <strong>le</strong>s glaces.Chacun la sienne. Ça se faisait comme ça. Au regard et au sourire. Une histoire quitenait, au mieux, jusqu’au dimanche soir, après d’interminab<strong>le</strong>s slows dans lapénombre des Salons Michel, rue Montgrand.Des Arabes, à cette époque, il n’en manquait déjà pas. Ni des Noirs. Ni desViets. Ni des Arméniens, des Grecs, des Portugais. Mais cela ne posait pas deproblème. Le problème, c’en était devenu un avec la crise économique. Le chômage.Plus <strong>le</strong> chômage augmentait, plus on remarquait qu’il y avait des immigrés. Et <strong>le</strong>sArabes, c’était comme s’ils augmentaient avec la courbe du chômage ! Les Françaisavaient bouffé tout <strong>le</strong>ur pain blanc pendant <strong>le</strong>s années soixante-dix. Mais <strong>le</strong>ur painnoir, ça, ils voulaient <strong>le</strong> bouffer seuls. Pas question qu’on vienne <strong>le</strong>ur en piquer unemiette. Les Arabes, c’est ça qu’ils faisaient, ils volaient la misère dans nos assiettes !Les Marseillais ne pensaient pas vraiment ça, mais on <strong>le</strong>ur avait filé la peur.Une peur vieil<strong>le</strong> comme l’histoire de la vil<strong>le</strong>, mais que, cette fois-ci, ils avaient un malfou à surmonter. La peur <strong>le</strong>s empêchait de penser. De se repenser, une nouvel<strong>le</strong> fois.Toujours pas de Sanchez en vue. 7 heures 10. Qu’est-ce qu’il foutait, ce con ?Ça ne m’ennuyait pas, d’attendre, là, sans rien faire. Ça me détendait. Seul regret, <strong>le</strong>sfemmes n’avaient qu’une hâte, rentrer chez el<strong>le</strong>s. Une mauvaise heure pour <strong>le</strong>sregarder passer.El<strong>le</strong>s marchaient d’un pas pressé. Leur sac serré sur <strong>le</strong>ur ventre. Les yeuxbaissés. L’insécurité <strong>le</strong>ur ôtait toute sensualité. El<strong>le</strong>s la retrouveraient <strong>le</strong> <strong>le</strong>ndemain, àpeine montées dans <strong>le</strong> bus. Avec ce regard franc que je <strong>le</strong>ur aimais. Une fil<strong>le</strong>, ici, siel<strong>le</strong> te plaît et que tu la regardes, el<strong>le</strong> ne baisse pas <strong>le</strong>s yeux. Même si tu ne ladragues pas, tu as intérêt à profiter de ce qu’el<strong>le</strong> te donne à voir, sans détourner <strong>le</strong>syeux. Sinon, el<strong>le</strong> te fait un scanda<strong>le</strong>, surtout s’il y a du monde autour.Un Golf GTI décapotab<strong>le</strong>, blanche et verte, ra<strong>le</strong>ntit, grimpa sur <strong>le</strong> trottoir entredeux platanes et s’arrêta. Musique à fond. Quelque chose d’aussi indigeste queWithney Houston ! Le chauffeur vint droit vers moi. Dans <strong>le</strong>s vingt-cinq ans. Bel<strong>le</strong>gueu<strong>le</strong>. Pantalon de toi<strong>le</strong> blanche, veste légère à petites rayures b<strong>le</strong>ues et blanches,chemise b<strong>le</strong>u foncé. Cheveux mi-longs, mais bien coupés.Il s’assit en me regardant droit dans <strong>le</strong>s yeux. Il croisa ses jambes, enremontant légèrement son pantalon pour ne pas en casser <strong>le</strong> pli. Je remarquai sachevalière et sa gourmette. Une gravure de mode, aurait dit ma mère. Un vraimaquereau, pour moi.- Francis ! Une mauresque ! cria-t-il.Et il alluma une cigarette. Moi aussi. J’attendais qu’il par<strong>le</strong>, mais il ne dirait rientant qu’il n’aurait pas bu. Une vraie attitude de cacou. Je savais qui il était. Toni. Letroisième homme. L’un des types qui avaient peut-être tué Leila. Qui l’avaient aussiviolée. Mais lui, il ignorait que je pensais cela. Il ne croyait être, pour moi, que <strong>le</strong>chauffeur du taxi de la place de l’Opéra. Il avait l’assurance du type qui ne risquaitrien. Qui avait des protections. Il but une gorgée de sa mauresque, puis me fit un

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